La chronique de Michèle MAZEL
Et c’est à Hassan Nasrallah, le tout puissant secrétaire général du Hezbollah, qu’on la doit. Le mardi 7 juillet, dans un discours télévisé du fond du bunker où il se cache depuis des années de crainte d’une tentative d’assassinat qui proviendrait d’Israël, des Etats-Unis ou de l’un de ses nombreux ennemis, il s’est livré à ses rodomontades habituelles, menaçant de ses foudres Israël – pardon, l’entité sioniste – et les États-Unis. Mais le redoutable et redouté leader ne s’est pas contenté de régler leurs comptes à ses ennemis.
Il a ensuite développé pendant de longues minutes sa vision idyllique d’un Liban retrouvant le bonheur. Un bonheur hélas appartenant au passé parce que les Libanais avaient perdu la voie. Succombant à une mentalité bourgeoise, ils avaient formé des élites ; pire ils s’étaient habitués aux produits de luxe. Ils avaient même encouragé le tourisme ! Après cette référence à l’hédonisme répréhensible auquel s’était livré naguère le pays du Cèdre, Nasrallah a exhorté le peuple libanais. Le temps était venu, a-t-il déclaré, d’abandonner ces pratiques néfastes et de se reprendre, c’est-à dire de se tourner vers la terre et de développer une économie reposant sur l’agriculture permettant au pays de retrouver son indépendance alimentaire.
Non, ce qui précède n’est pas une invention. Ce sont des propos que Nasrallah a effectivement tenus le 7 juillet.[i] On ignore d’où cette vision élégiaque lui est venue. Serait-ce la lecture de Virgile, qui exaltait voilà plus de deux mille ans le bonheur de la vie paysanne : « O trop heureux paysans, s’ils connaissaient leur bonheur» ?
On aurait aimé en savoir davantage, comprendre comment ce retour à la vie simple de leurs ancêtres pourrait s’effectuer, mais sur ce point l’orateur est resté muet. Il s’est montré plus loquace sur des mesures réalisables sans tarder : le pays qui souffre cruellement du manque de devises et a donc du mal à acquérir le pétrole indispensable à une économie moderne pourrait se tourner vers ses grands amis les Ayatollahs, qui se seraient déclaré disposés à l’approvisionner en pétrole et à accepter un paiement en livres libanaises. Téhéran on le sait est le patron de l’organisation chiite à laquelle il fournit financement et armement ; il n’est pourtant pas sûr que, compte tenu de la crise qui secoue actuellement l’Iran, ce pays en ait les moyens – sans parler bien sûr de l’embargo qui frappe l’exportation du brut iranien.
Autres solutions préconisées par le leader chiite, se rapprocher de la Chine mais aussi de l’Irak. Pour la chaîne Presstv, émettant en français de Téhéran : «Le discours qu’a tenu Nasrallah le mardi 7 juillet devrait faire diablement peur aux États-Unis ». Les médias occidentaux ont mis l’accent comme il fallait s’y attendre sur le passage concernant l’annexion que projette Israël. Curieusement, il semble que lesdits médias n’aient pas cru nécessaire d’évoquer les vertus de l’agriculture et du retour à la terre. Pourquoi embarrasser ce vaillant combattant que la France se refuse de qualifier de terroriste ?