Quatre fratries opéraient au sein du commando de douze hommes qui a ensanglanté Barcelone et Cambrils jeudi dernier. On retrouve la présence de frères dans la plupart des attentats djihadistes qui ont endeuillé l’Europe et les Etats-Unis ces dernières années. Cette tendance tient à des raisons tant sociologiques, que pratiques et psychologiques.
Trois binômes de frères et un trio figurent au nombre des douze terroristes se trouvant derrière les attentats de Barcelone et Cambrils, alors que Younes Abouyyaqoub a été abattu par la police catalane ce lundi. On relève ainsi un duo répondant au nom d’Abouyyaqoub, un autre d’Oukabir, deux frères Hichamy, ainsi qu’un trio composé de membres de la famille Aalla. Et c’est loin, bien loin d’être une première.
Rappelons-le, il y avait trois fratries au sein de l’équipe terroriste qui a mis sur pied l’attaque du 11 septembre 2001: les Al-Ghamdi, les Al-Hamzi, et les Al-Shehri. Les frères Tsarnaev ont encore plongé les Etats-Unis dans la consternation en 2013 lors du marathon de Boston. Plus près de nous, et sur notre territoire, on se souvient de Salah et Brahim Abdeslam, des participants aux attentats parisiens du 13 novembre 2015. Quelques mois plus tard, les frères El-Bakraoui se sont retrouvés au centre de l’attaque de Bruxelles.
Des cellules difficiles à pénétrer
Michaël Prazan a avancé quelques éléments d’explication quant à cette tendance « familiale » du jihad, sur BFMTV. L’écrivain et réalisateur y a vu un intérêt pratique pour les terroristes: « Ces terroristes, ce sont des fratries. A chaque fois, on a des fratries qui sont contenues dans un bâtiment. Donc, ça limite la communication. On n’a pas besoin de communiquer sur internet, et les terroristes savent bien qu’ils sont soumis à une surveillance accrue ». Ces liens resserrés, aussi bien familialement que géographiquement parlant, sont extrêmement difficiles à démêler et à distendre pour les enquêteurs:
« Entre deux frères, on ne peut pas placer un individu qui va nous donner du renseignement, ça n’est pas possible. On a donc un réseau en vase clos, qu’il est impossible de pénétrer, et c’est toute la difficulté qu’on va avoir avec les prochaines cellules qui se manifesteront lors de prochains actes terroristes », a-t-il ajouté.
Confiance et identité sociale
L’intimité familiale présente aussi un avantage plus strictement guerrier: la cohésion. En décembre 2015, Dominique Rizet, consultant police-justice de BFMTV, relevait ainsi qu’avec de tels duos fraternels, on a « confiance en celui avec lequel on monte au combat ». A la même époque, le journaliste Mohamed Sifaoui retenait également l’aspect psychologique du phénomène, et la mécanique de la transmission: « Généralement, quand un membre d’une famille se laisse séduire par l’idéologie, il peut la transmettre. On est dans une logique de contamination ».
Marc Sageman, psychiatre américain et ex-agent de la CIA, s’est lui aussi penché sur cette forme d’émulation particulièrement néfaste, comme BFMTV.com le signalait en mars 2016:
« On développe son identité sociale d’abord en parlant à ses proches. Et les proches, ce sont d’abord les frères et les amis d’enfance, du quartier. C’est ce que j’appelle l’activation de l’identité sociale. Ils grandissent ensemble. Ils rouspètent, s’inventent une identité de défenseurs d’un islam agressé, de femmes et d’enfants tués dans des bombardements. Ils se radicalisent, se confortent les uns les autres ».
En 2015, une étude du think tank New America, citée par Courrier international, livrait une donnée saisissante. Selon ces travaux, plus d’un quart des djihadistes occidentaux disposaient d’un membre de leur famille ou de leur belle-famille ayant déjà participé au djihad.