Drones iraniens, quand l’Occident enfante des monstres

Drones iraniens, quand l’Occident enfante des monstres

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Des drones iraniens fabriqués avec de la technologie occidentale

De nombreuses pièces des Mohajer-6 et des Shahed-136 proviennent de sociétés américaines et européennes, selon plusieurs médias, et ce, malgré les sanctions imposées contre la République islamique.

Ce que l’on sait

Dans les entrailles des drones iraniens abattus par l’armée ukrainienne se cache un secret : de nombreuses pièces de ces avions semant la terreur dans les villes ukrainiennes ont été fabriquées en Europe et aux États-Unis, malgré les sanctions occidentales interdisant l’exportation à l’Iran de technologies à double usage, à la fois civil et militaire.

Selon les services de renseignements ukrainiens, cités par la cellule d’enquête Schemes du service ukrainien de Radio Free Europe (RFE) dans un article publié le 4 novembre, le Mohajer-6 contient des éléments de fabrication provenant de plusieurs dizaines de sociétés basées en Amérique du Nord, en Europe, au Japon ou encore à Taïwan. RFE a pu identifier au moins 15 de ces fabricants, après avoir examiné un drone abattu par les forces ukrainiennes près de la ville côtière d’Ochakiv, dans la région de Mykolaïv.

Les entreprises identifiées par RFE, parmi lesquelles la sous-traitante autrichienne d’une société aéronautique canadienne et plusieurs sociétés américaines, ont toutes nié avoir vendu leur technologie à l’Iran ou à la Russie et avoir eu connaissance d’un usage militaire de leur technologie.

Par ailleurs, le Wall Street Journal a révélé le 29 octobre que les drones Shahed-136, l’autre modèle iranien utilisé par Moscou, contenaient aussi des pièces de fabrication occidentale. En outre, des experts en armement ont expliqué au journal que les ingénieurs iraniens avaient probablement pu récupérer et copier des pièces de drones américains et israéliens abattus pour les utiliser dans leurs propres drones.

Le contexte

La révélation de l’origine occidentale de plusieurs pièces du Mohajer-6 vient contredire la version officielle de la République islamique. En effet, lors de l’annonce officielle de la création de l’UAV en juillet 2019, le brigadier général Chahram Hassanejad, commandant de l’unité de fabrication de drones de l’armée iranienne, a déclaré qu’il était le produit d’une coopération entre l’armée, le ministère de la Défense et la société Quds Aviation Industries, selon le quotidien Tehran Times.

Les Mohajer-6 et les Shahed-136 sont utilisés par Moscou depuis début octobre pour mener des attaques contre les infrastructures civiles ukrainiennes.

Samedi 5 novembre, après avoir nié les accusations de Kiev, le ministre iranien des Affaires étrangères a finalement reconnu que Téhéran a livré à Moscou « un nombre limité de drones, des mois avant la guerre en Ukraine ». Or le journaliste d’ABC précise que le Mohajer-6 capturé par l’armée ukrainienne a été fabriqué en février dernier. L’Ukraine a pour sa part affirmé qu’« environ 400 drones » iraniens avaient déjà été utilisés contre la population ukrainienne et que Moscou en avait commandé environ 2 000.

L’UE et les États-Unis imposent depuis plusieurs années des sanctions économiques et financières dans le cadre de résolutions de l’ONU pour que la République islamique cesse d’enrichir de l’uranium à des fins de prolifération nucléaire. Après le retrait unilatéral américain de l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne, ces sanctions se sont encore accrues.

En septembre, le Trésor américain a ordonné de nouvelles sanctions visant les sociétés iraniennes que Washington lie à la production et au transfert de drones à la Russie. « Les entités non iraniennes et non russes devraient aussi faire attention à ne pas soutenir le développement de drones iraniens, ni leur transfert », a précisé Brian Nelson, sous-secrétaire du Trésor américain.

Le 20 octobre dernier, le Conseil européen a pour sa part mis en place des sanctions contre trois citoyens iraniens et une entité iranienne, accusés d’avoir joué un rôle dans la mise au point et la livraison de drones utilisés par la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.

L’enjeu

RFE précise que « la présence de ces pièces dans le Mohajer-6 ne signifie pas que les fabricants violent les sanctions américaines ou européennes, et RFE n’a pas de preuve que ce soit le cas ».

L’Iran contourne en effet ces sanctions grâce à un réseau mondialisé lui permettant d’obtenir de la technologie à double usage en provenance des États-Unis et de l’Union européenne, en utilisant des sociétés écrans et des intermédiaires situés dans des pays tiers, précise l’enquête. « Passer par des pays tiers permet aux opérateurs provenant de pays sanctionnés de donner l’impression d’être des acheteurs légitimes », précise Daniel Salisbury, chercheur associé au King’s College de Londres. Cela permet de « tromper les services douaniers, les agences de renseignements et les industries », ajoute-t-il.

En 2019, le département du Trésor américain mettait déjà en garde contre les pratiques utilisées par l’Iran pour obtenir des pièces américaines, telles que, outre l’usage de sociétés écrans, « l’affirmation que les activités sont autorisées par l’organisme de contrôle financier du Trésor (OFAC) » ou encore « l’usage de sociétés de commerce basées dans des zones de libre-échange ».

L’accès octroyé par les services de renseignements ukrainiens aux médias américains RFE et ABC s’inscrit dans une guerre de l’information dans laquelle Kiev s’efforce de garantir un soutien toujours accru de la part de ses alliés américains et européens. Depuis que la Russie bombarde son sol avec des drones iraniens, l’Ukraine cherche également à obtenir l’appui d’Israël, l’ennemi régional de Téhéran, notamment dans le domaine de la défense aérienne. Ainsi, après avoir gardé ses distances avec Kiev pour ne pas froisser Moscou, Israël a accepté de partager des renseignements concernant les drones iraniens utilisés par la Russie, a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 26 octobre, évoquant le « début de la coopération » entre les deux pays.

JForum.fr & AFP – Illustration : shutterstock

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