Escrocs franco-israéliens: quand France Inter évoque des «solidarités communautaires»

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Une enquête très documentée de la radio publique sur les escroqueries commises par des réseaux franco-israéliens pèche malheureusement par quelques insinuations gratuites.

D’emblée, disons-le clairement : tout n’est pas à jeter dans l’enquête que Frédéric Métézeau, le correspondant de France Inter, a réalisée en collaboration avec la « cellule investigation de Radio France ».

Dans ce reportage, diffusé sur plusieurs antennes de Radio France (France Inter, puis France InfoFrance CultureFrance Bleu), le journaliste retrace les sagas peu reluisantes de mafieux franco-israéliens et revient sur les grandes arnaques à leur actif : l’escroquerie à la taxe carbone, l’escroquerie au faux président, l’escroquerie au faux Le Drian… sans oublier toute les affaires véreuses vendues à des souscripteurs naïfs depuis des « call centers » installés en Israël.

Il décrit aussi, avec une certaine justesse, la dérive d’une poignée de jeunes francophones désoeuvrés qui en viennent à travailler dans ces call centers pour hameçonner en France les victimes de ces escroqueries.

Ces affaires sont bien réelles et la presse s’en est déjà faite l’écho, à juste titre.

Il est d’ailleurs fini le temps où des fifrelins de haut vol goûtaient des jours heureux au pays où coule le lait et le miel. Où un Samuel Flatto-Sharon pouvait s’acheter un siège à la Knesset avec le butin de ses malversations commises en France. Où le cerveau de la cavalerie financière du Sentier se prélassait en toute impunité sur le bord de la piscine de sa villa de Cesarée.

Comme le précise le journaliste, ce temps est révolu. Aujourd’hui, les polices des deux pays coopèrent la main dans la main.

Les Israéliens d’origine française qui pensaient que la « Loi du retour » valait brevet d’immunité en sont pour leurs frais d’avocats. Israël n’hésite plus à extrader vers la France les binationaux le temps qu’ils aillent s’expliquer avec la justice hexagonale et se mettre en conformité avec les lois de la république, même si cela doit se solder par une mise en parenthèse de leur projet d’Alyah et par un séjour derrière les barreaux.

Alors qu’est ce qui ne va pas dans ce reportage?

Des scories, des petites phrases, des considérations – ou plutôt des insinuations – infondées et qui gâchent le reste.

Nous en avons relevé au moins trois qui traduisent la permanence de certains a priori qui, dès qu’il s’agit d’Israël et des Juifs, viennent souvent parasiter le journalisme de qualité.

Les escrocs franco-israéliens bénéficient-ils d’une « solidarité communautaire » ?

Il y a tout d’abord ce passage concernant « les escrocs franco-israéliens » :

Fonctionnant sur le principe d’une solidarité communautaire voire familiale, ils ont mis en place des escroqueries juteuses dans les années 2000.

Cette phrase, il faut le préciser, est extraite du dernier rapport du Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisé (Sirasco) de la Police nationale publié à l’été 2019 dont Radio France donne le lien vers le passage concerné.

On aimerait quand même en savoir un peu plus sur ce en quoi consiste cette très imprécise « solidarité communautaire » dont la radio publique se fait l’écho.

A aucun moment les enquêtes n’ont révélé la moindre connexion des malfrats avec des institutions juives ou des organisations de la communauté qui auraient eu vent des escroqueries et qui les auraient couvertes au nom d’on ne sait quelle loi du silence.

Sans faire le moindre procès d’intention au journaliste de Radio France, force est de constater qu’une telle assertion mise sur la place publique, sans plus de précautions de vérifications, ne peut qu’entretenir la suspicion et le discrédit sur l’ensemble de la communauté juive.

