Droit d’exception…
Par Yits’hak Roth, Yated Nééman, 11 Eloul 5780
Non, cela n’est pas surprenant : la cour suprême a décidé d’ordonner l’évacuation partielle de l’agglomération Mispé Kramim. On s’en doutait dès le départ. Il s’agit d’un village fondé avec l’autorisation des institutions officielles voici déjà 20 ans, mais entretemps quelques palestiniens se sont « souvenus » qu’en fait il s’agit de terrains palestiniens privés. Il est vrai que ces propriétaires, s’ils existent, n’ont jamais fait preuve d’utilisation de ces territoires, et n’ont aucune intention de le faire à l’avenir, mais il suffit, pour lancer une telle démarche, d’apporter un quelconque document jordanien ancien et discutable. Le tribunal régional a rejeté leur opposition, faisant reposer sa décision sur ce qui est appelé « takanath hachouk », notion qui veut que toute opération effectuée entre le responsable civil et une personne privée, concernant des biens que le responsable pensait en toute sincérité au moment de la vente être un bien national, ne sera pas rejetée et restera valable quand bien même il sera prouvé que ce bien ne l’était pas au moment de sa vente. Cela signifie clairement que si des personnes s’installent sur des terrains avec l’accord de l’Etat, même s’ils appartenaient bien à des Palestiniens, l’Etat ne pourra pas exproprier ces gens malgré le défaut prouvé par la suite dans l’affaire.
Tout cela était bien juste, tant que l’histoire n’a pas été présentée devant la cour suprême. Cela s’est passé en présence de la présidente de cette instance, Mme ‘Hayouth, ainsi que de l’homme de Gauche déclaré qu’est le juge ‘Hannan Meltser, et, pour donner à la séance une apparence d’objectivité, le juge Nil Hendel, lequel revête une kipa. Comme on s’attendait et comme on le savait, la position des palestiniens et des groupes d’extrême Gauche a été acceptée par la majorité : la « takanath hachouk » n’est pas valable en la présente occurrence, et il faut veiller à expulser l’agglomération où habitent 300 familles, dans les trois ans. Inutile de préciser que le juge Hendel avait adopté une position restée minoritaire, selon laquelle cette disposition juridique s’applique même dans le présent cas, mais tout était évident dès la base : cette même instance, qui, voici quelques semaines, a fixé qu’il n’y a pas lieu de détruire la maison d’un criminel repoussant afin de ne pas déranger sa famille, a fixé qu’il y a lieu d’expulser des dizaines de familles de leurs maisons, alors qu’elles y habitent depuis des décennies.
Les gens de Droite, bien sûr, ont émis une grande protestation, et l’ex-Ministre de la Justice a parlé d’une « décision maudite ». Le Premier ministre a promis de tout faire pour entraver les effets de cette décision, mais un pays dans lequel la cour suprême est maitre à bord ne peut pas faire grand-chose contre… Même s’il y arrive – et cela ne sera pas le cas –, qu’il parvienne à faire passer une loi qui déclare cette installation valable, la cour suprême trouvera déjà moyen d’annuler cette loi, ou de déclarer cette disposition comme ne s’appliquant pas à ce cas. Le principe de « takanath hachouk » est clairement instauré dans la législation, selon lequel une agglomération qui a reçu l’accord des instances officielles ne peut pas être déracinée, mais nul doute non plus que les juges de la cour suprême trouveront déjà la formule juridique permettant de déclarer qu’en la présente circonstance, elle ne s’applique pas, et il y a lieu de détruire les maisons juives. Tant qu’une loi claire venant limiter les droits de cette instance n’est pas mise en place afin d’entraver son pouvoir de s’insérer dans les décisions critiques du pays, la Droite ne pourra que crier et protester, mais dans les faits, c’est la vision de Gauche la plus extrémiste qui règne, quand bien même elle est repoussée à chaque fois au courant des élections, représentée par les juges de la cour suprême. En vérité, à quoi bon, pour la Gauche, de déployer efforts et finances pour se présenter à la Knesset ? Il lui suffit de présenter ses exigences devant la cour suprême, et elle est sûre d’avoir gain de cause.
Juste pour donner à l’absurdité de la situation un éclairage adéquat, rapportons ici ce qu’a écrit à cet égard le journaliste Kalman Liebskind, qui n’a cesse de montrer au public les aberrations en provenance de cette instance suprême. Mais comme il s’agit d’un journaliste de Droite à la kipa, cela fait que ses éclairages restent lettre morte dans l’enceinte des média, et n’engendrent pas les protestations immenses qu’ils auraient dû provoquer. Dans son article, il montre quelle est la conduite de la cour suprême dans le domaine de la construction illégale d’arabes ou de bédouins, dans le cas où ces derniers agissent sans vergogne en se moquant totalement des lois de l’Etat, et utilisent des terrains de l’Etat ou des surfaces appartenant à des Juifs, quand, alors, rien ne sera fait pour les en déloger !
