Entretien avec le Pr Michel Goldberg

0
164

Pr Michel Goldberg, Professeur émérite à l’Institut Pasteur, Président du Conseil scientifique de Weizmann France et Membre honoraire du Conseil Pasteur-Weizmann

Q. David Weizmann :
Mais d’où vient donc ce virus, inconnu jusqu’ici ?

R. Pr Michel Goldberg :
Comme beaucoup de ces « nouveaux virus » qui affectent les humains depuis quelques années, ils ne sortent pas de nulle part. Il existe de nombreux corona virus, répartis en quatre classes (alpha, bêta, gamma et delta), connus pour infecter de très diverses espèces animales. Mais très peu d’entre eux affectent l’homme. Ceux responsables des sévères maladies respiratoires humaines (le virus du SARS apparu en 2002, celui du MERS apparu en 2012 et le nouveau corona virus apparu en 2019) sont des descendants de virus qui existaient de manière endémique chez des animaux mais n’affectaient pas les humains. Le tout dernier de la série, le SARS-cov2 responsable de l’épidémie actuelle, est selon toute vraisemblance le descendant d’un corona virus propagé par les chauves souris. En effet, son ARN (la molécule qui contient tous ses gènes) est homologue à 90% à l’ARN d’un virus bien connu circulant assez largement et depuis longtemps dans les chauve-souris. En subissant quelques mutations, le virus de chauve-souris s’est progressivement adapté à d’autres espèces animales. D’abord, semble-t-il, au pangolin (fourmilier écailleux) qui a servi de transition, puis à l’homme en acquérant la capacité à se fixer aux cellules humaines.


Q. DW :

En quoi le corona virus actuel diffère-t-il de celui, beaucoup plus létal, responsable de la fièvre EBOLA ?

R. Pr Michel Goldberg :
Ces deux virus ne se ressemblent en rien. Ni par leur morphologie (le SARS-cov2 est sphérique, celui de l’EBOLA ressemble à un micro ver de terre), ni par leur mode de transmission (SARS-cov 2 par les gouttelettes d’aérosols lorsqu’on tousse, EBOLA-virus par contact direct avec les fluides corporels), ni par les pathologies qu’ils provoquent (syndrome respiratoire pour le SARS-cov2, hémorragies et immunodépression pour le virus EBOLA), ni  par leur mode de reproduction (tous deux ont pour « chromosome » une molécule d’ARN, mais celui du SARS-cov2 est de polarité positive, alors que celui de l’EBOLA est de polarité négative, ce qui implique des mécanismes très différents de multiplication dans les cellules hôtes).

Avec tant de différences, il n’est pas étonnant que les létalités de ces deux virus soient très différentes.

Q. DW :
Dans son exposé, le Professeur Ron Diskin parle de médicaments anti-viraux et de vaccins. Quelle est la différence entre les deux ?

R. Pr Michel Goldberg :
Un médicament anti-viral est une substance administrée à un malade atteint d’une maladie virale dans le but de le guérir en empêchant la multiplication des virus présents dans l’organisme du patient. Un vaccin, lui, est administré à une personne saine dans le but de prévenir une infection en préparant le système immunitaire de cette personne à réagir rapidement et efficacement contre le virus dès son entrée dans l’organisme.


Q. 
DW :
Quelle est la probabilité pour que le « remdesivir » mentionné par le Dr Diskin soit efficace pour traiter les malades infectés par le SARS-cov2 ?

R. Pr Michel Goldberg :
Des trois molécules actuellement expérimentées dans le monde comme traitements potentiels de la maladie qui nous préoccupe, le remdesivir est certainement celle qui me semble la plus prometteuse, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, parce qu’elle a été mise au point par une société impliquée depuis plusieurs années dans la recherche de traitements contre les corona virus.

Ensuite parce que, contrairement à la chloroquine qui elle aussi semblerait efficace, son mécanisme d’action est bien compris : le remdesivir empêche la multiplication du virus en bloquant l’enzyme qui recopie le « chromosome » du virus.

Aussi parce que ce médicament a déjà montré son efficacité sur plusieurs corona virus affectant les animaux, et en particulier (du moins sur un modèle animal) sur le corona virus du MERS humain.

Notons que la molécule est actuellement en cours d’essais cliniques aussi bien en Chine qu’aux États-Unis et que l’on devrait assez rapidement (quelques semaines sans doute) avoir une bonne idée de l’efficacité de ce traitement. Cependant, même si à court terme la molécule s’avère efficace, il faudra attendre au moins plusieurs mois avant qu’elle subisse la procédure complète d’homologation et devienne disponible sur le marché.

Q. DW :
Autre chose à proposer en attendant le vaccin en dehors des mesures gouvernementales et des mesures d’hygiène classique ?

R. Pr Michel Goldberg :
L’application stricte des directives gouvernementales me semble essentielle, même s’il est évident qu’elles ne peuvent à coup sûr nous préserver d’une infection.  Seule suggestion supplémentaire qui me vienne à l’esprit : il me semble prudent pour les personnes « à risque », en particulier les personnes âgées, de se faire vacciner contre le pneumocoque pour minimiser le risque d’infection bactérienne en cas de syndrome respiratoire dû au corona virus.

Aucun commentaire

Laisser un commentaire