Des principes. Cela existe encore ?

Editorial du Yated Nééman, le 25 avril 2021

Au Likoud, semble-t-il, on commence a concevoir qu’il y a de grandes chances pour que ce groupe politique se retrouve, après de nombreuses années, dans les rangs de l’opposition. Il reste à Netaniahou quelques jours encore avant de devoir rendre le mandat au président, et il ne semble pas qu’il lui reste des lapins dans son chapeau à brandir, avant de devoir avouer avoir échoué dans son oeuvre. Nombreux sont encore ceux qui espèrent qu’en dernière minute, quelque chose va se passer, et que toutes les estimations que Netaniahou va cesser de diriger les événements vont s’avérer être fausses, mais les commentateurs n’ont autre chose que ce qu’ils voient devant eux, et il se pourrait bien que l' »alliance entre frères », entre Lapid et Bennet, se renforce, cette alliance de mauvais souvenir, qui a tenu le coup 18 mois, quand le seul résultat de cette union a été la destitution totale de tous les avantages dont profitait le public orthodoxe.

Le rêve du président de Yemina de devenir Premier ministre est à portée de main. Il lui suffit d’attendre que Netaniahou échoue et de mettre en route les accords avec Lapid pour se rendre chez le président afin de lui demander de lui accorder le mandat de constitution du gouvernement. Il a encore quelques éléments à résoudre, entre autres l’opposition des partis arabes à ce que le dirigeant d’un parti de Droite, aux idéaux nationalistes, prennent le pouvoir, mais Bennet a bon espoir que même si son groupe s’appelle « Yemina » (à droite), il n’a aucune intention d’appliquer le plus petit paragraphe de Droite que ce soit du programme de son parti, et de même, s’il y a dans son programme quelques paragraphes concernant la judaïté dans le pays, il n’a pas non plus l’intention de les concrétiser. Sauf s’il n’a aucun programme, car qu’a-t-on besoin d’un tel papier, si l’on est prêt à tout vendre ?

L’une des difficultés majeures de cette coalition émane des questions de religion et d’Etat. D’un côté, elle est composée par le parti antisémite de Liebermann, qui vise à faire souffrir le public orthodoxe au possible et d’effacer tout ce qui peut encore rester du statu quo agonisant, dans le style de la conduite communiste que ce personnage de Moldova veut appliquer ici. Il y a aussi Mérets et le parti travailliste, qui se réjouiront de travailler main dans la main avec Liebermann, bien que leur obsession dans ce domaine soit moindre. Yaïr Lapid, lui aussi, ne fait pas partie des gens qui éprouvent une sympathie excessive envers les orthodoxes, et s’il en a le pouvoir, il s’adjoindrait à cette tendance, bien que, pour des raisons politiques, il ait diminué ses attaques dans ce domaine ces temps-ci. Il nous reste Guidon Sa’ar, qui, s’il est proche de la tradition, à ce qu’on dit, ne sortira pas défendre cette cause, car pour lui, le but essentiel et vital qu’il a devant lui – raison pour laquelle il a fondé son parti « Nouvel espoir » – est de se venger de Netaniahou et de l’expulser de Balfour. C’est tout, et à tout prix. Même si cela doit se faire par l’intermédiaire d’un gouvernement totalement situé à Gauche.

Face à tout cela, Bennet doit se dresser, avec la quantité infime de voix que ses électeurs lui ont attribuée, et justifier la kipa qu’il porte sur sa tête. Mais comme on le sait, la taille des excuses équivaut à celle de la kipa, et d’après ce qui a été dit dans les media, il est prêt à détruire l’institution rabbinique qui est devenue par trop orthodoxe ces derniers temps, et donner les rènes au groupe de Tsohar et à leurs conceptions. On connait leurs options sur le plan de la Halakha et sur celui des relations entre Etat et religion.

Tout est à vendre. Le parti qui se nomme « A droite » (Yemina) et a demandé – et reçu – les voix des gens sionistes religieux avec celles d’autres gens se déclarant de Droite est prêt à donner le pouvoir aux groupes d’extrême Gauche, amener la destruction de l’insitution rabbinique mise en place par les fondateurs du sionisme religieux, tout cela sous le masque du souci du peuple du fait d’un 5e tour d’élections ! On peut peut-être comprendre Bennet, qui se trouve face à un grand dilemne. Il peut, de manière raisonnable, arriver au poste de Premier ministre d’Israël, et tout ce qui est attendu de lui est de baisser quelque peu le niveau de ses principes. D’aller contre ses engagements de base. Nombreux sont ceux qui l’ont fait dans le passé dans le cadre de l’Etat d’Israël, et nul ne les a poursuivis pour avoir agi contre leurs engagements. Au contraire, s’ils ont fait le bon choix, ils ont eu droit aux applaudissements des média de Gauche. Demandez à Rabin, l’homme de guerre, qui a amené les accords dramatiques d’Oslo, ou encore Sharon, le père des colonies, qui a permis l’érection de l’Etat du ‘Hamas, au Sud d’Israël.

A quel point Bennet sera-t-il prêt à lutter en faveur du statu quo religieux dans le pays ? Ou plutôt, veut-il en fait prendre sa défense ? Aura-t-il la force de le faire, une fois un gouvernement de Gauche anti-orthodoxe monté ? Pour le président de Yemina, la question est très dure. Cette personne qui, juste voici deux ans, semblait avoir terminé sa carrière politique, quand son parti n’a pas eu suffisamment de voix pour rester à la Knesseth, est placé devant un grand problème. Son envie de vengeance de Netaniahou, qui l’a évincé du dernier gouvernement qu’il a monté, est partagée avec Sa’ar, et il serait très heureux de voir Netaniahou quitter sa résidence de Balfour. Et si, en plus, c’est lui qui pourra y amener ses valises, peut-on imaginer vengeance plus parfaite ? Mais il n’est prouvé qu’avec cela il pourra mieux dormir la nuit, sachant que pour arriver à ce résultat, il aura dû liquider tous les principes en faveur desquels il s’est présenté à ces élections, afin d’arriver à un tel but.

Mais il se peut que nous avons fait erreur : la notion de « principes » n’existe plus que dans les derniers recoins du monde politique israélien, là où se trouvent les partis politiques religieux qui pensent que l’on ne jette pas les principes à la poubelle…