Des experts militaires américains parlent de la guerre à Gaza: règles et chiffres
A l’initiative de l’American Jewish Committee, des Fédérations juives d’Amérique du Nord et d’autres organisations, le 24 janvier se déroula un zoom exceptionnel. Les intervenants étaient :
- Major John Spencer, Analyste militaire et auteur. Ancien major de l’armée américaine. John Spencer est considéré comme l’un des plus grands spécialistes de la guerre urbaine dans le monde, il forme les recrues de l’US Army dans ce domaine à l’Académie militaire américaine, West Point.
- Le lieutenant-colonel Geoffrey S. Corn, titulaire de la chaire George R. Killam Jr. de droit pénal à la faculté de droit de l’Université Texas Tech. Avant de rejoindre la faculté du sud du Texas en 2005, le professeur Corn a servi dans l’armée américaine pendant 21 ans en tant qu’officier, avant de prendre sa retraite avec le grade de lieutenant-colonel en 2004, et une dernière année en tant qu’expert juridique civil sur les questions de droit de la guerre.
Pour ceux qui n’auraient malheureusement pas le temps de visionner toute la conférence, (60 minutes), une synthèse avec des points marquants, très marquants.
La nécessité militaire et l’humanité
« Toutes les roquettes lancées à l’aveugle sur Israël sont des crimes de guerre mais comme Israël les intercepte, nous l’oublions (13.33) ».
Il convient dans un conflit de bien différencier la cause directe et la responsabilité. Il est toujours facile d’identifier la cause directe et donc de dire que c’est l’avion qui a largué la bombe qui en est la cause directe. Mais la véritable question de la responsabilité, dont la réponse n’est pas évidente, demande des préalables.
La guerre est régie par deux règles : la nécessité militaire et l’humanité. La nécessité militaire oblige à justifier tout acte de guerre. L’humanité est un complément au concept de nécessité militaire, destiné à minimiser la souffrance des populations.
Objectifs militaires et lois de la guerre
il est toujours autorisé de cibler des objectifs militaires. Si l’ennemi utilise des bâtiments civils pour ses opérations militaires, ces bâtiments deviennent également des objectifs militaires. Dans ce conflit, des hôpitaux, des mosquées, même des cimetières ont été utilisés comme bases pour le Hamas et donc transformés en objectifs militaires.
Les lois de la guerre ne se concentrent pas sur les conséquences d’une attaque mais sur la décision qui a mené à lancer cette attaque. Si vous lancez une attaque sur ce qui n’est pas un objectif militaire, vous violez la loi. Donc, toutes les roquettes lancées sur Israël qui ne cherchent même pas à avoir un objectif militaire, sont en soi une violation de la loi et sont donc des crimes de guerre.
Obligations et mesures de précaution
- La première obligation est de ne viser que des objectifs militaires
- La deuxième obligation de mettre en œuvre tous les moyens pour diminuer le nombre de victimes et dommages civils. Ces mesures sont appelées des mesures de précaution.
Les questions liées aux mesures de précaution sont notamment : puis-je alerter les civils avant l’attaque ? Puis-je réduire le risque pour les civils ? Puis-je changer de tactique, utiliser d’autres armes ? Puis-je choisir un autre objectif qui me donnerait le même avantage en réduisant les risques pour la population civile ?
Toutes ces questions mènent à ce qui est appelé la faisabilité de l’opération.
Capacité d’accroître la faisabilité
- Tsahal envoie des messages pour indiquer quelles seront les zones visées. Ce ne fut pas fait en Afghanistan, les américains ne disposant pas des numéros de téléphone et les téléphones n’étant pas très répandus dans la population.
- Les limites de telles alertes sont de ne pas compromettre l’opération envisagée. Si dans un bâtiment se trouve un commandant de l’armée ennemie et des civils, il n’est pas requis d’alerter car le commandant aurait lui aussi l’information et cela compromettrait l’action
- Israël met en œuvre plusieurs moyens : alertes, flyers, zones d’évacuation, périodes de cessez-le feu, couloir humanitaire, choix d’armes de précision. Lorsque toutes ces mesures de faisabilité ont été, dans la mesure du possible, prises, vient la dernière étape sur laquelle le monde a les yeux rivés : le principe de proportionnalité.
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Le principe de proportionnalité
Les règles de la guerre n’appliquent pas le principe de proportionnalité pour protéger l’ennemi.
Le principe de proportionnalité militaire a pour but de protéger les civils et leurs biens qui sont proches de la cible militaire désignée. Lorsque la cible militaire est fixée et que des civils se trouvent à proximité je dois faire une évaluation :
a) Quel est l’avantage militaire attendu d’atteindre cette cible.
b) Quel est le risque possible pour les populations civiles.
Si le risque pour les populations civiles est excessif par rapport à l’avantage militaire attendu, je ne suis pas autorisé à mener cette attaque. Même durant la guerre, la fin ne justifie pas les moyens. Cette définition est compliquée car elle repose sur la notion « d’excessif » et donc sur une appréciation et un sentiment de moralité qui justifient, ou non, l’action à mener.
