E. Macron et H. Korsia, une amitié inutile pour la communauté ?

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Au moment où l’antisémitisme est au plus haut, et où les relations entre la France et Israël sont au plus bas comme le prouvent l’affaire d’Eurosatory et les prises de position de la France à l’ONU, nous sommes en droit de nous demander à quoi servent les bonnes relations de nos dirigeants communautaires avec le pouvoir en place. Au vu des résultats on ne peut plus calamiteux, sur les sujets principaux que sont l’antisémitisme et Israël, le bilan pour ceux qui prétendent nous représenter semble être sans appel. Je ne parlerai même pas des dates d’examens pour nos étudiants qui tombent les jours de fête, voire même de certains représentants qui se servent de ces relations à des fins personnelles.

L’affaire du viol d’une petite fille juive d’à peine 12 ans à Courbevoie samedi dernier dont le moteur essentiel est l’antisémitisme, et non les discours féministes de LFI, a montré le détachement d’Emmanuel Macron des affaires de l’Etat, et de l’antisémitisme en particulier. Sa réponse tellement dérisoire est une quasi-insulte au drame de cette petite fille, et de tous les drames liés à l’antisémitisme. Pourtant, il aurait pu s’en saisir pour unir la France contre l’antisémitisme, contre les antisémites de LFI et du nouvel affront populaire.

Mais Macron semble être hors sol. Alors qu’il a précipité la France dans le chaos, il n’a pas le réflexe politique de sauver sa majorité en unissant la France contre l’antisémitisme.

Autre chose, il ne suffit pas de vouloir se débarrasser d’un dirigeant à n’importe quel prix, sans avoir une solution de remplacement crédible. Les Français paieront d’une certaine manière leur vote du 9 juin 2024. Ils mettront des années à s’en remettre. Au soir du 9 juin, Macron par sa dissolution a fait savoir que c’était lui ou le chaos. Ce sera le chaos.

Israël sur ce point devrait méditer la leçon de la France. Les manifestations stupides de la rue Kaplan tous les samedis soir devraient tourner leurs regards vers la France, avant de vouloir détruire ce qui reste encore de vaillant en Israël.

Haïm et Emmanuel.

On se souvient de la cérémonie de Hanoukka à l’Élysée, début décembre, qui nous a offert un aperçu du lien entre le président de la République et le grand-rabbin de France.
C’est ce qu’il appelle lui-même, avec un sens assumé de l’autodérision, « allumer le feu ».
En enflammant une modeste bougie de Hanoukka dans le palais présidentiel de l’Élysée, le 7 décembre, le grand-rabbin de France, Haïm Korsia, a déclenché un émoi politico-médiatique d’une rare intensité. Et a malgré lui entraîné le président de la République dans une polémique dont l’un et l’autre se seraient bien passés. « Il faut rester coi », élude-t-il, peu désireux de revenir sur l’incident.

 

Emmanuel Macron, de son côté, s’est employé à dédramatiser cet épisode. « J’ai allumé la bougie du souvenir, la petite bougie rouge, qui n’a aucun caractère religieux, aucun », a-t-il expliqué, le 20 décembre, sur France 5. Haïm Korsia s’est ensuite saisi de cette bougie rapportée d’Auschwitz pour allumer « les premières bougies d’une fête qui est une fête religieuse ». « Est-ce que j’y ai participé ? Non. (…) Est-ce que c’est déjà arrivé ici ? Oui. Jacques Chirac a déjà lui-même allumé les bougies de Hanoukka. Est-ce qu’il fallait que je bondisse sur le grand rabbin, que je le plaque au sol en lui disant “non” ? », a fait mine de s’interroger le chef de l’État.

Un récit qui a rappelé à Haïm Korsia une scène du film culte Monty Python, sacré Graal (1975). On y voit le frère Maynard apportant la Ste Grenade d’Antioche aux chevaliers de la Table ronde pour qu’ils puissent se débarrasser du lapin tueur qui garde une grotte. Les Monty Python jouent sur le contraste entre la sacralité de la relique, citée dans des textes religieux, et la destruction généralisée qu’elle est censée provoquer. Le rabbin croit y voir une parabole avec la bougie de Hanoukka allumée à l’Élysée et les turbulences qui se sont ensuivies. « Ça prouve qu’on a besoin d’un rapport serein à la laïcité », souffle-t-il.