Le rapport de police signale en outre au passage qu’avant que leurs arnaques ne soient mises au jour, les escrocs flamboyants « s’affichaient avec des personnalités du showbiz et du monde politique ». Pour le coupni le Sirasco ni encore moins France Inter ne se risquent à évoquer une éventuelle « solidarité » de cette jet set bien française avec les aigrefins.

Les escrocs franco-israéliens profiteraient de la loi du retour

Pour expliquer comment se sont formés ces réseaux d’escroquerie entre la France et Israël, le reportage évoque un « détournement » de la loi du retour qui est l’une des lois les plus fondamentales de l’Etat d’Israël puisque elle permet à tout Juif du monde entier d’obtenir la nationalité israélienne.

Parler en l’espèce de « détournement » de la loi est à notre sens un peu abusif.

L’obtention de la nationalité israélienne ne fait en rien partie du dispositif frauduleux mis en place par les malfrats pour commettre leurs escroqueries.

Certes, ils ont cru un temps que la double nationalité les protégerait de toute extradition, à l’instar des escrocs de tout poil qui ont longtemps bénéficié du manque de coopération judiciaire internationale et trouvaient refuge dans nombre de pays, y compris des Etats européens. Cette époque, on l’a dit, est bien révolue.

Les escrocs franco-israéliens profiteraient de « l’occupation » de la Judée-Samarie

Pour expliquer le manque d’empressement de la justice israélienne à poursuivre les escrocs, le reportage ajoute:

dans ce pays historiquement très mobilisé contre le terrorisme, qui doit aussi financer l’occupation militaire d’une partie de la Cisjordanie, il ne reste plus beaucoup d’énergie à consacrer à la lutte contre la délinquance financière.

Est-il seulement permis d’émettre un léger doute sur la pertinence d’une telle argumentation ?

« L’occupation » de la Judée-Samarie – on le sait – est un peu l’alpha et l’oméga de la presse française pour décrypter le conflit israélo-palestinien.

Avec son corollaire – la « colonisation » – elle est à la fois la source de tous les maux de la région et la clé qui permettra de résoudre le conflit.

Voilà pourquoi, dans les salles de rédaction hexagonales, on conçoit difficilement un article sur Israël qui n’évoque pas d’une manière ou d’une autre la question palestinienne et la « colonisation » de la Judée-Samarie.

Il y a fort à parier que si France Inter effectuait un reportage sur la culture du bonsaï en Israël, la radio publique se ferait fort d’y adjoindre un paragraphe expliquant comment la « colonisation » juive influe négativement sur la pousse des arbres nains japonais.

Les escrocs israéliens surferaient sur le « discours » de Netanyahou

Autre raison qui expliquerait la relative impuissance de la justice israélienne, le « discours ambiant qui délégitime les garants de l’Etat de droit ».

Et là, la radio publique a débusqué le véritable chef d’orchestre de ce complot contre la démocratie : il s’agit de Benyamin Netanyahou. Il faut le lire pour le croire. Voici ce qu’écrit le correspondant de Radio France à Jérusalem :

Depuis fin mai, le Premier ministre Benyamin Netanyahou est jugé pour corruption. Pendant des années, Netanyahou et les siens ont livré une guerre sans merci aux médias, aux policiers et aux magistrats. À force de les vilipender, le sens civique de certains israéliens en a été altéré et cela a donné aux délinquants un sentiment d’impunité.

CQFD. La boucle est bouclée. C’est un autre grand classique de la presse française : une critique en règle contre « l’occupation de la Cisjordanie » ne se met pas en musique sans un couplet sur le vilain Netanyahou, ennemi des institutions, responsable de l’enlisement du processus de paix et pas gentil avec la presse.

Résumé pour ceux qui n’ont pas tout lu : s’il y a de la délinquance et des escrocs en Israël, ce serait la faute du gouvernement de droite qui opprime les Palestiniens et grâce aux solidarités communautaires sur lesquelles s’appuient ces gens-là.

Dommage, il y avait pourtant des choses intéressantes dans cet article.

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