COVID 19 : entre primauté de la vie et respect des libertés individuelles
Le 13 avril 2020, l’ambassade des Pays-Bas à Tel Aviv a indiqué chercher des entreprises néerlandaises acceptant de travailler avec une société israélienne dans le cadre d’un appel d’offres lancé par le Ministère néerlandais de la santé pour trouver des solutions numériques dans la lutte contre le Covid-19. De même, l’Ambassadeur de l’Union européenne à Tel Aviv, Emanuele Giaufret, a expliqué (dans le Jerusalem Post), que les 27 membres exploitaient « des recherches scientifiques et technologiques pour lutter contre Covid-19 », comprenant des « projets de coopération avec Israël».
Si l’UE a affecté un budget de 150 millions de dollars au programme scientifique « Horizon 2020 » pour financer des équipes scientifiques européennes (ou issus de pays partenaires comme Israël) pour trouver un vaccin contre Covid-19, les autorités de santé publique souhaitent pouvoir suivre les contacts entre individus pour arrêter la propagation du virus, c’est dire identifier les personnes exposées, les protéger et éviter les transmissions.
Pour ce faire, l’Europe s’est dite intéressée par les outils développés par la société israélienne NSO GROUP (spécialisé dans les technologies de surveillance), et son expertise dans le système de suivi des Coronavirus. De même, l’exportation du système de surveillance des coronavirus a été confirmée par Sky News : « NSO Group a contacté un certain nombre de pays occidentaux pour leur présenter son logiciel de suivi des coronavirus ».
Pour autant, d’aucuns redoutent, que le système de surveillance israélien soit, ultérieurement utilisé par les Etats, dans un cadre extérieur à la pandémie. La question se pose alors de l’articulation du principe de primauté de la vie avec les atteintes aux libertés individuelles.
L’outil de surveillance (du nom de Fleming) développé par le fabricant de logiciels NSO Group a consiste dans une surveillance des mouvements des personnes : le logiciel fournit les données sur une interface utilisateur intuitive, permettant de suivre les personnes, savoir qui elles rencontrent, pendant combien de temps et le lieu de la rencontre (réunion, places publiques, immeubles professionnels…). Autrement dit, chaque personne est suivie en temps réel.
Les données s’affichent alors sur des cartes thermiques qui sont ensuite filtrées en fonction des informations collectées : les analystes peuvent alors suivre les mouvements des personnes atteintes et les endroits visités. Afin de protéger la vie privée de chacun, les personnes suivies se voient attribuer des identifiants aléatoires (que les Etats peuvent rendre anonymes).
S’agissant d’Israël, le quotidien financier israélien « Globes » a expliqué que le « le système collectera des informations sur les Israéliens, les mettra à jour en temps réel et attribuera à chaque Israélien un taux d’infection sur une échelle de 1 à 10. »
Pour autant, le logiciel de NSO GROUP ne collecte pas de données de localisation à partir des téléphones. Aussi, les Etats qui en feront l’acquisition, pourront accéder aux données de localisation grâce aux entreprises de télécommunications locales qui les intégreront dans le logiciel. Les Etats intéressés pourront alors prendre des décisions (pour contrôler la circulation du virus) comme la mise en quarantaine de certaine zone, l’information des personnes potentiellement infectées ou encore la proposition de passer un test.
Rappelons, sur ce point, que les opérateurs de téléphonie mobile de différents pays européens (Italie, Allemagne, Autriche , Espagne, France, Belgique, Royaume-Uni …), partagent déjà les emplacements des clients avec les gouvernements afin de suivre la propagation du virus.
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Ce qui est, toutefois, reproché au logiciel, c’est de permettre aux Etats et aux sociétés d’espionnage d’utiliser la pandémie du coronavirus pour accéder plus facilement aux données confidentielles des individus.
En effet, c’est la société NSO GROUP qui a fabriqué le logiciel « Pegasus », susceptible d’insertion dans les téléphone mobiles permettant de pirater des informations privées : enregistrements, captures d’écran, mots de passe, messages électroniques, texte… Or, des défenseurs des droits de l’Homme craignent que la société NSO GROUP ait adapté l’interface utilisateur et l’outil analytique au logiciel Pegasus et que certains Etats (notamment) européens l’utilisent au nom de la lutte contre la pandémie.
En effet, le Ministre de la Défense, Naftali Bennett, n’a jamais caché la collaboration entre l’armée de défense israélienne et la société NSO Group dans le développement du système, pour lutter contre le coronavirus. De même, les médias israéliens ont confirmé que l’unité 8200 de l’armée israélienne (domaine cybernétique) participait également au développement de l’outil de recherche de suivi des coronavirus du groupe NSO. Enfin, c’est la société de défense Elbit System qui fournit la technologie pour lutter contre la pandémie.
De façon voisine, le quotidien Haaretz du 8 avril 2020, a rapporté qu’Israël avait mis à disposition des palestiniens une application sur les téléphones portables, leur permettant de savoir si leur titre de séjour en Israël est encore valable. Or, le quotidien israélien a précisé que l’armée pouvait accéder à cette information, suivre les déplacements et consulter les fichiers téléchargés ou enregistrés…
Ainsi, l’Union européenne et ses membres pourraient chercher à acquérir la technologie israélienne de surveillance de masse… en invoquant la lutte contre le COVID-19.
Autrement dit, les logiciels espions pourraient faciliter une surveillance de masse par les gouvernements, d’autant que Pegasus a déjà été utilisé dans des dizaines de pays (notamment Maroc, Mexique, Émirats arabes unis, Bahreïn, Kazakhstan…) à des fins malveillantes et notamment de surveillances et de contrôle de journalistes, de militants des droits de l’Homme, voir d’élimination d’opposants politiques.
De même, Facebook est en procès contre NSO Group : il lui reproche d’avoir pirater sa plateforme de messagerie WhatsApp pour aider l’espionnage de gouvernements (sur quatre continents).
Aussi, des organisations de défenses des droits de l’Homme, en Israël, s’inquiètent elles de voir le GROUP NSO être chargé de la surveillance des coronavirus et que l’outil soit commercialisé à d’autres pays. Le moyen de surveillance, intrusif, pourrait devenir permanent.
En Israël, les outils de surveillance ont été développés pour lutter contre le terrorisme : la priorité, c’est la protection des ressortissants de l’Etat et le respect d’un principe, celui de la primauté de la vie.
De la même manière, le système de surveillance Fleming participe de la protection de la vie. Israël ne saurait donc être tenu responsable de l’utilisation qui en sera faite par les Etats acquéreurs, et des atteintes aux libertés individuelles en résultant.