« Plus de 50 000 djihadistes vivent actuellement en Europe ».
Photo : À Madrid, des policiers espagnols masqués ont arrêté un homme soupçonné de recruter des djihadistes pour le compte de l’Etat islamique, le 16 juin 2014. (Photo de Gonzalo Arroyo Moreno / Getty Images)
par Soeren Kern
Plus de 50 000 djihadistes vivent actuellement en Europe. – Gilles de Kerchove, coordinateur antiterroriste de l’UE.
- Europol, le bureau de coordination des polices nationales de l’UE, a identifié pas moins de 30 000 sites jihadistes actifs sur Internet. Mais la législation de l’UE sur la protection de la vie privée, n’oblige plus les fournisseurs d’accès à Internet à collecter et conserver les métadonnées de leurs clients – y compris celles qui permettraient de localiser les djihadistes. De Kerchove a déclaré que cela entravait la police dans sa capacité à identifier les djihadistes et à agir préventivement.
- Les autorités allemandes sont actuellement en train de faire la chasse à des dizaines de membres de Jabhat al-Nusra, l’un des plus violents groupes djihadistes de Syrie. Selon Der Spiegel, ces djihadistes sont entrés en Allemagne en se faisant passer pour des réfugiés.
Ces hommes, tous anciens membres de Liwa Owais al-Qorani, un groupe rebelle détruit par l’Etat islamique en 2014, passent pour avoir massacré des centaines de Syriens, civils et militaires.
La police allemande aurait identifié 25 de ces djihadistes et aurait même réussi à en appréhender quelques-uns. Mais plusieurs dizaines d’autres se cachent dans toutes les villes et villages d’Allemagne.
Selon la Police criminelle fédérale (Bundeskriminalamt, BKA), plus de 400 migrants entrés en Allemagne en tant que demandeurs d’asile en 2015 et 2016 font maintenant l’objet d’une enquête sur leur appartenance à des groupes jihadistes du Moyen-Orient.
Ces informations émergent au moment où de nouvelles alertes surgissent concernant le risque de djihadistes tentant de s’infiltrer à travers le flot des migrants qui traversent la Méditerranée au départ de l’Afrique du Nord pour l’Italie. Dans une interview accordée à The Times, le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj a déclaré que les djihadistes qui ont pu accéder à son pays sans être repérés se rendent à coup sûr en Europe.
« En Europe, les migrants se déplacent librement », a déclaré al-Sarraj, en se référant aux accords de Schengen qui abolissent les frontières intérieures à l’Union européenne. « Ce qu’à D’ ne plaise, si des terroristes se sont faufilés parmi les migrants, chaque incident affectera l’UE toute entière ».
Le député européen indépendant Steven Woolfe a déclaré : « Ces déclarations montrent que le problème est double. Des terroristes potentiels utilisent la piste des migrants en Méditerranée pour entrer en Europe sans contrôle. Puis, profitant des accords de Schengen et de l’absence de frontières intérieures, ils se déplacent librement d’un pays à l’autre. Le rétablissement de frontières fortes est une nécessité. »
130 000 migrants environ sont arrivés en Europe par terre et par mer au cours des huit premiers mois de 2017, a indiqué l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les recensements effectués en Italie en juillet, indiquent que les principaux pays d’origine des migrants, sont, par ordre décroissant : le Nigeria, le Bangladesh, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali. En Grèce, les migrants provenaient surtout de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan et du Congo. En Bulgarie, les migrants recensés provenaient de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak puis de Turquie.
Ces dernières semaines, les réseaux de passeurs de migrants ont ouvert une nouvelle route à travers la mer Noire. Le 13 août, 69 migrants irakiens ont été arrêtés alors qu’ils tentaient d’atteindre la côte roumaine à travers la mer Noire. Ils sont arrivés de Turquie à bord d’un navire de plaisance piloté par des trafiquants bulgares, chypriotes et turcs. Le 20 août, les gardes côtes roumains ont intercepté en mer Noire dans la région de Constanta (sud-est de la Roumanie), un autre bateau transportant 70 Irakiens et Syriens, dont 23 enfants.