 

Dans la salle des fêtes ce soir-là, une centaine d’invités, parmi lesquels des rabbins venus de toute l’Europe, des juifs laïcs et des représentants des différents cultes et courants philosophiques étaient venus célébrer la remise à Emmanuel Macron du prix annuel de la Conférence des rabbins européens, qui récompense la lutte contre l’antisémitisme et la protection des libertés religieuses.

Affaire très commentée

Aussi les invités sont-ils surpris d’apercevoir, sur un pupitre, un petit chandelier à neuf branches. Le grand rabbin a demandé, lors de la réunion préparatoire, l’autorisation d’allumer, en hommage aux victimes du massacre du 7 octobre en Israël, une bougie de Hanoukka (la fête des Lumières, à la fois cultuelle et culturelle, qui débute ce soir-là). Emmanuel Macron a donné son accord. « Que n’aurait-on dit s’il avait refusé un hommage aux victimes du massacre ! », souligne l’entourage élyséen.

Ce qui suit, en revanche, n’était pas prévu : bougie allumée dans la main, Haïm Korsia improvise, et demande au chef de l’État, debout à ses côtés, l’autorisation de prier avec les rabbins venus d’Europe. Emmanuel Macron n’ose s’y opposer. « La surprise, c’est la prière », confie l’un de ses conseillers. Les chants religieux s’élèvent, la scène est filmée par des dizaines de téléphones portables. Les images, irréelles, se retrouvent très vite sur les réseaux sociaux.

Au sein de la communauté juive, l’affaire a été très commentée les jours suivants. « Les antimacronistes, ceux qui n’ont pas aimé les zigzags du président sur le conflit au Proche-Orient ou son absence à la marche contre l’antisémitisme, ont reproché à Haïm Korsia d’avoir voulu, avec cette cérémonie, faciliter la réhabilitation d’Emmanuel Macron », témoigne Jean-François Guthmann, président de l’Œuvre de secours aux enfants, présent à l’Élysée le 7 décembre.

Le monde politique, lui, a unanimement dénoncé une atteinte à la laïcité. Le grand-rabbin et le chef de l’État partagent-ils, au fond, une conception anglo-saxonne de la relation entre les institutions et les cultes ? Ou bien le second s’est-il tout simplement laissé entraîner par son ami « Haïm », qu’il n’a pas voulu contrarier, encore moins « plaquer au sol » ?

Une authentique complicité. 

Les deux hommes, en tout cas, sont proches. Ils se sont connus avant même l’élection de 2017, se tutoient en privé et communiquent régulièrement par SMS. Par sa faconde, l’ancien aumônier des armées, « meilleur pourvoyeur d’histoires drôles » de la place de Paris, selon l’entourage d’Emmanuel Macron, a réussi à créer avec ce dernier une authentique complicité. Mais « personne ne peut être ami avec un président de la République, c’est lui qui décide », tempère-t-il au Monde.

Celui qui prétend se tenir « toujours à [sa] place » est écouté à l’Élysée. Très opposé, comme les représentants du culte catholique, à un nouveau projet de loi sur la fin de vie, le grand-rabbin a été le premier à souligner, lors d’une réunion à l’Élysée, le risque de « rupture anthropologique » qu’entraînerait la légalisation du suicide assisté. Autour d’Emmanuel Macron, on loue la « force dialectique et de persuasion » de Haïm Korsia, une « mécanique intellectuelle très rapide et bluffante ».

