Du C.A.P Délinquance au Bac Pro Criminelle

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Stolen life, group of hands African people behind bars holding them.

Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordekhai Bismuth:

Après avoir reçu les Dix Commandements, la paracha qui suit est très riche en mitsvoth, 53 exactement. De nombreux sujets sont énumérés, dont une bonne partie d’entre eux traite des mitsvoth civiles de « ben adam leh’avéro », des lois de l’homme vis-à-vis de son prochain. Telles que les lois du prêt d’argent SANS intérêts, les lois du dommage ou encore de la responsabilité de garde d’objets, etc..

Notre paracha commence par ces mots :«  Et voici les ordonnances… »

La conjonction « et » indique qu’il y a un lien très étroit entre cette section et la précédente qui énumère les 10 commandements et les lois de l’Autel/Mizbéa’h.

Cet enchaînement atteste qu’il n’y a pas de « domaine religieux » au sens courant du terme. En effet, la religion peut parfois se traduire par des rites et cultes spirituels, comme le conçoit le monde occidental, qui établit une nette barrière entre l’Église et l’État. Mais pour la Tora, une telle distinction ne peut exister. Au contraire, tous les domaines de la vie s’entremêlent et le sacré va se loger dans tous les domaines civiques au même titre que dans les actes spirituels (comme nous l’avons expliqué la semaine dernière).

La Guemara (Baba Kama 30a) enseigne : « Rabbi Yehouda a dit que celui qui aspire à être pieux qu’il accomplisse  les régies des lois civiles et des dommages (Nezikim). C’est-à-dire qu’un homme pieux doit prêter une attention particulière aux lois qui régissent les relations entre un homme et son prochain.

La première loi qu’aborde notre paracha est celle de l’esclave juif. À première vue, il peut paraître étrange que la Tora commence l’exposé des lois civiles par les règles concernant l’esclave juif. N’y avait-il pas des lois plus importantes que celle-ci à traiter ? Cacherouth, Chabbath, pureté ? Qui est cet esclave pour que la Tora lui donne tant d’importance, et s’enquiert de lui, pour lui donner cette primeur ?

Pour répondre à cette question, voyons qui est cet esclave juif.

Il s’agit d’un homme qui a volé et n’ayant pas de quoi rembourser son vol se fait vendre par le Beth-Din pour une période maximale de six ans. Avec le salaire de sa vente, il remboursera son vol et entre-temps il sera au service d’une maison juive de premier choix, où il apprendra à se rétablir. La Tora n’a pas préconisé la prison comme solution, car celle-ci n’est pas la thérapie la plus adaptée pour ce genre de personne. Bien au contraire, cette sanction ne fera qu’aggraver son état d’être et de développer le mal chez lui. En effet un jeune malfrat incarcéré avec un « C.A.P Délinquance » ressort en général avec un « Bac Pro Criminelle ».

L’influence des colocataires de la cellule lui sera très néfaste, en présence de tueurs et d’assassins on ne pourra pas envisager de s’améliorer.

La Tora nous inculque que l’unique manière d’aider et de réhabiliter cette personne qui a failli en volant est de le réinsérer au sein d’une société saine. Ce statut va lui permettre de réapprendre à vivre en harmonie et équilibré, dans la société de Tora. Bien qu’il soit désigné comme « esclave », il sera nourri, blanchi, et logé. Son maître, un homme de qualité, ne pourra ni le mépriser ni le faire travailler abusivement. Il devra observer un nombre de lois bien précises, et respecter son « esclave » comme un véritable invité de marque. La Tora insiste fortement sur ce point.

Voici un échantillon lois dont le maître est soumis : il est interdit de lui assigner des tâches dégradantes, telle que de laver les pieds de son maître ou lui lacer les chaussures. Le maître doit partager sa propre nourriture, s’il mange du pain blanc, il ne pourra lui donner du pain noir. Et s’il dort sur un bon lit, il ne pourra pas faire dormir son esclave sur une paillasse. Ou encore, si le maître ne possède qu’un coussin, ce sera pour l’esclave et le maître dormira à même le sol (voir Vayikra 25 ; 43-46) ! Comme il est enseigné dans la Guemara (Kidouchin 20a) : « Celui qui acquière un esclave [hébreu], acquière en réalité un maître ».

