Des experts américains mettent en garde Israël de prendre Daesh plus au sérieux
Des analystes affirment que le groupe terroriste, qui a revendiqué l’attaque au couteau de Jérusalem, fait rarement de fausses déclarations quant à sa responsabilité.
Alors que l’Etat Islamique a revendiqué sa responsabilité dans l’attentat de la Porte de Damas, sur le territoire israélien, vendredi 16 juin et a juré de frapper à nouveau, la réponse en Israël n’est pas empreinte de crainte, mais plutôt d’incrédulité. Une force ou une vulnérabilité?
Les responsables israéliens ont, dans leur grande majorité, rejeté d’un revers de main l’allégation du groupe terroriste, qui prétend être le marionnettiste de l’assassinat au couteau de la jeune policière des frontières, Hadas Malka, tombée sous les coups de ses assaillants terroristes.
Certains spécialistes américains du groupe terroriste pensent que ces responsables sécuritaires israéliens seraient bien avisés d’y repenser à deux fois.
« C’est un modèle que nous observons fréquemment. Daesh publie des menaces, des menaces grandioses, parfois démesurées, accompagnées de vidéos très prisées et de toutes sortes de choses de cette nature », déclare au JTA Rukmini Callimachi, une reporter du New York Times (née à Bucarest) qui observe le groupe terroriste et son activité en ligne. « Les réactions en Occident consistent à dire qu’il s’agit des paroles de gens dérangés, déséquilibrés, que ce n’est que de la parlotte et pas de l’action, et ensuite, un par un, les pays qui ont été la cible de cette propagande constatent des bains de sang sur leur territoire ».
Callimachi et d’autres analystes américains avertissent que l’Etat Islamique bluffe très rarement s’agissant de ces menaces d’attentat. Le groupe terroriste a longtemps juré de détruire l’Etat Juif, selon eux, et il se peut qu’en définitive, il fasse tout pour tenir ses promesses.
L’Etat Islamique a revendiqué sa responsabilité très peu de temps après l’attaque, qui impliquait deux types d’agressions coordonnées en des endroits différents, de la part de trois Palestiniens de Judée-Samarie, dans et tout près de la Vieille Ville, vendredi 16 juin en soirée de Shabbat. Par l’entremise de son agence de presse sur Internet, l’Etat Islamique a annoncé que « Des Lions du Califat ont mené une attaque bénie sur un rassemblement de Juifs à Al Quds ». Il tient à prévenir que « ce ne sera pas la dernière ».
Le Hamas a rejeté cette revendication et prétendu que l’attaque avait été menée par deux terroristes du FPLP et un troisième du Hamas.
Pour leur part, les responsables israéliens, dont les services intérieurs du Shin Bet et les forces de Tsahal n’ont pas du tout été impressionnés par les déclarations des différents groupes terroristes. Ils se sont contentés d’affirmer que les attaquants semblent faire partie d’une cellule locale sans soutien organisationnel ferme [ils pourraient à la limite entrer dans la catégorie des « inspirés par Daesh, ce qui est, pratiquement, le cas de tous les terroristes palestiniens isolés ou en petits comités qui ont agi après les instruction prédicateur et n°2 de Daesh : Mohammed Al-Adnani, « Ministre des Attentats » : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen — en particulier les méchants et sales Français — ou un Australien ou un Canadien, ou tout […] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munitions, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle, ou n’importe lequel de ses alliés. Écrasez-lui la tête à coups de pierres, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le »].
« Comme nous l’interprétons, il n’y a pas de relations directes entre Daesh ou le Hamas avec ce qui s’est produit », a déclaré au JTA un responsable haut-gradé de l’armée, dimanche. « Pour le moment, nous comprenons que nous avons à faire à une initiative locale, une cellule terroriste locale, sans lien avec aucune organisation terroriste ».
Mais Callimachi affirme qu’il est inhabituel, pour Daesh, de revendiquer mensongèrement un attentat et qu’il n’est pas évident de savoir ce que serait le bénéfice qu’escompte le groupe en s’y livrant, attaque qu’elle décrit comme une « patate chaude ». Elle fait remarquer que beaucoup d’attaques en lien avec l’Etat Islamique ont d’abord été attribuées à l’oeuvre de « loups solitaires », alors que les preuves de leurs liens avec Daesh n’apparaissaient qu’ultérieurement, souvent trop tard pour faire les grandes lignes de la presse.
« Contrairement à la perception du public, Daesh ne revendique pas toutes les attaques », dit-elle. « Ils ont, en réalité, un sacré palmarès non-déclaré -il y a bien plus d’exemples d’attaques de Daesqh qu’ils n’ont jamais revendiqué que le contraire ».
« Cela n’a aucun sens qu’ils puissent vouloir revendiquer (mensongèrement) cette petite attaque, sur un territoire où on les a déjà accusés d’avoir inspiré des attentats (Tel Aviv Dizengoff et Sarona Market), à un moment où ils montent des attentats majeurs dans des endroits comme l’Angleterre, la France, la Belgique et l’Iran » [en quoi serait un « exploit » de même ampleur?]
Callimachi souligne également que l’Etat Islamique a menacé Israël de manière répétée, y compris au cours d’une vidéo de Décembre 2015 censée illustrer son dirigeant Abu Bakr Al Baghdadi.
L’Etat Islamique s’est, en fin de compte, exécuté à l’encontre des pays qu’ils menaçait, dit-elle, y compris contre le Royaume-Uni et l’Iran, [qui ne sont pas non plus des « cibles faciles »].