Au total, 2.474 personnes ont été arrêtées au cours des six premiers mois de 2017, lesquels tentaient de franchir illégalement la frontière roumaine, a révélé Balkan Insight. La moitié a été appréhendée au moment où les migrants ont tenté le passage de Roumanie en Hongrie. Rien qu’en 2016, 1 624 migrants ont été arrêtés ; la plupart ont été découverts alors qu’ils se préparaient à passer en Roumanie à partir de la Serbie.
Parallèlement, plus de 10 000 migrants ont atteint les côtes espagnoles au cours des huit premiers mois de 2017, soit trois fois plus qu’en 2016, selon l’OIM. Des milliers d’autres migrants ont pénétrés en Espagne par voie de terre, principalement dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sur la côte nord du Maroc, les seules frontières terrestres de l’Union européenne avec l’Afrique. Une fois-là, les migrants sont logés dans des abris temporaires, puis déplacés vers le continent espagnol. A partir de là, la majorité migre vers d’autres régions d’Europe.
Frontex, l’Agence européenne chargée de la surveillance des frontières terrestres et maritimes, a déclaré que les djihadistes utilisaient la crise migratoire pour pénétrer en Europe et préparer des attaques à travers le continent. Frontex a aussi reconnu ignorer le nombre réel de migrants qui ont atteint l’Europe ; l’Agence a ajouté qu’elle n’avait aucun moyen de les pister. Dans son analyse annuelle des risques pour 2016, Frontex a écrit : « Les attaques qui ont eu lieu à Paris en novembre 2015 ont clairement démontré que les flux migratoires irréguliers pouvaient être utilisés par les terroristes pour entrer dans l’UE. Deux des terroristes impliqués dans les attaques ont atteint l’Europe illégalement en passant par Leros [Grèce] ou ils ont été enregistrés par les autorités grecques. Ils étaient en possession de passeports syriens frauduleux dans le but d’accélérer les procédures d’enregistrement.
« Les fausses déclarations de nationalité sont fréquentes chez les candidats au départ qui n’ont qu’une faible chance d’obtenir l’asile au sein de l’UE, qui courent un risque élevé d’être retournés dans leur pays d’origine ou de transit, ou qui souhaitent simplement accélérer les formalités. Compte tenu du grand nombre de personnes qui arrivent sans papiers d’identité, avec de faux passeports ou avec des pièces d’identité à l’authentiticté incertaine, compte tenu également de l’absence de contrôle sérieux à l’entrée et de l’inexistence de mesures répressives en cas de fausses déclarations, le risque existe que des personnes présentant une menace pour la sécurité de la population ne cherchent à profiter de la situation. »
Gilles de Kerchove, Coordonnateur antiterroriste de l’UE, a le 31 août au journal espagnol El Mundo, que plus de 50 000 djihadistes vivent actuellement en Europe : « Il y a trois ans, il était facile d’identifier une personne en cours de radicalisation. Maintenant, la plupart des fanatiques masquent leurs convictions. Nous n’avons pas de statistiques exactes, mais on peut se risquer à quelques calculs. Au Royaume-Uni, ce n’est pas un secret, le chiffre a été publié, il y en a 20 000. La France en compte à peu près 17 000. L’Espagne est moins bien dotée, mais leur nombre avoisine les 5 000. En Belgique, bien que 500 radicaux se soient exilés en Syrie, il en reste au moins 2 000 voire plus. Je ne tenterai pas de quantifier précisément le phénomène, mais nous parlons de dizaines de milliers de djihadistes, plus de 50 000. »
Dans un entretien avec le quotidien belge Le Soir, de Kerchove a déclaré que même si l’Etat islamique est vaincu militairement, le mouvement agira sous forme de « califat virtuel ». Il a ajouté qu’Europol, le bureau de coordination des polices européennes, a identifié au moins 30 000 sites Internet jihadistes actifs. De Kerchove a regretté que la législation de l’UE en matière de protection de la vie privée n’exige plus des fournisseurs d’accès qu’ils collectent et conservent les métadonnées de leurs clients – notamment celles qui auraient permis la géolocalisation des djihadistes. Le coordinateur de la lutte antiterroriste a ajouté que ces dispositions entravaient la police dans sa capacité à identifier les djihadistes et à prévenir leur passage à l’acte : « Sur les métadonnées, je vous avoue que nous nous arrachons les cheveux. »
Soeren Kern est senior fellow de l’Institut Gatestone, basé à New York .