L’esclave version Tora est tout le contraire des clichés de l’esclavage vécu dans les civilisations antérieures que l’on fouette, abuse et méprise.

Mais comment cet homme est-il venu à fauter ?

L’homme a commis ce délit par manque d’émouna et de confiance en soi. Il faute parce qu’il ne ressent pas la Présence divine, et s’imagine être seul, sans personne au-dessus de lui. S’il se trouvait face à une personnalité importante, et avait de l’estime pour lui-même, il n’en viendrait certainement pas à se comporter de manière incorrecte.

Un homme se rendit chez le tsadik Baba Salé pour lui avouer qu’il était récidiviste dans une faute, et qu’il voulait une bénédiction pour l’aider à s’en sortir. Avant de le bénir, le tsadik le regarde, et lui demande : « Mais comment tu fais ? ». Alors l’homme lui explique sa faiblesse, et comment il parvint à la faute. Et le rav réitère sa question : « Mais comment tu fais ? » Alors qu’il s’apprête à lui expliquer une seconde fois, Baba Salé l’interrompt et lui dit : «Pas comment tu fais techniquement, mais comment tu fais, parce qu’Il te regarde !» (en pointant l’index vers le ciel). Le tsadik lui expliqua que la problème était qu’il ne ressentait pas la Présence divine, sans ça il ne fautera pas.

Aujourd’hui plus que jamais, le monde est truffé de caméra de surveillance, dans les rues, les magasins, les lieux de travail… même dans les synagogues, tout cela pour dissuader les gens de commettre des infractions ou de mieux travailler. Mais la raison authentique, c’est que le monde ne ressent pas la présence Divine.

Nous, Juifs, devons savoir qu’il existe une force au-dessus de nous. Il existe un Roi et que nous sommes Ses fils !

Cette  prise de conscience de l’omniprésence Divine et de noblesse nous protégera de tomber dans la faute. La Tora voit et comprend les situations problématiques depuis leurs racines, et vient corriger ces carences. Le but de cette « incarcération » sera de développer chez ce « voleur » devenu esclave, ce qu’il y a de bon en lui. Cette nouvelle vie dans cette nouvelle atmosphère va lui permettre de se sortir de son épreuve avec dignité et Émouna.
Ce statut d’esclave n’est pas là pour l’écraser, bien au contraire, il vient réparer ce qui a été détruit, et lui donner du kavod et relever ses qualités. En le plaçant chez un homme digne et de référence. La Tora s’intéresse et corrige le fond du problème contrairement à la société qui, elle, met l’accent essentiellement sur la forme.

Une leçon pour tous les parents : un enfant qui aurait un problème, une difficulté qui l’a fait flancher, c’est une aide dont il a besoin. Nous devons l’élever, ou l’aider à se relever. Et non pas au contraire, l’écraser ou le diminuer. Quel enseignement magnifique de notre paracha ! Hachem Se préoccupe d’aider ceux qui ont eu une petite faiblesse, et S’intéresse à eux en premier lieu ! Il veut les sortir de leur impasse et les aider à se corriger, tout cela par pur amour pour Ses enfants.

Il existe la mitsva de marcher dans les voies de D’ comme il est écrit (Devarim 28;9) : « Et tu marcheras dans Ses voies », ce qui signifie que nous devons adopter les mêmes attitudes que Lui, de même qu’Il est miséricordieux, clément… c’est ainsi que nous devons être.

Nous aussi, en s’efforçant d’être des exemples d’émouna/foi et de respect de soi, nous aideront au quotidien à éclairer nos enfants, parfois perdus dans un monde obscur.

Chabat Chalom – Rav Mordekhai Bismuth

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