Les services de renseignement allemands le décrivent comme un extrémiste de droite aux tendances violentes. Stephan Ernst, 45 ans et militant néo-nazi notoire vient d’être arrêté dans le cadre de l’enquête sur le meurtre du préfet Walter Lübcke, retrouvé mort début juin sur la terrasse de sa maison abattu d’une balle tirée en pleine tête à bout portant. Le profil d’Ernst, qui est connu pour ses liens avec les organisations d’extrême droite radicale les plus violentes, réveille en Allemagne le spectre de la vague d’attentats et d’attaques perpétrés par les militants d’ultra-droite du NSU entre 1998 et 2011.
Le Nationalsozialistischer Untergrund (NSU, « Mouvement clandestin national-socialiste ») avait alors multiplié les attaques de banques et, surtout, les attentats à la bombe et les meurtres. Un total de dix assassinats, huit immigrés turcs, un immigré grec et une policière, lui sont imputés. Les bombes posées par le groupe ont également blessé des dizaines d’autres personnes.
Surtout, le commando de trois néo-nazis avait agi pendant des années sans être repéré, alors même que leur légende enflait dans les milieux d’extrême droite radicale, entre chansons à leur gloire entonnées pendant les concerts de nostalgiques du IIIe Reich et autres cagnottes de soutien. Mais non, le renseignement allemand maintenait que le milieu ne pouvait être responsable des meurtres et attaques en raison d’une trop faible structuration… Dans certaines des affaires imputées a posteriori au NSU, notamment l’attentat à la bombe à Cologne (2004), les autorités ont même accusé le banditisme turc. Un « raté » qui a secoué l’Allemagne, obligeant la chancelière Angela Merkel à des excuses publiques.
Ce n’est qu’au terme d’une cavale suite à un braquage raté que les autorités ont découvert l’étendue des faits imputables au NSU. Malgré le suicide des deux hommes du commando et la destruction à l’explosif de leur planque par leur complice Beate Zschäpe avant son arrestation, les enquêteurs ont découvert des éléments de preuve accablants. L’arme de la policière assassinée en 2007 par exemple, mais aussi une vidéo de revendication des meurtres sur un DVD que le groupe voulait envoyer aux médias et à des organisations islamiques. Leur but était semble-t-il d’attiser la haine, voire de provoquer des heurts communautaires.
Or le profil de Stephan Ernst, le tueur du préfet Lübcke, rappelle celui des commandos du NSU. Comme le trio clandestin, Ernst est connu pour son militantisme ultra-radical. Comme eux, il a été en lien avec Combat 18 et Blood and Honor. Comme eux, il a perpétré des violences racistes et/ou xénophobes. Comme eux, il a posé des bombes. Les membres du NSU comme Ernst ont enfin en commun de viser l’immigration, en s’attaquant à des personnes d’origine ou de nationalité étrangère pour les premiers, en tuant un homme politique soutenant l’accueil des migrants pour le dernier.
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Alors que l’Allemagne reste marquée au fer rouge par son passé, ce nouveau meurtre vient rappeler à ses habitants et à ses dirigeants qu’ils n’en ont pas fini avec l’extrême droite la plus haineuse.
D’autant que le profil de Stephan Ernst pose aussi la question de l’efficacité de la surveillance de l’ultra-droite par les services de renseignement. Par exemple, Ernst était déjà condamné pour des faits de violences xénophobes, avait fait un passage en prison pour une tentative d’attentat à la bombe contre un centre d’accueil de réfugiés en 1993 et était connu pour infraction à la loi sur les armes. Il a pourtant pu librement devenir membre du club de tir de la ville de Sandershausen, commune quasi-limitrophe de Kassel dont il est originaire et où il vivait depuis des années après un passage par le sud du pays. Il en était même adhérent depuis près d’une dizaine d’années selon les enquêteurs.
Signe du caractère particulièrement sensible de l’affaire, la conférence de presse annoncée par le parquet fédéral, et qui devait se tenir hier lundi aurait été annulée selon la presse allemande. « On a appris de la NSU et des suites de l’attentat sur le marché de Noël de Berlin (en décembre 2016, NDLR) », confie un fonctionnaire allemand cité par le Frankfurter Allgemeine Zeitung. « Beaucoup de questions sont ouvertes, ce n’est qu’un début et l’enquête doit se faire dans le calme« .
Source www.francesoir.fr