Un petit extrait :
« Voici quelques règles générales importantes que nous avons apprises à la suite des décisions prises. Prenons pour exemple le cas de Netiv Avoth. Là, la cour suprême a ordonné de détruire des maisons de Juifs. Premièrement, comme l’a formulé la présidente d’alors de cette haute instance, la juge Miryam Naor, ‘la ligne directrice est que l’Etat doit imposer le respect des règles d’autorisation de construire et celles de la construction elle-même’. C’est clair. Le deuxième principe veut qu’il est urgent toujours de viser à l’application des instructions concernant la destruction de construction non légale le plus rapidement possible, ou, pour suivre les mots de Mme Naor : ‘Le fait de retarder sans fin les instructions concernant la destruction de construction n’est pas positif’. Vous vous demandez : mais qu’est-ce que cela peut provoquer comme mauvais effet, quand la procédure traine sur de longues années et que la destruction n’est pas effectuée ? Alors nous allons vous livrer la réponse de la présidente d’alors de la cour suprême, une fois qu’elle a expliqué qu’on ne peut plus accepter encore le fait que la loi soit tout le temps foulée au pied. Là nous arrivons d’ailleurs au troisième principe : ‘Le régime juridique perd en effet au fur et à mesure que l’on laisse des choses se faire contre la loi’. C’est juste : un pays qui se considère comme reposant sur la loi ne peut pas laisser faire des choses et parfois appliquer la loi selon les cas, quand cela l’arrange et où cela l’intéresse. Pour être précis, cela n’est pratiquement jamais possible, car une règle a toujours ses exceptions, et si la conduite générale consiste à rendre les choses obligatoires, leur application envers les arabes sort de la règle générale.
« D’innombrables demandes ont été présentées afin d’obtenir un point discret et modeste de la part de l’Etat et de ses instances juridiques qui sont préposées à l’application de la loi : on trouve dans la communauté arabe en général, et chez les bédouins en particulier, des constructions illégales en quantité énorme. Prière de faire appliquer la loi chez eux aussi. Ordonnez leur destruction, tout comme vous le faites chez les Juifs. Rien. Les juges de la cour suprême n’ont cesse de répondre : ‘Ce n’est pas la même chose !’ Miryam Naor et Asher Gronis, ces deux anciens présidents de la cour suprême, ont déjà expliqué à plusieurs reprises pourquoi le temps est important quand il est question d’imposer le respect des lois concernant la construction, mais savent également nous faire comprendre pourquoi chez les Bédouins c’est différent. Un précédent remarquable s’est passé quand, dans les années 80, une démarche a été entreprise contre 82 familles bédouines qui se sont infiltrés à proximité de la route entre Dimona et Yerou’ham : cela a pris dix ans pour que le responsable des terrains d’Israël tente de les en faire sortir, et il a fini par déposer une telle demande. La question a été étudiée des années durant par le tribunal, du fait de l’aspect particulièrement délicat de la question, selon l’expression employée par le juge, et en 1997 il a été fixé enfin que non seulement ces Bédouins se sont infiltrés sur un terrain qui ne leur appartenait pas, mais encore ils ont menti au tribunal en racontant des histoires insipides de leur grand-père qui a travaillé ces champs dans le passé, ce qui a été totalement démenti. Quand le tribunal leur a demandé de sortir de ces terrains, ils se sont dirigés vers le tribunal régional. Ils ont perdu devant cette instance également, et ils ont continué leur chemin vers la cour suprême, qui a elle aussi repoussé la demandé, non sans avoir annoncé que les juges avaient décidé que l’application de l’expulsion serait repoussée d’un an et demi, afin de permettre aux deux côtés d’arriver à un accord… du fait de la complexité du dossier sur le plan public et humain.
« C’est vrai, les deux ont déjà écrit à quel point il était important de faire respecter la loi, et combien c’est terrible que les mesures prises ne le soient que des années plus tard, mais dans le cas présent, comme dans tous les cas où des questions de construction illégale de la part de Bédouins arrivent sur la table de la justice, la patience se réveille et l’on trouve soudain moyen de faire trainer les dossiers. L’expulsion, soit dit au passage, si cela vous intéresse, quelques dizaines d’années plus tard, même si trois instances sont arrivées à la même conclusion, même s’il s’est avéré que les Bédouins ont menti, n’a jamais été appliquée, quand bien même il s’agit d’un vol manifeste d’un terrain clairement inscrit au nom de Juifs, malgré cela la cour suprême a trouvé trente-six raisons pour expliquer pourquoi la loi ne s’applique pas contre ces voleurs. Je ne me souviens pas d’un cas où ils ont apporté une autre conclusion ! La manière dont le tribunal et les préposés à l’application de la loi traitent ces sujets de construction illégale de la part des arabes, par opposition à celle provenant de la part de Juifs, comme s’il s’agissait de deux sujets différents sans rapport entre eux, chacun était traité selon des règles différentes, et doit entrainer des preuves d’une autre nature, finit par représenter une différenciation officielle de la part des instances de l’Etat, fixe, face à laquelle il n’est plus possible de fermer les yeux, et qu’il n’est plus possible de contester. L’establishment juridique rédige ses conclusions selon l’identité de la personne qui se présente à elle. Ainsi, il s’agit donc d’une institution de laquelle il n’est pas possible de recevoir une quelconque conclusion, car elle fait reposer ses réponses sur la race des personnes qu’elle a en face d’elle ! »