Pourquoi Corbyn me fait quitter le Parti socialiste (B. Djiane)

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Depuis de longs mois, la Grande-Bretagne s’agite autour d’un homme, bien placé, à en croire les sondages, pour en devenir le Premier ministre.

Pour beaucoup, en France, à gauche, et notamment dans les instances dirigeantes du Parti socialiste, cet homme est devenu l’exemple à suivre. Car il incarnerait – enfin ! – ce renouveau tant espéré.

Tout cela pourrait ne poser aucun problème si l’agitation ne se résumait pas en une interrogation bien dérangeante concernant le dirigeant d’un grand parti comme le Labour, une interrogation qui a d’ailleurs animé les colonnes des journaux comme The Guardian ou The Independant : Jeremy Corbyn est-il antisémite ?

J’ai, pour ma part, une réponse, qui ne plaira pas à tout le monde.

Oui, Jeremy Corbyn est antisémite. Il est un des prolongateurs de ce vieil antisémitisme de gauche qui se confond avec l’anticapitalisme car c’est bien connu : « Les Juifs sont tous des banquiers impérialistes ».

C’était grosso modo le thème d’une fresque réalisée à Londres que le leader travailliste a défendue en 2012, au nom de la liberté d’expression.

Bien évidemment, l’homme répondra que « non, il n’est pas antisémite », que tout cela n’est que calomnie, complot pour l’affaiblir politiquement au sein du parti, voire le décrédibiliser totalement aux yeux du pays.

Et beaucoup de ses supporters, en Angleterre et ailleurs, diront : vous voyez bien qu’il n’est pas antisémite puisque lui-même s’en défend. Ce qui, au passage, a autant de valeur démonstrative que le voleur qui dit qu’il n’est pas voleur ou le menteur qui dit qu’il n’est pas menteur.

La vérité, c’est que Jeremy Corbyn est un homme intelligent, et donc redoutable, qui, comme tant d’autres, se réfugie derrière l’antisionisme, cette prétendue « opinion » qui permet d’être antisémite sans aucun danger.

Car essayons une bonne fois pour toutes d’être clairs sur ce point : être antisioniste, ce n’est pas être anti-Netanyahou, anti-Likoud, anti-colonies, anti-religieux.

C’est être contre l’existence même d’Israël ; contre l’idée qu’après l’horreur de la Shoah et les résurgences antisémites qui ont continuellement ponctué les 70 dernières années – encore en Allemagne il y a encore quelques jours – un refuge pour les Juifs est nécessaire ; contre l’idée, enfin, qu’il y’a une logique millénaire à la présence des Juifs dans cette partie du monde.

Pour l’antisioniste Jeremy Corbyn, Israël n’est pas un Etat légitime ; c’est même un Etat à abattre, par la force, la violence, le terrorisme. Ce qui explique que les membres du Hezbollah et du Hamas sont pour lui des « frères » et qu’il a par exemple trouvé approprié de se rendre à une commémoration pour les membres du commando ayant assassiné, après les avoir émasculés, les athlètes israéliens des J.O. de Munich.

Quand on se range si facilement du côté des antisémites, des antisémites les plus virulents, difficile de faire croire que l’on n’en est pas un soi-même.

Ce qu’il y a de terrible, c’est que lorsque vous espérez qu’à son tour le parti socialiste français s’agite, quand vous demandez une prise de position de sa direction, c’est-à-dire, au regard des faits, une condamnation, l’on vous répond que Corbyn n’est pas antisémite car, tout d’abord, il dit ne pas l’être, mais surtout car il n’a jamais eu de déclarations explicites.

En gros, on s’interdit de réfléchir et on ferme consciencieusement les yeux sur l’évidence.

Je suis membre du Parti socialiste depuis près de vingt ans. Et ces mêmes yeux, je n’ai cessé, avec d’autres, et avec obstination, de vouloir les lui faire ouvrir. Mais de guerre lasse, je ne le ferai plus.

Et plus personne, j’en ai bien peur, ne le fera, ou alors quelques Juifs qui resteront car, dans le parti de Jaurès, la logique communautariste l’a définitivement emporté. C’est aux Juifs de s’indigner de l’antisémitisme, comme il appartient à chaque « communauté » de plaider pour sa part de marché d’indignation.

Corbyn me fait donc quitter le Parti socialiste ; ce parti socialiste qui n’est plus capable de réfléchir, de se positionner, de trancher. Je ne suis pas le premier à le faire.

Avant moi, certains l’ont quitté, souvent du jour au lendemain, par opportunisme ; ils ont perdu mon estime. D’autres ont fait ce même choix, après une longue démarche, par cohérence personnelle ; je respecte profondément cette décision, jamais évidente, toujours courageuse.

Je pars, mais je reste de gauche, passionnément. Pas de la gauche partisane qui n’aspire qu’à se refaire par le seul mécanisme du balancier politique ; elle est si désespérante. Non, la gauche résistante, qui a trouvé repli dans le maquis des idées, et rêve de reconquête.

Par Benjamin DJIANE adjoint au maire du 3e arrondissement de Paris, ancien conseiller de Manuel VALLS.

atlantico.fr

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