Des dizaines de familles coptes ont fui el-Arich et le Nord-Sinaï ces jours-ci, pour trouver refuge plus à l’ouest. Depuis deux semaines, une série de meurtres ciblés, orchestrés par le groupe Etat islamique, frappe la communauté chrétienne égyptienne dans cette province devenue zone de guerre. L’Eglise évangélique a organisé, en coopération avec les autorités, l’accueil des déplacés dans la ville d’Ismaïlia, sur le canal de Suez.
« Migration collective forcée », « réfugiés dans leur propre pays ». C’est en ces termes que beaucoup de chrétiens, mais aussi de musulmans, qualifient la fuite de plusieurs dizaines de familles coptes du Nord-Sinaï ces derniers jours.
Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en 2013, le nord de la péninsule est le théâtre d’attentats et d’attaques régulièrement perpétrés par des jihadistes de l’organisation Etat islamique (EI).
Ils visent principalement la police et les militaires, mais depuis quelques semaines, les chrétiens semblent être la nouvelle cible privilégiée du groupe terroriste. En quelques jours, un peu plus d’une demi-douzaine de chrétiens ont été tués chez eux ou dans la rue.
Les déplacés du nord
Le gouverneur du Nord-Sinaï considère désormais que « la présence des chrétiens met leur vie en danger ». Il a demandé aux diverses administrations de faire preuve de « bienveillance » à l’égard de l’absentéisme des fonctionnaires chrétiens.
Sur les réseaux sociaux, certains Egyptiens parlent d’un scandale et dénoncent un échec de l’Etat dans sa mission protectrice envers ses citoyens. Ils se mobilisent pour venir en aide aux familles déplacées.
Quant au gouverneur d’Ismaïlia, il a fourni des appartements pour héberger les déplacés. L’église évangélique a elle-même accueilli de nombreuses familles, et a ouvert un compte dans une banque égyptienne pour recueillir les dons.
Tués parce que coptes
Les déplacés dénoncent la violence des jihadistes, la peur qui les habitent, mais aussi l’immobilisme des autorités et une économie au point mort. Après avoir abandonné maison et effets personnels, ils sont dans l’attente d’un relogement.
A Ismaïlia, Nabila Faouzi veut témoigner de l’horreur qu’elle vient de vivre. A 65 ans, vêtue d’un large chandail et d’un jupe noirs, elle est en deuil. Mardi dernier, son fils et son mari ont été assassinés par des hommes armés.
« Deux hommes ont tapé à la porte de la maison à 22 h 30, ils m’ont demandé si j’étais chrétienne, si la famille était chrétienne. J’ai répondu oui. Ils sont allé chercher mon mari et mon fils et leur ont tiré dessus, puis ils ont brûlé le corps de mon fils. »
Une logique de razzia
Les assaillants ont ensuite incendié la maison et sont partis, explique Nabila Faouzi, tandis qu’un autre membre de la même famille fait défiler les photos d’un corps carbonisé sur son téléphone portable…
« Ils avaient 41 noms », ajoute Nabila Faouzi. « Tu entends ? Les deux mecs cagoulés qui ont attaqué la maison avait une liste de noms des familles chrétiennes, ils ont vérifié la liste avant de tirer », décrit un copte participant à la conversation.
Bientôt, d’autres nombreux jeunes chrétiens l’entourent pour recueillir le témoignage de Nabila. Elle lève ses mains et montre la base de son annulaire, cerclé par la trace d’une alliance disparue. Après le drame, les assaillants lui ont aussi volé ses bijoux.
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Source : RFI