Maximiser le nombre de victimes civiles, la stratégie du Hamas
Le Hamas choisit délibérément d’exposer les civils non seulement pour s’en servir comme boucliers humains ce qui est déjà très grave, mais le Hamas cherche à accroître le nombre de victimes, notamment avec le réseau de tunnels construits sous les bâtiments civils. Le nombre de victimes sert la propagande du Hamas et de pression sur l’opinion internationale pour exiger un cessez-le -feu et parvenir finalement à ce que veut le Hamas : l’éradication d’Israël. Une stratégie diabolique dans un conflit qui n’a aucun équivalent.
La vraie question à poser est : qui cherche à toucher des cibles militaires et qui ne le fait pas ?
Quel côté cherche à minimiser les risques pour la population civile et quel côté cherche à maximiser les risques pour la population civile ?
Le Hamas devrait se soumettre aux mêmes règles que Tsahal, les lois de la guerre, ce qui n’est pas du tout le cas, ni pour les populations civiles de Gaza, ni pour les populations israéliennes cibles de roquettes
Durant la guerre, il convient de se focaliser non sur les effets de l’attaque mais sur les décisions qui ont précédé l’attaque et les mesures de précaution prises pour conférer sa légitimité à une action militaire
Le conflit à Gaza ressemble-t-il à celui de Mossoul ?
Il n’y a pas de comparaison possible. Tsahal ne se bat pas dans une seule ville mais dans sept villes de la bande de Gaza. Sans compter les kilomètres de tunnels et les otages
L’opinion publique cherche à faire des comparaisons. Isis avait pris le contrôle de Mossoul où il y avait entre 3000 et 5000 combattants d’Isis. Il fallut 9 mois et toute la puissance militaire de l’aviation américaine, pour reprendre le contrôle de Mossoul.
S’il y a des comparaisons à faire c’est sur le fait qu’à Mossoul comme à Gaza, ce sont des combats urbains et donc complexes. Il avait quelques tunnels à Mossoul entre des maisons qui permettaient aux combattants d’Isis d’aller d’une maison à l’autre. En revanche, aucun réseau de tunnels comme à Gaza. Les Etats-Unis n’ont absolument pas rencontré une situation similaire avec les boucliers humains, tunnels, otages, etc… Pour comparer, il faudrait retourner à Berlin ou Stalingrad. De surcroît, il convient de rappeler qu’il n’est pratiquement pas possible d’avoir une évaluation exacte du nombre de victimes dans les combats urbains, surtout au jour le jour comme le fait le Hamas.
Une triste réalité de ce conflit : à Gaza, les populations n’ont pas où s’enfuir, puisque l’Egypte garde le passage de Rafah fermé. Une différence majeure avec tous les autres conflits.
Ratio victimes civiles/combattants
Si l’on prend en compte les victimes de Gaza, selon les chiffres donnés par le Hamas, soit , au 24 janvier, de 23 000 à 24 000 victimes, Tsahal dit avoir tué entre 8 et 9000 combattants du Hamas, ce qui donne un ratio d’environ deux victimes civiles pour un combattant dans l’environnement urbain le plus complexe, à nul autre comparable, depuis la 2e Guerre mondiale. « Ce ratio est pour ainsi dire quelque chose de jamais vu et extraordinairement bas » (35.00). « En général ce ratio n’est pas à un seul chiffre, c’est du jamais vu ».
Mais l’obligation reste de parvenir à 0 victime civile. Ce point est unilatéral et ne dépend aucunement du fait que l’ennemi fasse de même, ou le contraire. Les commandants de Tsahal doivent demander à leurs subordonnés d’appliquer les plus hauts standards de moralité contre ce méprisable ennemi parce que non seulement il faut vaincre l’ennemi mais il faut également prendre en compte les risques de la population civile de l’autre côté car vous savez que l’ennemi ne le fait pas.
Personne ne s’est jamais trouvé dans la situation de ces jeunes soldats de 18 ou 19 ans de Tsahal face à un tel ennemi.
Israël met en œuvre tout ce que requièrent les lois de la guerre et bien au-delà pour protéger les Gazaouis. Normale dans tout conflit l’évacuation des civils évite par définition les victimes. A Gaza, l’absence d’évacuation des populations civiles, notamment à cause de l’Egypte qui empêche tout passage, rend la situation particulièrement ardue pour Tsahal.
Fut également évoquée une zone d’évacuation pour les gazaouis dans le… Néguev, mais les limites de la faisabilité ne doivent-elles pas impliquer également de protéger ses propres populations?
USA/France
Alors que deux manifestations anti Israël sont une nouvelle fois prévues ce samedi à Paris, sans parler de celles de province, qu’un important délibéré est attendu prochainement sur le boycott d’Israël, alors que les réseaux sociaux débordent de rage suite au scandale de l’Unrwa appelé une « manipulation » d’Israël, on ne peut que s’étonner de l’atonie qui règne dans nos institutions où les nombreux débats et déplacements autour de l’antisémitisme ne sont suivis d’aucune mobilisation, d’aucun appel au « réarmement ». Les « happenings » se suivent avec cent, deux cents participants une agitation de surface qui cache mal l’absence d’actions fortes. Une marche contre l’antisémitisme par décennie ?
Evelyne Gougenheim
Video John Spencer et Geoffrey S. Corn
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