« Et il ne s’est plus levé de prophète en Israël comme Moché, auquel Hachem S’est fait connaître face à face… et pour toute la main forte, et pour toute la grande terreur qu’a faites Moché aux yeux de tout Israël » Devarim (34,10-12)
Rachi vient nous expliquer les derniers mots de la Tora : « Aux yeux de tout Israël », en disant : « Son cœur l’a poussé à briser les Tables de la Loi sous leurs yeux ».
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Tora ne termine pas avec un « happy end », mais au contraire en rappelant un évènement plutôt dur, celui de la destruction des Tables de la Loi après la faute du veau d’or.
Pourquoi se quitter sur un épisode aussi triste ? Quel est le sens de l’acte de Moché et en quoi est-il important ?
La Tora vient nous rappeler le grand acte de Moché et souhaite que nous en percevions l’utilité et les conséquences positives.
Au moment où tout le peuple d’Israël s’apprête à clôturer la lecture des cinq Livres et à fêter Sim’hath Tora, Hachem, estimant ce moment particulièrement propice, nous transmet alors un précieux message afin de mieux recommencer une nouvelle lecture de la Tora et une nouvelle année.
Comme nous le savons et le constatons tous, nous sortons ce jour-là dans nos communautés, tous les Sifrei Tora et leurs accessoires du Heikhal.
Les fidèles ne lésinent pas sur l’achat des Mitsvot, comme l’ouverture, la fermeture du Heikhal, ou le port du Séfer Tora.
On dépense de belles sommes pour les Rimonim ou autre décoration du Séfer Tora. Cet aspect de la Tora nous plaît, ce sont des moments forts. Chantez, dansez, Kavod à la Tora !
Les synagogues sont pleines : des hommes « ivres » de joie, des femmes « armées » de bonbons, et des enfants munis de leur mini Sefer Tora en peluche qui imitent les grands. Personne ne manque ce grand évènement tellement spécial.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous explique cet engouement et les risques qu’il comporte, si l’on ne s’en tient qu’à cela, au moyen de la parabole suivante : c’est l’histoire de Rivka et Sara, deux sœurs aux destins opposés. Rivka épousa un homme riche, elle connait les voyages, les hôtels, les bijoux et mène une vie de grand standing. Sara quant à elle, épousa un homme de condition modeste, ils bouclent tout juste les fins de mois, le mobilier est le même depuis le début du mariage, ses vêtements sont un peu démodés, etc.
Après quelques années, Rivka et Sara se rencontrent.
Rivka demande à sa sœur : « Puis-je te poser une question ? Comment peux-tu être aussi heureuse en vivant tellement à l’étroit ? »
Sara lui répondit par la question inverse : « Pourquoi es-tu aussi triste malgré ton train de vie de princesse ? »
Alors Rivka lui expliqua : il est vrai qu’elle avait déjà fait deux fois le tour du monde, qu’elle ne manquait de rien, ni de vêtements, ni de bijoux… mais son mari ne la considérait pas comme sa femme. Il ne lui demandait jamais conseil, ne la consultait pour rien, elle se sentait aussi importante que la belle bibliothèque qui trônait dans leur salon.
Et Sara à son tour lui décrivit sa vie. Il est vrai que son mobilier n’avait jamais changé, que ses vêtements n’étaient pas renouvelés souvent… mais son mari la considérait vraiment comme sa femme, il s’inquiétait de sa santé, sa vie, c’était leur vie, son avis était primordial…
C’était cette considération qui rendait Sara heureuse, tandis que c’était l’absence de considération qui rendait Rivka malheureuse.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous explique ensuite que la Tora est notre « Échet ‘Hayil », cependant il y a deux types de comportements que l’on peut adopter à son égard : la considérer et la consulter, ou bien s’en tenir à l’orner de Rimonim et de beaux tissus.
Ne soyons pas comme le « Mr Rivka », pour qui sa femme n’est qu’une accompagnatrice, mais avec qui, il ne vit pas.
On peut acheter, décorer, honorer la Tora, mais il ne faut pas s’arrêter là. On doit consulter la Tora, la craindre, la respecter, l’écouter, vivre avec Elle et pour Elle. C’est là, la véritable considération.
En cassant les Tables de la Loi après la faute du veau d’or, Moché nous a enseigné que la Tora n’était pas juste faite pour rester dans les Aron Hakodech. On ne peut pas vivre avec le veau (exclure la Tora) et posséder la Tora (dans une boîte).
Si on ne pratique pas la Tora, il n’y a pas de Tora, on ne peut pas se dire respecter et aimer la Tora en dansant avec elle ou l’ornant de jolies décorations, et d’un autre côté ne pas écouter ses Lois. Ce serait lui faire un affront, se moquer d’Elle !
Moché, devant leur comportement irrespectueux, a dû briser les Tables de la Loi parce qu’elles n’étaient plus d’aucune utilité. Nous devons comprendre que la Tora nous a été donnée afin d’être respectée et pratiquée.
Si, après la lecture de 54 parachioth retraçant l’histoire de nos Patriarches, la sortie d’Égypte, le don de la Tora… nous n’avions toujours pas compris le message, la Tora en guise de conclusion, nous dit les choses sans équivoque, en mentionnant pour conclure l’évènement majeur des Tables de la Loi brisées.
Avant d’entreprendre nos achats pour Sim’hat Tora, rappelons-nous que le but principal du don de la Tora est de l’étudier en vue de l’appliquer.
Même si l’un n’empêche pas l’autre, le plus grand bonheur pour une femme, n’est pas tant les cadeaux et leurs valeurs, que l’intention qui a motivé leur achat, l’attention et l’effort qui l’ont accompagné.
Jusqu’à quand un ‘Hatan est-il considéré comme ‘Hatan ? Tant qu’il considère sa Kala comme une reine. Notre peuple est marié à la belle Tora, traitons-la comme il se doit, avec tous les égards qu’elle mérite, et nous serons souverains parmi les peuples.
Rav Mordekhai Bismuth
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