De Gaza à Tunis

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Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE

Temps et ContreTemps

Le 21 mai, un cessez-le-feu a été conclu entre le Hamas et Israël, mettant fin à une courte mais intense guerre de 11 jours. Comme c’est toujours le cas, le Hamas a aussitôt proclamé sa «divine victoire», aussitôt suivi par tous les Arabes, musulmans et islamo-gauchistes que compte la planète. La Tunisie n’est pas en reste car elle demeure l’un des pays arabes les plus engagés sur la question palestinienne.

Ainsi pendant la manif du 19 mai 2021, des slogans tels que «Le peuple veut la criminalisation de la normalisation», «Palestine libre, sionistes dehors !» ont été scandés par les participants qui ont envahi l’avenue Mohammed V munis de drapeaux tunisiens et palestiniens. Au premier rang de la marche, le secrétaire général de l’UGTT, main dans la main avec le bâtonnier de l’ordre des avocats, les dirigeants du parti islamiste Ennahda et d’autres politiques et représentants des organisations nationales. La cause palestinienne est un des rares sujets à faire l’unanimité parmi les différentes composantes du paysage politique tunisien.

Grand chef d’État arabe, Habib Bourguiba avait par son discours à Jéricho en 1965, pris acte de la partition du territoire palestinien et de la création de l’État d’Israël. Il avait ensuite soutenu la cause palestinienne en permettant l’installation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Tunis le 3 septembre 1982 après son exil du Liban. Yasser Arafat allait y rester douze ans jusqu’à son retour dans les territoires palestiniens en juillet 1994.

Après les accords d’Oslo, Tunis a mis en place entre 1996 et 1999 un bureau de contact à Tel Aviv. Avec l’élection de Kais Saïed, la Tunisie condamne à nouveau la normalisation. Le Syndicat Union générale tunisienne du travail (UGTT) condamne la normalisation «avec l’entité sioniste» qui est un «coup de poignard», «une division fatale des causes arabes, et une planification pour l’application du complot pour l’intégration de l’entité sioniste dans l’environnement régional et international du Moyen-Orient». Ce qui en langage clair signifie pas d’Etat juif au Proche-Orient.

Le 15 décembre 2020, le bloc démocrate (regroupant les députés sociaux-démocrates d’al-Tayar et les nationalistes arabes d’Echâab) a déposé une proposition de loi criminalisant la normalisation avec Israël. Avec cette dernière guerre contre le Hamas, le bureau de l’Assemblée a inscrit le texte à l’ordre du jour. Selon ce texte, «est considérée comme auteur de crime de normalisation toute personne ayant participé ou tenté de participer à une opération commerciale, de collaboration, ou de transaction industrielle, artisanale, culturelle, scientifique ou de service – avec ou sans contrepartie, d’une façon permanente ou provisoire, directement ou par l’intermédiaire d’une tierce personne physique ou morale – avec une institution israélienne gouvernementale, publique ou privée». «L’auteur du crime de normalisation avec l’entité sioniste est passible d’une peine de prison de deux à cinq ans, et d’une amende entre 10.000 et 100.000 dinars [plus de 30.000 euros]». Bye Bye le tourisme juif en Tunisie.

Le plus navrant est l’attitude des intellectuels tunisiens

Plusieurs dizaines de personnalités tunisiennes de premier plan, parmi des intellectuels et des figures emblématiques de la société civile, sont parmi les signataires d’une pétition du 17 mai 2021 qui dénonce «vigoureusement l’agression israélienne sur Gaza et appelant à une cessation immédiate et sans conditions de ce crime humanitaire». « Nous, hommes et femmes des lettres, des arts, des sciences, de la culture et des médias, signataires de la présente pétition …», qui reprend l’ensemble des arguments du Hamas : pas de légitime défense, force disproportionnée, destructions délibérées de biens civils, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, violation du droit, État voyou, impunité… Avec parmi les signataires connus en France : Bessis Sophie, Kazdaghli Habib.

Aucune mention dans ce texte des attaques de la population civile par le Hamas, ni de son agenda politique répété tous les jours : destruction d’Israël et un État arabe du Jourdain à la mer. Dans les commentaires apparaissent de nombreuses imprécation : «Que D’ maudisse tous les sionistes vauriens., Vous serez jugés bande de traîtres, maudits soient les agents sionistes, maudits !»

Ces intellectuels qui souvent prétendent combattre les islamistes tunisiens d’Ennahda font ainsi les yeux doux au Hamas et au Djihad islamique.  Dur, dur, dur.

Avenue de Gaza à Tunis

Dans la soirée de vendredi 21 mai 2021, la Coordination nationale pour la Palestine a rebaptisé l’avenue de Paris dans la capitale Tunis, en avenue de Gaza. Les initiateurs de cette action ont également voulu condamner la politique de l’État français supposée «hostile à la cause palestinienne».

L’avenue de Paris est célèbre car elle se trouve au cœur du quartier juif moderne avec la grande synagogue inaugurée en 1937. (Le tronçon où se trouve la synagogue a été rebaptisé Avenue de la Liberté). La synagogue presque centenaire a fait les beaux jours et les grands évènements de la communauté juive de Tunis. L’immense étoile de David à six branches avec en son centre le tétragramme est vue comme un symbole, parfois/souvent ? détesté par la population actuelle. La synagogue de l’avenue de Paris a connu de très graves émeutes, lors de la guerre des Six-Jours, en juin 1967, qui avaient contribué un peu plus à l’exode de la population juive.

 Le grand café d’Alger sur la place Bab Souika, Tunis 1913 (notre photo). «Son enseigne lumineuse, le croissant et le sceau de Salomon, tels qu’ils figuraient sur le pavillon beylical au milieu du XIX siècle, n’est pas sans évoquer un symbole d’union et de tolérance aussi bien par la communauté juive que musulmane». Cependant cette photo publiée sur le blog Facebook Musée juif tunisien a suscité pendant le dernier conflit à Gaza de très nombreuses remarques hostiles, d’imbéciles choqués par la vue de l’étoile de David.

Jacques Benillouche nous racontait que pendant son enfance, son père lui faisait découvrir les jours de Kippour, le quartier juif de la Hara dans la Médina avec ses synagogues. On aperçoit sur cette photo la grande synagogue au premier plan et au fond la mosquée Sidi Mahrez. Ces deux constructions symbolisent les 1000 ans de l’histoire de la communauté juive tunisoise, Sidi Mahrez ayant permis aux Juifs de vivre à l’intérieur des murailles. Les Juifs ont pu ainsi façonner à jamais l’âme de la ville.

Pourtant, malgré les excellents rapports qu’entretenait la communauté juive avec Habib Bourguiba, la synagogue et tout le quartier environnant furent détruits dans les années 60.

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