Les responsables locaux ont confirmé les revendications du groupe quant à une attaque à la fourgonnette-bélier et un déchaînement de coups de couteaux à Londres le 3 juin, qui a tué huit personnes et une fusillade à Téhéran doublée d’explosions de terroristes-suicide au Mausolée de l’Imam Khomeiny, le 7 juin, qui ont tué 18 individus, ainsi que de deux autres attentats en Grande-Bretagne cette année.
A la suite des attentats en Iran, Michael S. Smith II, un expert du terrorisme qui conseille les membres du Congrès et le Conseil National de Sécurité, a prédit qu’Israël serait le pays suivant. L’usage en augmentation de l’hébreu sur les réseaux sociaux et canaux de communication de Daesh a attiré son attention pour dire que quelque chose est (était?) en préparation. A cause des pertes militaires importantes de Daesh sur le terrain en Syrie et en Irak, dit-il, prendre Israël pour cible est une bonne manière de recruter des adeptes et de se distinguer des autres groupes rivaux.
Smith spécule sur le fait qu’autant les autorités israéliennes que le Hamas hésitent à imputer l’attentat de Jérusalem à Daesh par crainte de lui concéder une victoire de propagande idéologique. L’argumentaire est qu’aucun parti ne veut admettre que le Hamas – pour lequel Smith pense qu’il est bien « plus en accord avec Daesh qu’il n’y paraît »- soit confronté à une « compétition » le poussant à prendre une approche et des mesures encore plus violentes que celles adoptées durant son conflit avec Israël.
« Je soupçonnerai qu’il y a là reconnaissance implicite que se précipiter à affirmer que l’attaque viendrait de l’Etat Islamique deviendrait stratégiquement problématique », dit-il au JTA. « Israël et le cercle dirigeant du Hamas, bien que ne coordonnant évidement pas leurs répliques, ont chacun leurs raisons d’être inquiets -c’est-à-dire que cette dynamique (rivalité) devienne telle qu’il y aurait alors un besoin de redoubler dans le conflit pour permettre au leadership palestinien de s’affirmer suffisamment ».
Des responsables actuels et passés des services en Israël et travaillent dans l’anti-terrorisme, reconnaissent qu’il y a encore beaucoup de choses qu’ils ne savent pas, à propos des attaques de vendredi 16/06; Mais certains expriment leur scepticisme, quant au fait que l’Etat Islamique pourrait réaliser une véritable percée parmi les Palestiniens qui, jusqu’à présent, ont généralement rejeté l’idéologie du groupe. Même s’il y parvenait, Daesh ne pourrait pas altérer significativement la réalité sécuritaire d’Israël.
Les filiales de Daesh revendiquent leurs tirs de roquettes vers Israël et les responsables ont imputé au moins deux attaques terroristes dans le pays, l’an dernier, comme ayant été inspirées par le groupe. Pourtant, la violence palestinienne contre Israël et le Sionisme précède de loin l’Etat Islamique et de vastes nombres de jeunes Palestiniens ont lancé des attaques en « loups solitaires » contre des Israéliens depuis octobre 2015, provoquées par des motifs personnels ou des frustrations politiques.
Le Ministre des renseignements et des Transports Yisraël Katz a déclaré lundi, qu’alors qu’Israël ne dispose pas de preuves que les assaillants terroristes de Jérusalem aient eu des liens avec l’Etat Islamique, il prend très au sérieux la menace de Daesh et qu’il attribue des ressources significatives afin de déjouer toute attaque à l’intérieur et à l’étranger. Il affirme qu’Israël connaît moijns de risques d’être attaqué par l’Etat Islamique que d’autres pays, en partie, grâce à ses systèmes de défense bien consolidés par l’histoire et la situation permanente et grâce à sa politique de dissuasion.
« En ce qui concerne le terrorisme en général, nous sentons qu’Israël est mieux organisé pour en traiter, en tant que conséquence de son expérience, de sa créativité et de son innovation dans le domaine, en termes d’expérience militaire, de celle de la police et de celle des civils armés ayant un passé militaire suffisant », selon ce que dit Katz au JTA, dans un échange par e-mail. « Cependant, même en tenant compte de tout ceci, nous sommes malheureusmeent dans l’impossibilité d’empêcher complètement toute attaque, comme celle de Jérusalem, qui a enlevé la vie à une jeune femme de la police des frontières ».
Quand in lui demande si Israël devrait plus s’inquiéter de l’Etat Islamique, Amos Yadlin, Général Major à la retraite, qui a occupé le poste de chef des Renseignements Militaires (AMAN), a rappelé son propre point de vue souvent déclaré, que le groupe terroriste « n’est pas une menace cruciale » pour Israël. « La Seconde Intifada, ce soulèvement palestinien extrêmement sanglant entre 2000 et 2005, a appris au pays comment traiter le terrorisme au quotidien, dit-il, ce qui lui permet de s’inquiéter de bien d’autres défis sécuritaires majeurs, tout à son rôle actuel de chef d’un influent Think-Tank, l’Institut National des Etudes de Sécurité.
« Avec tout le respect qu’on doit porter à ce type d’événements tragiques, nous sommes, néanmoins confrontés à des préoccupations bien plus importantes que des attaques au couteau », déclare Yadlin au JTA, en désignant tout particulièrement l’Iran et son protégé au Liban, le groupe terroriste Hezbollah. « Le reste du monde combat déjà Daesh, mais contre ces autres groupes terroristes, nous sommes seuls face à eux ».
June 20 juin 2017, 7:56 am
jta.org
En savoir plus sur http://jforum.fr/experts-israel-ne-prend-pas-daesh-assez-au-serieux.html#itMfixTKswGc1lX0.99