Construite en 1642, alors que la ville de Slonim se trouvait à un important carrefour culturel et commercial de la République des Deux Nations (soit l’union du grand-duché de Lituanie et du royaume de Pologne), la synagogue était fréquentée par une communauté juive d’un millier de personnes, dont l’importance n’a cessé de croître au fil des siècles. La synagogue, en pierre et en brique, a même fait partie d’un système de fortifications urbaines.
« Elle renferme des sculptures et des fresques uniques. Il ne reste rien de tel dans les autres synagogues de Biélorussie. La plupart ont été soit détruites lors des dernières guerres – ou par les autorités soviétiques – soit réaffectées et nettoyées de toutes leurs décorations, souligne Anton Trafimovich, ex-journaliste originaire de Slonim, aujourd’hui en exil, qui regrette d’en savoir si peu sur le nouvel acquéreur. J’espère qu’il va s’en tenir au caractère originel de l’édifice car on a déjà vu des reconstructions historiques en Biélorussie qui s’en éloignaient considérablement. »
En 1921, 71 % de la population de Slonim (sur près de 10 000 personnes) était juive. Décimés par l’occupant nazi, seule une quarantaine de juifs y vivaient encore en 1946, au lendemain de la libération par les Soviétiques. Le lieu de culte fut transformé en entrepôts pour les besoins d’un magasin de meubles, puis définitivement abandonné dans les années 1990. Depuis, plusieurs tentatives ont été faites pour conserver ce joyau baroque et fin 2020, une écrivaine biélorusse et chrétienne, Ilona Karavaeva (Ioanna Reeves de son nom de plume) –, chrétienne, l’a racheté 9 000 euros lors d’une précédente vente aux enchères, mais a échoué à récolter l’argent nécessaire à sa restauration. Elle n’a eu d’autre choix que de rendre la synagogue aux autorités locales, à l’été 2022.
La Biélorusse avait pourtant tenté de lever des fonds, via une fondation légale établie à cet effet. Elle avait également lancé un appel à la communauté juive internationale. C’était sans compter le durcissement du régime dictatorial du président Alexandre Loukachenko et les sanctions internationales imposées en raison de sa complicité dans l’agression russe de l’Ukraine, qui ont rendu toute collaboration transfrontalière impossible.