Devenu grand rabbin en 2014, à la faveur d’un incident de parcours de celui qu’il a remplacé, Gilles Bernheim (2009-2013) – ce dernier a dû reconnaître des plagiats dans son œuvre –, Haïm Korsia évolue parmi les politiques comme son prédécesseur dans les milieux intellectuels. Soucieux, en tant qu’autorité religieuse, de ne pas prendre de position publique sur les affaires politiques du pays, il tâche, depuis le 7 octobre, de ne jamais critiquer le chef de l’État, bien que ce dernier se soit tenu à l’écart de la marche civique contre l’antisémitisme. Haïm Korsia préfère citer le Talmud (« Ne juge pas l’autre avant d’être à sa place ») et défendre prudemment « les valeurs de la République ».

Une relation quasi filiale avec Jacques Chirac

Membre de l’Académie des sciences morales et politiques (un rameau d’olivier est brodé sur sa kippa), le Séfarade se lie très facilement. Ainsi était-il proche du journaliste Jean-Pierre Elkabbach, mort le 3 octobre. Lequel lui avait présenté Ramzi Khiroun, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn puis d’Arnaud Lagardère, qui est à son tour devenu son ami. Au lendemain de la mort du journaliste, MM. Korsia et Khiroun se sont faits les messagers du défunt, proposant à Emmanuel Macron d’exaucer le vœu de Jean-Pierre Elkabbach : que le bâtiment de France Télévisions porte son nom. Ce qui sera chose faite le 9 octobre.

Avant Emmanuel Macron, Haïm Korsia a déjà connu cette proximité avec le sommet de l’État. Alors qu’il était rabbin de Reims, au début de 1995, il fait la connaissance de Jacques Chirac, candidat à l’élection présidentielle. Une relation quasi filiale s’installe. Chaque dimanche matin, le président reçoit à l’Élysée celui qu’il surnomme « Rabbinou », devenu secrétaire du grand rabbin Joseph Sitruk (1988-2008). Lors de l’été 2003, celui de la canicule, Jacques Chirac est en vacances au Canada. A son retour, Haïm Korsia lui rend visite. Le chef de l’État, préoccupé, ne dit mot. La presse lui reproche son silence, alors que 15.000 personnes ont succombé à la chaleur.

Haïm Korsia lui lit un verset de la Tora, qui enjoint aux dignitaires d’inhumer les enfants d’Israël. « Monsieur le président, vous devez rendre les honneurs à ceux qui attendent leur sépulture », lui intime-t-il. Dans l’instant, Jacques Chirac appelle le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë (2001-2014), qui organise le 3 septembre, le lendemain, au cimetière de Thiais (Val-de-Marne), des obsèques pour 57 victimes dont les corps n’ont pas été réclamés. Le président s’y rend, sans presse ni caméra. Le Monde titre : « Jacques Chirac rend hommage aux victimes de la canicule ». Le rabbin Korsia sait aussi, quand il veut, éteindre le feu qui couve.

Jacob Kaplan, et le général de Gaulle

Les relations étaient d’une autre qualité entre le grand-rabbin de France Jacob Kaplan, et le général de Gaulle.

Les deux hommes avaient une culture et une qualité d’analyse qui permettait un dialogue de haut niveau. D’ailleurs au cours de l’entretien, entre le grand-rabbin de France et le général de Gaulle, ce dernier avait admis qu’Israël était opposé à la solution de deux Etats. Il trouvait à l’époque, alors qu’Israël ne comptait que 2 millions de Juifs que cela n’assurait pas la sécurité d’Israël. L’argument démographique toujours utilisé par gauche israélienne a été démenti.

Note de M. le grand-rabbin de France

Sujet : entretien avec le général de Gaulle le 1ER janvier 1968.

L’entretien s’est déroulé dans une ambiance sympathique.

Alors, Monsieur le grand-Rabbin ?

Je lui ai dit qu’il savait la profonde émotion que la communauté juive française a éprouvée à la suite de sa déclaration.

Il m’a dit qu’il en était très surpris. Il semble croire à un certain moment que c’était le mot « peuple » qui avait choqué.

Je lui ai dit que ce n’était pas cela, mais ce qu’il a dit du peuple juif.

Alors, il a déclaré que ce qu’il a dit sur le peuple juif était élogieux. Il a repris l’expression « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » pour la souligner.

