Djerba: reprise du pèlerinage à la Ghriba

Djerba: reprise du pèlerinage à la Ghriba

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Bougies et processions. Des centaines de pèlerins juifs ont afflué mercredi à la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba, pour un événement-phare de la saison touristique en Tunisie, après deux ans d’interruption en raison de l’épidémie.

Les premiers visiteurs sont arrivés dans la matinée et ont franchi des portiques de sécurité sous forte garde policière dans ce lieu frappé il y a 20 ans par un attentat suicide ayant fait 21 morts.

A l’intérieur, les pèlerins allument des bougies avant d’entrer dans une petite grotte où se trouverait selon la tradition une pierre du premier temple de Jérusalem. Ensuite, ils échangent des fruits secs et confiseries autour d’une prière prononcée par le rabbin de la synagogue.
Beaucoup de pèlerins immortalisent avec des photos et des vidéos leur visite dans cette synagogue aux colonnes peintes en blanc et bleu, dont la construction remonterait au 6e siècle avant l’ère actuelle.
Le pèlerinage de la Ghriba rassemblait certaines années jusqu’à 8.000 personnes sur deux jours dans cette synagogue, l’une des plus anciennes et plus importantes pour les Juifs originaires d’Afrique du Nord.

« Mon père est djerbien et c’était pour lui très important. J’ai gardé ce souvenir, je venais quand j’étais jeune », raconte Solange Azzouz, 75 ans, née à Tunis et qui vit depuis 58 ans à Marseille.

La Tunisie comptait avant l’indépendance en 1956 plus de 100.000 Juifs, une communauté tombée à environ un millier de membres.

En habit de fête avec sa chemise de soie et son collier de perles, Mme Azzouz attend à l’extérieur sous un soleil brûlant. « En vieillissant, je commence à apprécier le pèlerinage, l’ambiance. J’ai même un peu de famille ici », confie la septuagénaire, pour laquelle cet événement est « un porte-bonheur ».

Le pèlerinage consiste aussi à suivre en procession une grande menorah, le candélabre juif, montée sur trois roues et décorée par des tissus colorés.

Né au Maroc, Adi Wizman Nicodeme, 74 ans, vient pour la première fois à l’invitation d’un ami. Citoyen israélien vivant à Paris, il est venu pour « connaître l’endroit » et au nom de sa foi. « Tous mes amis m’en ont parlé ainsi que mes élèves », confie ce professeur de judaïsme et d’hébreu.

« Je sens quelque chose, c’est très fort pour moi », ajoute-t-il.

Le pèlerinage des miracles

Selon une coutume locale, les femmes ont pour tradition de venir déposer des œufs qui représentent le mariage et la fécondité. Des œufs marqués du nom d’une jeune fille célibataire ou mariée sur une voûte. L’œuf, laissé près d’une bougie pour la durée du pèlerinage, est ensuite retourné à la jeune femme qui, après l’avoir mangé, serait sûre, soit de trouver un époux, soit de tomber enceinte !

Qu’on y croit ou pas, ce sont bien ces légendes urbaines qui ont fait la beauté de l’histoire de la Ghriba, au point d’attirer vers elle tout au long de l’année des juifs, bien sûr, mais aussi des musulmans, des chrétiens, et des athées tout simplement curieux de connaitre son histoire. La Ghriba draine en effet chaque année beaucoup de touristes durant la période de son pèlerinage. Jusqu’aux années 60, la synagogue était d’ailleurs presque inaccessible d’accès tant du monde y venait.

Les Juifs de Djerba: ce qui a changé

Quarante ans après, qu’est-ce qui a changé pour la communauté juive de Djerba ? En reprenant le livre « Juifs en terre d’Islam, Les communautés de Djerba », paru en 1984 à Paris aux Editions des Archives contemporaines, les auteurs Lucette Valensi et Abraham L. Udovitch, avec des photos de Jacques Pérez, reviennent sur ce qui est demeuré inchangé, ce qui a évolué et ce qui a changé. Dans leur livre « Les Juifs de Djerba. Regards sur une communauté millénaire », qui vient de paraître aux Editions Déméter, ils revisitent l’histoire, les symboles de l’identité, le pèlerinage à la Ghriba et la vie au quotidien d’une communauté en symbiose dans son pays.

« En nombre, ils ont peu varié, lit-on en guise d’introduction. Ils comptaient alors un peu plus d’un millier d’individus, ils sont aujourd’hui 1400. Mais, Hara Sghrira n’abrite plus que cinq familles juives, qui ne suffisent donc plus à entretenir l’école, le dispensaire, les services nécessaires à une communauté qui se voulait autrefois autonome. Signe de progrès, elle n’a plus de pauvres, pas même de lecteurs de la Tora qui iraient chaque jour prier à la Ghriba. Un seul, aujourd’hui, assure cet office. Signe d’ouverture à l’économie moderne et au monde politique contemporain : c’est un Juif de Hara Sgrhira, M. René Trabelsi, agent de voyages, qui a occupé trois ans la position de ministre du Tourisme dans le gouvernement tunisien. » 

« Tandis que les familles juives qui y résident encore vont trouver à Hara Kebira les services que le culte et l’éducation religieuse exigent, la population du village a fortement augmenté et le tissu urbain s’est dilaté, au point que la synagogue de la Ghriba n’est plus isolée dans les vergers d’oliviers. De coquettes habitations les ont remplacés.

Les Juifs de Djerba – Regards sur une communauté millénaire
Par Lucette Valensi et Abraham L. Udovitch, avec des photos de Jacques Pérez
Editions Déméter Eclat, 2022, 190 pages, 49,500 DT

Jforum avec AFP,  www.leaders.com.tn et www.radioj.fr

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