FIGAROVOX/ENTRETIEN – En couverture du Time, la photo d’une fillette illustrait l’épineuse question de la séparation d’enfants migrants d’avec leurs parents… mais la fillette n’a, en réalité, jamais été séparée de sa mère. Pour David Desgouilles, tous les moyens sont bons pour s’en prendre à Donald Trump.
David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur. Il a notamment publié Dérapage (éd. du Rocher, 2017).
FIGAROVOX.- La couverture du Time peut-elle être qualifiée de «fake news»?
David DESGOUILLES.- Au sens où il est utilisé en France notamment par ceux qui veulent légiférer en la matière, ce genre de procédé peut effectivement être qualifié de «fake news». Par exemple, imaginons que Sputnik ou Russia Today aient commis une mise en scène de cette nature avec Emmanuel Macron au lieu de Donald Trump, le scandale serait retentissant et on désignerait l’ombre de Vladimir Poutine.
Si je voulais qualifier moi-même cette Une du Time, je dirais qu’il s’agit d’une entorse aux règles élémentaires de l’éthique et de la déontologie.
Cette séquence est très révélatrice de l’ambiance qui règne aux États-Unis depuis la campagne électorale de Trump, et la déchirure entre d’une part le Président des États-Unis et son électorat, et d’autre part la presse ou Hollywood. À ce président «vulgaire», on oppose aussi la vulgarité, comme Robert de Niro et son «Fuck Trump». Pour Trump, tous les coups sont permis. Et donc, contre lui, tous les coups sont permis aussi.
Il n’y aurait donc pas que les médias de propagande russe ou la presse conservatrice qui propagent des nouvelles fausses ou erronées?
Effectivement, la presse «mainstream» n’est pas avare de procédés flirtant avec les limites déontologiques. Et pas seulement aux États-Unis. Dans la presse audiovisuelle française, on a été témoin de la part d’une émission (qui était jadis sur Canal + et aujourd’hui sur TMC sous un autre nom), sous prétexte de mettre les rieurs de leur côté tout en développant son catéchisme politiquement correct, de montages absolument malhonnêtes. En fait, si vous êtes dans le camp du Bien, vous pouvez vous affranchir plus facilement de règles éthiques. Il y a là, en permanence, des jugements à géométrie variable. Ainsi une véritable information, vérifiée et sourcée, peut être mise en sourdine parce qu’elle aurait été twittée par des «organes de la fachosphère», et qu’elle fait le jeu, ou le lit – c’est selon – de l’extrême-droite. Ce n’est plus l’information qui compte mais l’auteur de l’information. La définition de la «fake news» dépend de l’identité de son auteur et de ses propagateurs. Tout cela est extrêmement malhonnête. Mais j’en viens à m’interroger parfois sur l’état d’esprit de ceux qui fonctionnent de la sorte. Je suis certain qu’une partie d’entre eux sont empreints de sincérité. Leur appartenance au camp du Bien ne leur posant pas question, leur attitude binaire l’emporte naïvement sur toute autre considération.
Cette affaire révèle donc à quel point la notion de «fake news» est fuyante?
Cela me paraît évident. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer en ce sens dans ces colonnes. Cette proposition de loi doit être absolument remisée dans un tiroir des sous-sols de l’Assemblée nationale. Quant aux procédés non déontologiques, ils finissent toujours par apparaître au grand jour, comme on vient de le constater avec le Time. À partir de là, le public peut faire son tri et mesurer le degré d’honnêteté des uns et des autres. Je ne suis pas partisan non plus du conseil déontologique à la suédoise préconisé par Jean-Luc Mélenchon, faisant davantage confiance à la vigilance des concurrents des médias fautifs.
Une fois encore, après la photo du petit Aylan, la presse utilise des images choc pour traiter le sujet la question des migrants. Que vous inspire ce procédé?
Qu’on utilise des images choc comme celle du petit Aylan ne me gêne pas. Cela fait partie de la liberté éditoriale de procéder ainsi. Mais à condition qu’on l’accepte pour tout le monde. Ainsi, lorsque Marine Le Pen et Gilbert Collard sont traduits devant les tribunaux pour «apologie du terrorisme» pour avoir voulu, eux aussi, provoquer un choc dans l’opinion en montrant des exactions de l’État islamique, ils usent aussi de la liberté éditoriale que leur confèrent leurs comptes twitter respectifs. On peut juger qu’il s’agit d’une faute de goût mais cela devrait être leur liberté totale, au même chef que ceux qui mettent le petit Aylan à la une.
Source www.lefigaro.fr