D’ailleurs, a-t-il ajouté, c’est un fait que les Juifs occupent de hautes situations.

Je lui ai dit qu’il y a également un très grand nombre de Juifs qui se sentent opprimés.

Il a répondu que cela ne retirait rien à leurs qualités personnelles.

Il a ajouté qu’on ne devait pas penser qu’il avait eu l’intention de dire du mal des Juifs et il a fait alors allusion aux Juifs avec qui il a été et avec qui il est en rapport.

J’ai attiré son attention sur le fait que, malheureusement, certains termes de sa déclaration ont été utilisés par nos ennemis et je lui ai dit que c’était dans ce sens que j’avais publié mon communiqué.

À propos de ce communiqué, il l’a trouvé dur. Je lui ai dit que je ne le pensais pas. Une courte discussion a eu lieu sur ce point. Il a maintenu son point de vue.

Et puis vous l’avez fait au nom du judaïsme français.

Sans doute voulait-il laisser entendre que j’engageais tous les Juifs de France dans cette position, ce qui n’était pas pour lui plaire, et ce qui, pour lui, en ce qui concerne l’interprétation de sa pensée sur les Juifs, n’était pas celle de tous les Juifs français.

J’ai déclaré alors que j’avais fait ce communiqué pour couper court à d’autres déclarations qui, celles-là, auraient été vraiment pénibles pour nous.

Je crois que cet argument a porté et qu’il l’a admis.

J’ai tenu ensuite à parler de notre prise de position en faveur d’Israël pour préciser qu’elle ne devait pas être interprétée comme un acte de double allégeance.

Il en a convenu aussitôt, citant lui-même l’exemple des Irlandais.

Je lui ai donné connaissance du texte du CRIF en date de 1944 où il est dit : « Le statut national des Juifs de Palestine (l’État d’Israël n’existait pas alors) n’affectera d’aucune manière celle des Juifs des autres pays et les liens qui les attachent à leurs patries. »

Puis j’ai fait allusion à son discours de la veille quand il a adressé ses vœux au pays et je lui ai demandé s’il ne voulait pas intervenir pour faciliter la paix au Moyen-Orient et j’ajoutai qu’il pourrait le faire efficacement en raison de sa grande autorité personnelle.

Mon autorité, a-t-il dit, je n’en ai pas. Vous le voyez bien. J’ai demandé à M. Eban de ne pas attaquer et il a attaqué.

J’ai répondu qu’il y a eu alors sans doute des circonstances qui ont obligé Israël à intervenir sans tarder.

Le Général a ajouté là-dessus : « D’ailleurs, il ne sert à rien d’intervenir. Israël veut tout garder et s’il veut tout garder, il n’y a aucun moyen d’arriver à la paix ».

J’ai répondu que ce n’était pas mon avis. J’écoute la radio israélienne. Je lis tout ce qui concerne Israël et j’ai le sentiment que si Israël reste sur le « territoire occupé « c’est parce que ces territoires sont des atouts qu’il lui faut conserver aussi longtemps que les pays arabes ne veulent pas signer des traités de paix.

Il a encore répété qu’Israël ne veut rien céder.

J’ai repris en disant que je n’ai pas qualité pour parler de cette question, mais que je demeurais persuadé que le président Lévi Eshkol n’a pas dit qu’il entendait annexer les territoires conquis.

Il m’a parlé alors sans me donner de détails de la lettre qu’il a reçue de M. Ben Gourion, lettre à laquelle il a répondu hier.

Le Général, en maintenant son point de vue sur la volonté d’expansion d’Israël a rappelé que……. [*] lui avait dit : il y a seulement deux millions d’Israéliens dans le pays et il en faut quatre millions.

Je lui répondis que cela ne signifie pas une volonté d’expansion. Il s’agit de peupler le Néguev.

J’ai encore insisté pour qu’il intervienne. Il n’a pas dit non, mais il n’a pas non plus donné son accord.

L’entretien s’est terminé là-dessus.

JForum.fr & Nathalie Segaunes

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