Depuis la mi-janvier, des collages en mémoire de Sarah Halimi, femme juive âgée de 65 ans tuée à son domicile en avril 2017, fleurissent dans les rues de Paris. Sur le modèle des collages anti-féminicides qui inondent les rues de la capitale depuis septembre 2019, ces messages chocs, en lettres capitales, dénoncent le traitement judiciaire de cette affaire. Sur le réseau social Twitter, un compte intitulé «collages pour Sarah Halimi» – tenu par l’instigatrice de ces messages – répertorie les rues où ils ont été affichés.
Irresponabilité pénale
Le 19 décembre 2019, la cour d’appel de Paris avait déclaré pénalement irresponsable Kobili Traoré, mis en examen pour le meurtre de cette sexagénaire juive en avril 2017, en estimant que ce consommateur de cannabis était alors en proie à une «bouffée délirante». Cette décision, mettant fin à l’éventualité d’un procès aux assises, avait provoqué la colère des parties civiles et de représentants de la communauté juive.
La chambre de l’instruction avait alors tranché entre les expertises psychiatriques contradictoires du dossier – certaines concluant au caractère «antisémite» du meurtre, d’autres non – et conclu à l’abolition du discernement de Kobili Traoré au moment des faits. Les avocats de la famille de la victime annonçaient alors former un pourvoi en cassation.
Sophie, 57 ans, «anti-féminicides»
Le Figaro a retrouvé l’auteure de ces collages. Il s’agit de Sophie, 57 ans, une habituée des collages «anti-féminicides» : «Je suis tombée dans ces collages dès début septembre, et j’ai été formée par l’une des pionnières, Marguerite Stern. J’ai beaucoup collé contre les féminicides», nous confie-t-elle.
Pour Sophie, le meurtre de Sarah Halimi «est aussi un féminicide». «Je pense qu’elle a été tuée parce qu’elle était une femme, une femme relativement âgée qui n’avait pas de moyens de se défendre et qui avait déjà été harcelée précédemment.» Pour elle, il existe des similitudes dans le traitement judiciaire de cette affaire et celui d’autres cas de violences faites aux femmes. À commencer, selon elle, par le sentiment d’impunité des agresseurs : «Il y a un sentiment d’impunité et de pouvoir facile vis-à-vis d’une femme sans défense», estime-t-elle.
Sentiment d’impunité
«Le cas de Sarah Halimi m’a fait penser à toutes ces agressions qui restent impunies. Les victimes de féminicides portent souvent plaintes plusieurs fois mais ne sont jamais prises au sérieux.» D’ailleurs, dans ses collages, Sophie n’évoque pas seulement le cas des «féminicides» (les meurtres visant les femmes) mais aussi le cas des agressions sexuelles ou de viols visant le «deuxième sexe». «Selon les statistiques gouvernementales, il y a 65.000 viols de femmes par an et seulement près de 1000 condamnations par an, soit aucune réponse des institutions aux agressions.» Pour Sophie, on est «dans le même cas de figure» face à l’affaire Sarah Halimi où elle dénonce un «déni de justice». «La police était là mais n’a rien fait, la justice a refusé de faire une reconstitution», accuse-t-elle.
En outre, pour elles, les meurtres visant les femmes et les meurtres à caractère antisémite – c’est sa conviction pour le cas de Sarah Halimi – font l’object d’un seul et même combat. C’est ainsi que l’un de ses collages martèle : «Tuer des femmes: ça suffit, tuer des Juifs : ça suffit aussi».
«Il est incompréhensible qu’en 2020, on continue de tuer des Juifs en Europe occidentale», s’indigne-t-elle. Sophie est aidée de plusieurs autres femmes pour l’affichage nocturne de ces collages illégaux. «Nous ne sommes pas des féministes, nous sommes juste des femmes qui veulent exprimer leur désaccord», confie-t-elle au Figaro.
Source www.lefigaro.fr