«Avoir un enfant nuit à la planète» : quand l’écologie déraille

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Une israélienne de 60 ans donne naissance à une petite fille en bonne santé
Département des bébés prématurés à l'hôpital Cha'aré Tsedek à Jérusalem

FIGAROVOX/TRIBUNE – Une étude relayée par l’AFP prétend qu’avoir un enfant de moins serait le moyen le plus efficace de lutter contre le réchauffement climatique. Une affirmation que remet en cause Jean de Kervasdoué, qui reproche aux écologistes leur malthusianisme.


Jean de Kervasdoué est professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers et membre de l’Académie des technologies.


«Avoir un enfant en moins pour lutter contre le réchauffement climatique», tel est la recommandation diffusée l’AFP il y a quelques jours. Cette dépêche, pour ne pas dire ce scoop provocateur, est immédiatement reprise et amplifiée par la médiasphère et cela sans analyse, sans commentaire, sans distance et… sans humour. Elle ressemble pourtant à s’y méprendre à une des propositions du programme politique loufoque de Ferdinand Lop qui déclarait notamment que, s’il était élu Président de la République en 1974, il supprimerait le dernier wagon des rames de métro. En écoutant au réveil sur une chaîne nationale la communication de cette ineptie, je me demandais aussi quel était l’enfant qui serait choisi pour être «en moins»? Le premier, le dernier? Mais essayons de prendre cette annonce au sérieux car son intention l’est, comme pourraient l’être aussi les conséquences sur des esprits non avertis.

La publicité donnée par l’AFP à une lettre de Wynes et Kimberly qui, nous le verrons, ne le méritait pas, n’arrive pas par hasard. En effet, pourquoi ressortir en ce début octobre cette infographie de juillet 2017, plus d’un an donc après sa publication? Probablement parce que le rapport du GIEC et sa nouvelle alerte au réchauffement climatique vient de paraître. Or, dans la tradition des philosophes de l’écologie politique, à commencer par Hans Jonas, il faut faire peur et l’un des vecteurs favoris de cette peur demeure le malthusianisme. Mais comme les prévisions malthusiennes plus anciennes, notamment celles du Club de Rome publiées an 1972, n’ont pas été vérifiées, il faut chercher de nouveaux thèmes pour rendre la population sensible à la gravité de la situation, à la peur en général et la peur de l’autre en particulier. Le réchauffement climatique devient la voie privilégiée. En effet, les angles d’attaque de la santé, de la pauvreté et de la faim dans le monde se sont émoussés car ils sont sans fondement: l’espérance de vie s’est partout accrue, la pauvreté a reculé et avec elle la faim dans le monde or, durant cette période, la population mondiale a doublé! Le réchauffement climatique devient donc la voie privilégiée pour susciter l’effroi et est une aubaine pour les journalistes militants, ce qui malheureusement n’est pas un oxymore. Ils reprennent en rengaine, avec foi, des articles de prétendus scientifiques tout aussi militants. Puis, ces «informations» sont diffusées par d’autres journalistes qui n’ont pas vérifié les sources or, ainsi, ils légitiment de prétendus faits, alors qu’ils ne sont que des slogans idéologiques, d’autant plus dangereux qu’ils apparaissent sous la forme de vérités scientifiques.

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Pourtant, il était facile en lisant l’article de constater qu’il s’agissait de marketing et pas de climatologie, de propagande et pas de recherche scientifique. Le but de la lettre de Wynes et Kimberly est clair: ils se demandent comment, en matière de réchauffement climatique, il faudrait peser sur l’esprit des jeunes Canadiens car, disent-ils, les adolescents sont en position d’établir leur philosophie de vie et sont donc «un important groupe-cible pour promouvoir des actions à fort impact». Pour y parvenir, ils ont analysé les comportements individuels qui, selon eux, auraient un effet significatif sur le réchauffement climatique ; puis ils décortiquent comment les manuels scolaires distribués aux adolescents des grandes provinces canadiennes traitent de cette question et concluent, notamment, que l’impact le plus important serait de faire un enfant en moins. Donc c’est bien ce «fait» qu’il faudrait reprendre dans les futurs manuels pour marquer les esprits des générations futures, comme il faudrait aussi, selon eux, abandonner la voiture, renoncer à un vol transatlantique et acheter de l’énergie vert

Tout d’abord, ils oublient de dire que le plus important, et de très loin, gaz à effet de serre est la vapeur d’eau. Or le cycle de l’eau dans ses phases solides, liquides et gazeuses est mal compris. Pour en juger, il suffit de regarder les prévisions des différents climatologues qui sont très hétérogènes et le plus souvent surestimées. Il en est d’ailleurs de même de l’épaisseur de la glace en Arctique en l’an 2100: dans certains modèles elle aura disparu, dans d’autres elle sera peu différente de son épaisseur d’aujourd’hui.

