Par Martine Gozlan
FIGAROVOX/TRIBUNE – La journaliste et écrivain Martine Gozlan note trois phénomènes concomitants et contradictoires qui illustrent, selon elle, un négationnisme d’atmosphère et une libération de la parole antisémite en vogue depuis l’attaque du Hamas.
Martine Gozlan est journaliste et écrivain.
Depuis le 7 octobre 2023, jour qui s’ajoute historiquement à la litanie de nos jours obscurs, le monde s’est inversé. En un raccourci sidérant, nous avons constaté trois phénomènes concomitants et contradictoires.
1) Le sang juif sèche plus vite que les autres.
2) Néanmoins son hémorragie est accueillie comme un breuvage enivrant par de vastes populations dont on espérait que la détestation avait baissé d’intensité. Toujours l’optimisme hébraïque qui vaut à la fois d’être haï et de survivre à cette haine.
3) Le statut de victimes a été arraché en un éclair aux corps des morts, de même que leur humanité avait été arrachée dans l’allégresse à ces Juifs massacrés, mutilés, violés, brûlés, kidnappés. L’État d’Israël, dont les citoyens ont été attaqués sur son territoire souverain, est transformé en État-bourreau parce qu’il refuse, en ripostant contre le Hamas à Gaza, que se perpétue une seconde extermination. Laquelle a été appelée de ses vœux par Ghazi Hamad, l’un des hauts responsables du Hamas, qui promettait, le 1er novembre: «Nous répéterons l’attaque du 7 octobre encore et encore jusqu’à ce qu’Israël soit anéanti.» Il ajoutait: «Nous sommes des victimes, tout ce que nous faisons est justifié.» Le massacreur s’affirme victime et le tour est joué.
Depuis le 7 octobre, ces trois éléments ont créé un négationnisme d’atmosphère. Une «fake-réalité» s’est substituée à la «vérité vraie» comme le disent les enfants qui ont toujours peur qu’un mensonge vienne fêler le cristal de leur vie. Et c’est le cas. Le mensonge est l’air que nous respirons. Le procès intenté à Israël pour génocide par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de la Haye met ce mensonge en scène avec la grandiloquence et le sombre apparat qui ont caractérisé tous les procès intentés au peuple juif, des tribunaux de l’Inquisition à ceux du stalinisme.
Le procès de la Haye, c’est, le grand spectacle en plus, la libération joyeuse de la parole antisémite telle qu’on la vit chaque jour depuis le 7 octobre.
Martine Gozlan
Israël, officiellement diabolisé, est accusé d’avoir péché contre l’humanité. Dans le réquisitoire de l’Afrique du Sud, il n’est fait nulle part mention des actes perpétrés par les terroristes du Hamas. À écouter les avocats de «la nation arc-en-ciel», il semble que l’État juif ait décidé d’attaquer Gaza car tel était son bon plaisir. La
barbarie du Hamas a été effacée par la magie de la haine antisémite. Il en ressort que la culpabilité d’Israël tiendrait à sa nature profonde : celle d’un pays illégitime. C’est la thèse du Hamas. C’est aussi celle de tous ceux qui ont condamné les atrocités du 7 octobre en ajoutant immédiatement le «mais» qui absout les bourreaux. Le «mais», avec l’arrogance de la pensée dévoyée, se fait – dès le lendemain de l’horreur- l’avocat des pogromistes au motif qu’ils avaient perdu leurs nerfs compte tenu du
«désespoir des Palestiniens».
Le procès de la Haye, c’est, le grand spectacle en plus, la libération joyeuse de la parole antisémite telle qu’on la vit chaque jour depuis le 7 octobre. C’est ainsi qu’a pu jaillir l’effarante chronique de Guillaume Meurice comparant le premier ministre israélien
Benyamin Netanyahou à un
«nazi sans prépuce», renvoyant grassement aux techniques d’identification des Juifs par ceux qui les traquaient pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que des personnages plus élégants – Dominique de Villepin, pourtant si courageux naguère – se sont répandus en propos allusifs à propos de
«la domination financière sur le monde des médias, de l’art» qui bloquerait des artistes américains désireux de soutenir les Palestiniens. C’est, constamment, la remise en cause de la réalité totalitaire du Hamas qui affirme lui-même réserver l’abri des tunnels aux leaders et accapare sans vergogne l’aide humanitaire destinée aux Gazaouis. Si
Jean-Luc Mélenchon incarne le paroxysme de la nouvelle pensée antisémite et se rend avec ostentation à la Haye pour appuyer la plainte sud-africaine, combien de beaux esprits, tout en dénonçant ses outrances, observent avec bienveillance le dispositif juridique destiné à terrasser le sionisme coupable sur la scène internationale ? Qu’un rescapé de l’extermination du ghetto de Kaunas en Lituanie, Aharon Barak, ait été désigné comme juge pour représenter Israël dans ce tribunal, en dit long sur le sens du procès tel qu’on le perçoit à Jérusalem et, au-delà, dans les âmes juives dévastées. Sur la toile de fond de cet univers à l’envers, plus rien en effet ne sera comme avant. Ramenés à leur destin et à leur solitude, les Israéliens et les Juifs ne peuvent qu’encaisser avec indifférence les leçons de morale de leurs faux amis. Invitée sur un plateau télévisé, j’ai vu et entendu un de mes interlocuteurs que l’on dit «historien», affirmer qu’il fallait
«ceinturer Israël». Il joignait le geste à la parole avec délectation. Je protestai contre cette violence verbale et gestuelle. Le reste des invités m’opposa que c’était
«pour le bien d’Israël». L’État juif est donc le seul au monde que l’on veuille détruire pour le sauver.
Pas d’Etat juif, un Etat israélien, sinon c’est du séparatisme, du racisme, du supremacisme.
C’est votre avis, le notre est qu’il faut un Etat juif, séparatiste, raciste et suprémacite. Surtout à présent, quand le monde entier a pu constater quelle était la nature réelle, profonde et éternelle de notre ennemi arabe.
Le monde a pu le constater, mais, toutefois, ne semble pas en mesure de l’accepter, y compris cette persone qui réagi de la sorte à cet article…