Un drone iranien échappe aux radars de l’AFP

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A l’instar du portail suisse Romandie.com, sur lequel c’était « la news la plus lue » du jour, de nombreux sites ont largement diffusé une dépêche de l’Agence France-Presse dans laquelle il fallait attendre neuf paragraphes pour apprendre qu’Israël, présenté comme l’agresseur dans le titre, ne faisait en Syrie que riposter à la violation de son espace aérien par un drone iranien.

 

 

Le viol de l’espace aérien israélien par un drone militaire iranien est un geste sans précédent. C’est une agression de la part du régime des mollahs qui se projette à l’intérieur d’un pays situé à près de 1000 kilomètres de ses frontières, contre lequel il ne cesse depuis bientôt 40 ans de proclamer ses intentions génocidaires.

Une presse responsable devrait alerter sur de tels agissements. Mais beaucoup de médias ont préféré parler de l’inévitable riposte israélienne et inverser les responsabilités.

Un procédé déjà vu maintes fois, comme lorsque des groupes terroristes de Gaza tirent des roquettes sur les populations civiles d’Israël et que les médias attendent la riposte israélienne pour titrer sur les frappes israéliennes. Même si dans ces cas-là, l’AFP mentionne en général quand même que l’action israélienne fait suite à des tirs partis de Gaza.

Cette fois, l’AFP a donc choisi ce titre incriminant Israël en omettant entièrement le contexte déterminant :

 

 

La mise entre guillemets des cibles « iraniennes » n’était pas simplement destinée à attribuer la citation à Israël. Elle servait surtout à mettre en doute ses motivations, puisque des guillemets auraient sinon aussi englobé « attaque d’envergure », traduction directement issue du terme utilisé par l’armée israélienne pour décrire sa riposte (« large scale attack »). Par contraste, l’absence de guillemets à d’envergure était de nature à susciter du ressentiment contre Israël en insistant sur l’ampleur de l’attaque commise sans raison donnée dans le titre.

Titrer sur la cause (l’intrusion du drone iranien en Israël) aurait été de l’information. Titrer sur l’effet (la riposte d’Israël contre l’Iran), c’est de la désinformation !

Au-delà du titre, la dépêche est indigne d’une agence d’information. Il faut attendre neuf paragraphes pour que l’AFP évoque le drone iranien ! C’est bien trop long pour l’attention limitée de milliers de lecteurs, que le titre aura égarés. Et il n’y a aucune raison journalistique valable d’enfouir si profondément l’information clé sur l’élément déclencheur des hostilités.

L’accès de fièvre a été provoqué avant l’aube par l’intrusion dans l’espace aérien israélien d’un drone iranien lancé de Syrie, affirme l’armée israélienne. Elle dit avoir entre les mains les débris de l’engin et a publié une vidéo d’un véhicule en Syrie participant à son lancement.

Pour donner de la consistance aux guillemets du titre qui tendent à mettre en doute la version de l’armée israélienne, l’AFP a pris des libertés en édulcorant les propos de l’armée israélienne. Les lecteurs d’InfoEquitable ne seront pas surpris par ce procédé : le mois dernier nous expliquions comment l’agence avait tronqué un communiqué de l’armée portant sur la mort d’un militant palestinien à Gaza.

Le porte-prole de Tsahal n’a pas seulement parlé des débris du drone. Il en a présenté des photos :

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Il a aussi diffusé une vidéo représentant l’élimination du drone par un hélicoptère ainsi que celle de son véhicule de lancement – avec la précision importante de son appartenance à l’Iran :

 

Néanmoins, les photos qui ont fait le tour de la presse sont celles du F-16 israélien abattu par la défense syrienne lors des opérations de représailles menées par Israël. Certes, s’agissant du premier appareil perdu au combat par Israël en trois décennies, l’information est notable : mais le choix de montrer ces images sans donner d’importance comparable à celles du drone iranien abattu au-dessus d’Israël avant que le F-16 ne décolle pour riposter puis soit abattu déplace l’attention loin de l’enjeu réel.

