Décryptage : l’autre Jérusalem d’Arte

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Arte a consacré la soirée du 23 mai à Israël et à la question palestinienne. Le timing n’était sans doute pas fortuit : ce soir-là, Israël commémorait selon le calendrier hébraïque les 50 ans de sa victoire face aux armées arabes coalisées lors de la guerre des Six jours – un événement sur lequel les médias reviendront certainement en juin avec le jubilé de ce que beaucoup d’entre eux appellent « l’occupation » qui aura lieu entre les 5 et 10 juin du calendrier grégorien.

De manière sans doute à paraître équilibrée, la chaîne culturelle franco-allemande a commencé la soirée avec un documentaire sur David Ben Gourion, le père fondateur d’Israël. Puis ont suivi deux reportages lourdement biaisés : « Les Passeurs », qu’InfoEquitable a déjà décrypté pour vous, et « L’autre Jérusalem. »

« L’autre Jérusalem d’Arte », une Jérusalem alternative, serait-on tenter d’ajouter, tant la réalité de la ville y a été transformée pour coller au narratif politique de chaîne et des autres coproducteurs.

Ceux qui s’y installent et ceux qui se battent pour y rester

Dès la première minute, le film annonçait la couleur :

En 1967, il y a 50 ans, éclatait la guerre des Six jours. Israël lançait une offensive surprise contre ses voisins égyptiens, jordaniens et syriens. Sa victoire éclair lui permit de doubler la superficie de son territoire. L’occupation de Jérusalem-Est a été une source de conflit permanente. Aujourd’hui, il y a 12 colonies juives à Jérusalem-Est, peuplées d’environ 200000 colons. Les Nations unies et la Cour internationale de justice considèrent que l’implantation de ces colonies est illégale. Depuis 1967, Israël démolit régulièrement des maisons palestiniennes à Jérusalem-Est. Ce film raconte l’histoire de ceux qui s’y installent et de ceux qui se battent pour y rester.

Il y a donc :

  • Ceux qui s’y installent (les méchants envahisseurs, israéliens);
  • Ceux qui se battent pour y rester (les gentils chassés de chez eux, palestiniens).

Et pour le prouver, la chaîne franco-allemande qui n’en est pas à son coup d’essai n’hésite pas à prendre des libertés avec l’histoire.

Suivant aussi les traces de M6, elle renverse la réalité et présente Israël comme l’agresseur. Le plan de partage de 1947 (entériné par Israël et par l’ONU, mais violé par les pays arabes qui attaquèrent Israël tous ensemble le jour de son indépendance) ? Arte fait comme s’il n’avait pas existé. L’occupation de « Jérusalem-Est », une entité qui n’avait jamais existé jusque là, par la Légion arabe transjordanienne (qui détruisit les synagogues de la vieille ville, expulsa les Juifs qui y vivaient et interdit aux Juifs de visiter leurs lieux saints), n’est évoquée qu’après 17 minutes et, bien que résultant d’une guerre de conquête arabe, n’est pas décrite comme une occupation : « Avant la guerre, Jérusalem-Est était sous contrôle jordanien ». Et pour qu’Israël puisse être présenté comme l’agresseur, il faut nier les antécédents de l’offensive de 1967 : les mouvements des armées arabes en direction d’Israël, l’expulsion des troupes de l’ONU du Sinaï et le blocage du détroit de Tiran par Nasser, un casus belli privant Israël de l’accès à la mer par son port d’Eilat.

Israël, devant les signes d’une attaque arabe imminente, dut prendre l’initiative en lançant l’offensive pour prendre de vitesse ses adversaire mais ce n’était qu’une réaction. Ne pas expliquer le contexte revient à tromper les téléspectateurs en les induisant en erreur. L’agrandissement du territoire contrôlé par Israël fut une conséquence et non une fin en soi : la plus grande partie du territoire conquis, le Sinaï, fut d’ailleurs rendu une décennie plus tard à l’Egypte en échange d’un traité de paix qui tient toujours.

Alors, « L’occupation de Jérusalem-Est, source de conflit permanente » ? Cette thèse, répandue à travers les médias et diplomaties, n’est qu’un moyen pour ceux qui regrettent que les pays arabes aient perdu plusieurs guerres d’agression de suite contre Israël de poursuivre la guerre par d’autres moyens – diplomatiques, juridiques… La Transjordanie, de 1948 à 1967, était un occupant sans que personne ne s’en émeuve. Le peuple juif a en outre une légitimité historique indéniable à Jérusalem, dont témoignent des vestiges et une présence continue (sauf sous l’occupation jordanienne…) plurimillénaires. Et faire d’un Juif à Jérusalem un colon (surtout à Jérusalem-« Est » qui abrite justement le principal lieu saint juif, le Mont du Temple), c’est comme prétendre qu’un Français serait colon à Paris. Le mot est tout simplement déplacé, mais il correspond à la volonté affichée : malgré 3500 ans de présence, les Juifs seraient « ceux qui s’y installent » et les Arabes (arrivés à partir du VIIe siècle) « ceux qui se battent pour y rester. »

C’est la raison pour laquelle il est reproché à Israël de « démolir régulièrement des maisons palestiniennes à Jérusalem-Est, » ce qui implique que les autochtones seraient les Palestiniens, chassés par Israël. Peu importe qu’il n’y ait jamais eu de « Palestiniens » à Jérusalem (avant Israël, il y avait la Jordanie ; avant, la Grande-Bretagne ; avant, l’Empire ottoman ; et ainsi de suite… à aucune de ces époques les Arabes ne se définissaient comme Palestiniens, et les accords d’Oslo ne donnent pas de juridiction à l’Autorité palestinienne sur les Arabes de Jérusalem). Comme tout Etat de droit, Israël a un cadre juridique et peut parfois démolir des maisons. Le film ne dit pas qu’Israël construit aussi des logements pour les résidents arabes de la ville, ce qui ne reflète pas une volonté de les chasser.