Le deuxième constat de nature général est que s’ils parlent d’énergie verte, ils ont oublié l’énergie nucléaire. Il est vrai que la religion écologique a pour premier commandement «le nucléaire, tu banniras»! Pourtant, même si un adolescent ne peut pas décider individuellement de la construction d’une centrale nucléaire, il n’est pas mauvais qu’il sache que cette énergie ne rejette que de la vapeur d’eau et aucun gaz carbonique.

Tant qu’il y aura des hommes, ils vivront et pollueront et tant qu’ils enfonceront des portes ouvertes, ils finiront par se faire mal !

Quant aux calculs sur l’enfant en moins (59,8 tonnes de CO par an), si j’ai bien compris, ils se fondent sur le rejet global annuel moyen de gaz carbonique des habitants des pays riches ; ils attribuent alors 50 % du rejet moyen de CO² à chaque parent, donc 100 % pour les deux parents, mais ce n’est pas tout car ils comptent aussi les petits-enfants potentiels de cet enfant-en-moins (un quart par petit-enfant) et ainsi de suite, sans préciser d’ailleurs le nombre de petits-enfants et d’arrières petits-enfants qu’ils ont inclus dans le calcul. Comme si tout cela était proportionnel, comme si, quand on a un troisième enfant, celui-ci aurait une dépense marginale d’énergie égale à la moyenne, comme si la moyenne des rejets de CO² des pays développés avait un sens quand, par exemple, la fabrication de l’électricité en France rejette 5 fois moins de CO² par kilowatt que la fabrication de la même énergie au Portugal dont, par ailleurs, on vante les mérites en matière de politique énergétique… comme si tout cela était sérieux!

Pour ce qui est du rejet de gaz carbonique par l’automobile (2,4 tonnes de CO² par an), les auteurs n’imaginent pas abandonner la seule voiture électrique, comme l’a repris la presse française, mais abandonner la voiture («car free»), la voiture tout court, toutes les voitures! Mais, comme ils le remarquent: «tant que les émissions associées à un service ne seront pas réduites à zéro, la population continuera à être un multiplicateur de cette émission.» Oui, tant qu’il y aura des voitures, elles circuleront, tant qu’il y aura des hommes, ils vivront et pollueront et tant qu’ils enfonceront des portes ouvertes, ils finiront par se faire mal! Notre chimie, comme celle de la vie sur terre, est la chimie organique, la chimie du carbone dont l’état ultime de dégradation est le gaz carbonique.

Enfin, parce qu’il faut arrêter le massacre, toujours selon eux, passer à une alimentation végétarienne baisserait de 0,3 tonne à 1,6 tonne par an le rejet de gaz carbonique. Que ferait-on de l’herbe des prairies et des packages d’altitude? Cette végétation ne pourrirait-elle pas en l’absence d’animaux? S’il n’y a pas de viande, il n’y a pas de lait, pas de yaourt, pas de fromage et pas de beure. Pour qu’une vache donne du lait, il faut qu’elle donne d’abord naissance à un veau! Et, pour ces raisons-là, et de multiples autres, ce n’est pas demain que l’humanité deviendra végétarienne, d’autant plus que dès que les hommes sortent de la pauvreté, la première chose qu’ils achètent c’est de la viande, du poisson et des œufs.

L’idée de la non-existence du dernier enfant représente l’essence même du malthusianisme. Il est curieux qu’elle apparaisse au Canada qui ne manque pas d’espace, mais d’hommes! Plus généralement, il n’est pas besoin de beaucoup creuser pour se rendre compte que les écologistes politiques sont toujours des militants de la décroissance parce qu’ils sont malthusiens, d’où leur attaque de l’agriculture raisonnée, leur peur des OGM et leur combat contre les pesticides, comme si l’on pouvait concevoir une agriculture sans pesticide! Cousteau déjà rêvait d’une planète à 500 millions d’êtres humains dont, bien entendu, il ferait partie.

Dès que les hommes sortent de la pauvreté, la première chose qu’ils achètent c’est de la viande, du poisson et des œufs.

Certes le nombre d’êtres humains va croître et cette croissance va aggraver les problèmes écologiques, notamment dans les pays du sud où il n’y a guère d’adduction d’eau, de ramassage d’ordure et de transports publics. On sait que la natalité baisse quand les femmes sont éduquées et que le pays offre une protection sociale. Quand ce n’est pas le cas, pour toute mère, sa meilleure assurance est ses enfants et ce ne sont pas quelques livres pour jeunes Canadiens qui changeront cette vérité. Si donc l’on veut maîtriser la croissance de l’espèce humaine dans les pays du sud, c’est en les accompagnant dans le développement de l’éducation, notamment des filles, en développant des programmes portant sur les différentes méthodes de contraception et en créant des régimes de protection sociale. Le Rwanda semble montrer la voie. Il faut l’accompagner, l’aider, adapter son modèle à d’autres pays… mais ceci est une autre histoire.

Source www.lefigaro.fr

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