Dans sa dépêche, l’AFP diffuse ensuite le communiqué de l’Iran qui « dément toute violation de l’espace aérien israélien. L’Iran, rapporte l’agence, a qualifié les affirmations israéliennes de « ridicules » ».

Ridicules ? InfoEquitable rappelle qu’en juillet dernier, après l’interception au-dessus d’Israël d’un drone du Hezbollah affidé à l’Iran, un haut responsable militaire iranien se vantait, de manière sans doute exagérée mais révélatrice d’une ambition, d’avoir envoyé des douzaines de drones non détectés depuis le Liban dans l’espace aérien israélien !

Et le drone s’évapora

Une autre dépêche de l’AFP est allée encore plus loin dans l’omission du contexte :

Ici le drone iranien n’est même plus mentionné dans le texte qui commence ainsi :

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé samedi, selon son porte-parole, à une désescalade immédiate en Syrie, où Israël a effectué dans la journée plusieurs raids aériens.

Cherchez-le, vous ne le trouverez pas : volatilisé, le drone ! Un peu comme un enfant qui provoque son frère en douce et laisse ses parents gronder le frère qui lui a donné une claque en retour, pour le plus grand plaisir du petit provocateur sournois : c’est Israël qu’on incrimine pour sa défense.

Et le communiqué de l’ONU, présenté comme une conséquence des attaques israéliennes et rapporté sans discernement par l’AFP, mélange tout :

Antonio Guterres a souligné que toutes les parties concernées en Syrie et dans la région devaient respecter le droit international. « Il (M. Guterres) appelle tout le monde à travailler à une désescalade immédiate et inconditionnelle de la violence et à faire preuve de retenue », a déclaré le porte-parole. Dans les hostilités en cours en Syrie, « plus de 1.000 victimes civiles de frappes aériennes ont été recensées durant la seule première semaine de février », ajoute le communiqué de l’ONU.

Qui sont ces 1.000 victimes civiles ? De quelles frappes aériennes ont-ils été victimes ? Mystère. Des Kurdes bombardés par la Turquie dans le canton d’Afrine depuis le mois de janvier devraient faire partie du décompte, même si l’ONU ne lève pas le petit doigt pour eux… Il est en revanche certain qu’Israël n’est pas à l’origine de 1.000 victimes civiles en Syrie, mais dans la dépêche le chiffre ainsi glissé est insidieusement amalgamé aux attaques aériennes israéliennes

Or c’est l’AFP qui formule un lien entre Israël et ces « 1.000 victimes », puisque l’ONU n’a nommé aucun belligérant dans son communiqué très évasif qui en appelle à « toutes les parties ».

L’Etat juif tuerait des civils dans des raids aériens en Syrie ? Ce n’est pas écrit noir sur blanc mais c’est bel et bien l’impression qui ressort de cette dépêche associant « l’escalade en Syrie » et les actions d’Israël. Une aubaine offerte par l’AFP aux antisémites de France, qui sauront se saisir de ce message sans se soucier de sa véracité.

L’intrusion du drone iranien est inédite ; l’omission du contexte des actions d’Israël par l’AFP ne l’est pas…

Ce n’est pas la première fois que l’AFP masque ou atténue les raisons des actions d’Israël, faisant passer des mesures défensives pour des agressions. Rappelez-vous, l’été dernier, lors de la « crise des portiques », InfoEquitable avait démontré que l’agence avait durant plus de 24 heures passé sous silence les informations de la police israélienne révélant que des armes avaient été entreposées à l’intérieur de la mosquée al-Aqsa en prévision d’un attentat meurtrier. Des données pourtant essentielles pour comprendre la mise en place des portiques de sécurité par Israël autour de l’esplanade.

La récurrence de tels manquements interroge. Quel crédit accorder à un journalisme si peu soucieux de la chronologie des faits ?

Source infoequitable.org

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