Assis derrière, j’écoute le chauffeur discuter avec sa femme. Il lui promet qu’il n’oubliera pas les courses et qu’il ne prendra pas de coca. Il raccroche et me regarde dans le rétroviseur : mon faciès semblable au sien le rassure et il me dit qu’il boycott Coca car Coca vient en aide à l’armée israélienne. Je regarde son téléphone adossé au pare-brise. Sur l’écran, Waze lui indique la route. Je lui dis qu’il refuse de donner son argent à une société française/americaine pour pas que cet argent aille en Israël mais qu’il préfère donner ses données directement à une société israëlienne. Il ne comprend pas et me regarde avec méfiance. Je lui explique que Waze est issu de la High Tech Israëlienne, comme beaucoup d’innovations.
Sllence.
Il me regarde dans le rétroviseur, gêné et..
“Je peux vous poser une question ?”
“Oui”
“Vous êtes juif ?”
Et oui, un musulman ressemble tellement à un Juif qu’il vaut mieux s’en assurer… J’allais répondre “non” puis je me suis dis… Allons jusqu’au bout du show:
“Oui”
Il ne dit plus rien. Pour briser le silence je m’avance vers lui et lui parle d’Israël, de l’empire Ottoman, du mandat Britannique, de la résolution de partage (refusée par les arabes) des guerres, d’Oslo…
Il m’a écouté, religieusement, en posant parfois des questions.
Arrivé à la gare, il est sorti m’ouvrir le coffre, m’a offert une poignée de main forte et chaude. Il m’a dit qu’il avait beaucoup appris mais qu’il ne fallait pas que je le prenne mal mais qu’il allait quand même vérifier tout ce que je lui ai dit…
Il m’a gratifié d’un “shalom” et je lui ai répondu “salam”.
Je l’ai vu partir en tapant une nouvelle adresse sur Waze, qu’il n’a bien entendu pas désinstallé…
Je ne sais pas ce que cette discussion changera pour lui mais, comme je dis toujours, mon boulot, c’est de taper sur des murs…en espérant y voir un jour une fissure…qui, peut-être, fera un jour tomber le mur…
© Ismaël Saidi