La cours suprême contre l’Etat : libérez les migrants !

La question est de savoir si le chapitre qui est en train de se dérouler à nos yeux autour de la question du refoulement des migrants est intéressant uniquement sur le plan politique, ou alors s’il peut nous permettre de mieux comprendre le fonctionnement humain de manière générale… Au lecteur d’en juger.

L’Etat d’Israël a fermé ses frontières dans le Néguev, afin d’éviter l’arrivée de migrants indésirables, pratiquement tous à la recherche de travail dans le pays. Cette initiative a bien réussi, et pratiquement nul ne peut plus passer cette frontière. Mais que faire avec les dizaines de milliers de migrants originaires d’Afrique qui sont là, et bien là, surtout dans le sud de Tel Aviv, rendant impossible la vie des Juifs y habitant ? Une partie de ces migrants est retenue dans des centres, proches de prisons, jusqu’à ce qu’ils acceptent de quitter le pays, avec de l’argent de poche et un billet d’avion payé. Mais la cours suprême s’oppose à cette conduite, et exige de l’Etat de régler ce problème au plus tôt. L’Etat parle d’accords avec des pays d’Afrique en ce qui concerne ces migrants. La cours a accepté à plusieurs reprises de remettre ses exigences et son ultimatum à plus tard, mais elle a fini par perdre patience : alors que l’Etat demande… un jour de plus, elle refuse ! Nous avons déjà assez donné ! Le jour de plus était nécessaire pour que l’envoyé spécial préposé à cette question puisse revenir du pays où il avait été envoyé et présenter à la cours l’avancée des choses – on parle d’Ouganda, pays dont l’évocation dans le présent dossier est assez amusante.

On en est là. Cette situation de crise, dans laquelle ladite cours dépasse à nouveau toutes les limites, se permettant de dépasser les prérogatives qu’elle a reçues (par qui ?) et de diriger les instances démocratiquement élues, doit trouver une solution, et une fois pour toute ! Pas de problème, disent certains hommes politiques de droite : il suffit de voter la loi dite de « hitgabrouth », de dépassement, qui mettrait fin à ces sagas. Elle consiste à fixer que la Knesset a le dessus par rapport aux remarques de la cours suprême. Assez logique, en somme. Mais au moins dans le cadre de l’actuelle coalition gouvernementale Ka’halon s’y oppose. Il n’a pas tort réellement : sans prendre connaissance e ses raisons, il faut lui accorder que l’establishment juridique sait, de manière très large, comment se venger des politiques qui ne se plient pas face à ses exigences et peut les faire chuter de manière irrémédiable (cela a été le cas de nombreuses personnes, dont Ya’akov Nééman, ministre de la Justice, qui a osé élever la voix contre la cours en question, c’est le cas actuellement du Premier ministre, inquiété sans cesse par l’appareillage juridique, entre autres). Toutefois, dans le cas présent, Ka’halon se déclare prêt à appuyer une telle démarche, afin de faire cesser cette intervention injustifiée de la cours suprême qui, finalement, va contre les intérêts de citoyens normaux, dont le seul défaut est d’habiter dans le sud de Tel Aviv, infesté depuis quelques années par des étrangers dangereux et violents…

Netaniahou promet de mettre en route une telle loi, permettant enfin de remettre à sa place naturelle une instance qui, depuis Aharon Barak (« Tout sujet peut faire l’objet d’une intervention de notre part »), ne sait plus les limites.

Va-t-il y parvenir ? Peu probable, mais si cela était le cas, il sera assez intéressant de constater que quand on veut par trop monter, on finit par tomber.

C’était du reste la morale d’une fable de La Fontaine :

Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur,
Est-ce assez ? dites-moi : n’y suis-je point encore ?
— Nenni. — M’y voici donc ? — Point du tout. — M’y voilà ?
— Vous n’en approchez point. » La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.