Les réalisateurs ont recouru à une technique classique pour appuyer leur récit : convoquer les « extrêmes » israéliens. D’une part, un Juif nationaliste présenté comme un « colon », qui travaille avec le Israel Land Fund à faire acheter des propriétés arabes par des Juifs et rêve de démonter les monuments musulmans pour que soit rebâti le Temple de Jérusalem : une démarche activiste qui ne représente pas l’idéologie de l’Israélien moyen. Pour bien orienter le téléspectateur, la voix off indique alors que Arieh King cherche des maisons à acheter : « Nous avons la curieuse impression de faire partie d’une expédition de chasse ».

 

 

Le « colon » est mis en opposition avec des Juifs « bien », ceux qui sont contre la politique d’Israël, comme Meïr Margalit qui lance :

 

Je joue avec plusieurs combinaisons possibles. Je pourrais dire, Occup-salem, ou bien, Jéru-pation. C’est l’association des mots Jérusalem et occupation. Je cherche à créer un nouveau mot, un nouveau concept pour décrire la situation dans la ville.

On voit Meïr Margalit manifester le jour de la réunification de Jérusalem en compagnie de son parti, le Meretz, le plus à gauche de tous les partis israéliens et tellement marginal qu’il pèse 5 députés sur 120 au parlement, la Knesset. Regardez bien les drapeaux « Action Antifa » rouges et noirs (couleurs du communisme et de l’anarchisme) brandis par les compagnons d’extrême gauche de Meïr Margalit : est-ce qu’une poignée de personnes qui manifestent avec des drapeaux « antifas » pour s’opposer à d’autres excités qui marchent pour reconstruire tout de suite le Temple (eux-même n’étant qu’une minorité des participants fêtant simplement la réunification de Jérusalem) sont vraiment représentatifs d’Israël ?

 

 

Il y a aussi Sahar Vardi, une israélienne juive qui tend le bâton pour se faire battre :

 

Je vis dans une ville occupée. Je viens du côté des oppresseurs et leur oppression me profite bien. Je trouve que j’ai la responsabilité morale de résister à cette oppression, dit-elle.

Jamais la responsabilité morale des Palestiniens, au sujet du terrorisme qu’ils pratiquent par exemple, n’est évoquée dans le reportage…

Face à ces Israéliens caricaturaux, soit diaboliques, soit honteux, des Arabes victimisés, qui jettent toutes sortes d’accusations souvent foncièrement fausses à Israël : « Leur but est d’expulser les Palestiniens hors de la ville » (alors qu’Israël construit aussi des logements pour les résidents arabes de Jérusalem) ; « Ils prétendent qu’ils ont ici des tombes imaginaires pour s’emparer de ma terre » (précisément une technique qu’utilisent en réalité certains Arabes, par exemple pour empêcher Israël de procéder à des fouilles archéologiques qui révéleraient davantage le passé juif de Jérusalem). L’avocat Ziad al Hamoury martèle le leitmotiv palestinien soutenu inconditionnellement par le film : « L’occupation est la cause de tous les problèmes. »

Le summum est atteint lorsqu’un attendrissant vieillard fait mine d’être compatissant :

 

Les Juifs devraient être les premiers à accorder aux gens le droit à la liberté. Parce qu’ils connaissent le goût de l’amertume. On leur a marché dessus, on les a brûlés dans des fours, on les a humiliés. Nous, nous les avons accueillis dans nos maisons. Mais les invités sont venus armés d’une épée.

Les Juifs ne sont pas des invités à Jérusalem. Il ne faut cesser de le rappeler, avant d’être rebaptisée « Palestine » par les Romains (bien avant la conquête arabe) pour en effacer le nom originel, la région portait le nom de ses habitants juifs et s’appelait la Judée. Lors de l’occupation jordanienne jusqu’en 1967, tous les Juifs ont été non pas accueillis mais expulsés de Jérusalem. Si seulement le sens de l’accueil de ce vieillard égalait sa capacité à mentir à la caméra !

Financements publics au service d’un film politique

Loin d’un documentaire équilibré, on est donc en présence d’un film politique qui sélectionne les intervenants et les faits historiques de manière à faire passer un message : Israël ne serait pas chez lui à Jérusalem. Arte, chaîne publique franco-allemande, était coproductrice de ce film réalisé par une maison de production suédoise. On note d’ailleurs parmi les autres coproducteurs la télévision publique suédoise ainsi que des maisons de production finlandaise et norvégienne. De quoi toucher un large public en Scandinavie, en France et en Allemagne. Et ce n’est pas tout : la Commission européenne a soutenu cette réalisation à travers son programme MEDIA destiné à « renforcer la compétitivité de l’industrie audiovisuelle européenne. » L’argent des contribuables d’Europe est-il vraiment fait pour être investi dans des « documentaires » qui promeuvent une cause politique ?

Source www.infoequitable.org

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