Nadav Shragai – Le Cape
Wadi Houmous est un quartier du village arabe de Tsour Baher, situé dans la banlieue sud-est de Jérusalem.
L’inclusion de ce quartier de 4 000 habitants à l’intérieur de la barrière de sécurité israélienne a été réalisée à la demande de ses résidents.
Dans cette zone, la construction est interdite, et pourtant des dizaines d’habitations illégales sont apparues au cours de ces dernières années.
Le 22 juillet 2019, après des avertissements et de longues tractations, le juge de la Cour suprême, Mena’hem Mazouz, a approuvé les démolitions de 12 appartements vides : « Chaque bâtiment construit en violation de l’ordonnance d’interdiction de construire, même dans les zones A et B, est illégal. Celui qui a scellé son propre destin et a poursuivi la construction des structures… a ignoré l’ordre et les lois. »
Cette décision de démolir des constructions illégales a été dénoncée par les Palestiniens, les Nations-unies et l’Europe, sans vérifier la complexité du dossier ni les aspects juridiques émanant des Accords d’Oslo que l’Europe et l’ONU avaient approuvés et signés en tant que témoins.
La France a condamné ces démolitions et, selon le Quai d’Orsay, elles sont « contraires au droit international ».L’Union européenne a demandé à Israël d’y mettre un terme « immédiatement ». « La politique israélienne de colonisation, y compris les mesures prises dans ce contexte comme les transferts forcés, les expulsions, les démolitions et les confiscations d’habitations, est illégale au regard du droit international », a déclaré la chargée de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. L’ONU a affirmé que « La politique d’Israël de détruire une propriété palestinienne n’est pas compatible avec ses obligations au regard du droit humanitaire international. »
Des immeubles de Wadi Houmous le long de la barrière de sécurité (photo Arab Press)
Israël a répondu que les immeubles concernés se trouvaient dans un périmètre de sécurité où la construction est interdite. Ils sont situés très près de la barrière de sécurité construite à partir de 2002 par une décision prise par le gouvernement Sharon durant la Seconde Intifada, justement pour contrer toute attaque terroriste.
Le tracé de la clôture, qui englobe Jérusalem, a été défini en termes de « sécurité » et de « défense des intérêts israéliens ». La longueur du tracé devait être de 168 km, et la majorité des tronçons situés le long de la barrière ou à proximité de la limite juridictionnelle de Jérusalem ont été achevés.
En effet, grâce à cette barrière sécuritaire, des centaines d’incidents et des milliers de tentatives menées par les Palestiniens pour s’infiltrer en territoire israélien et y commettre des attentats terroristes ont été déjoués.
La construction de la barrière de sécurité autour de Jérusalem a abouti à la création de deux types « d’enclaves » :
- La première comprend des parties de Jérusalem situées à l’extérieur de la barrière de sécurité, rassemblant entre 120 000 et 140 000 résidents arabes ;
- La seconde comprend des zones situées à l’intérieur de la clôture mais à l’extérieur des limites juridictionnelles de la ville, avec 7 000 résidents arabes.
La situation à Wadi Houmous est bien particulière. Elle est à l’opposé de celle des camps de réfugiés de Shouafat et Kafr Akab situés au nord de Jérusalem. Ces camps de réfugiés sont restés en dehors de la barrière de sécurité – même s’ils font partie de la municipalité de Jérusalem et même si la souveraineté israélienne y est appliquée.
Au sud de Jérusalem, Wadi Houmous ne fait pas partie de Jérusalem et ne relève pas de la souveraineté israélienne. Ce quartier a été inclus, à la demande des résidents arabes locaux, suite à une saisie de la Cour suprême.
Au Nord comme au Sud, les quartiers arabes de Jérusalem situés à l’extérieur de la clôture ont été négligés au cours des dernières années. Cette négligence des pouvoirs publics a créé chômage, misère et criminalité. L’absence d’autorité locale a provoqué des zones de no man’s land, en tenailles entre Israël et l’Autorité palestinienne. Ainsi, l’anarchie s’y est installée et les habitants ont vécu sans loi ni juge.
Les risques de démolitions d’immeubles à Jérusalem-Est selon l’ONU
Certains des résidents de Wadi Houmous sont originaires de Tsour Baher et détiennent des cartes de résident israéliennes. D’autres viennent de Cisjordanie et ne sont pas résidents israéliens. Il en résulte un imbroglio juridique et bureaucratique en vertu duquel Wadi Houmous, entouré de quelques hectares par la clôture israélienne, ne fait pas officiellement partie de Jérusalem et comprend des zones de trois types : A, B et C.
Dans la zone A, la sécurité et le contrôle civil sont du ressort de l’Autorité palestinienne ; dans la zone B, le contrôle de sécurité appartient à Israël et le contrôle civil à l’Autorité palestinienne ; dans la zone C, la sécurité officielle et le contrôle civil relèvent d’Israël.
Au fil des ans, les tribunaux ont également eu du mal à accepter cette confusion judiciaire et ont parfois rendu des décisions contradictoires. Toutefois, la Cour suprême a approuvé la position de l’État et établi que les résidents de Wadi Houmous qui détenaient des certificats de l’Autorité palestinienne n’avaient pas droit au statut de résidents permanents de Jérusalem et devaient donc renouveler leur permis de résidence tous les six mois.
En réalité, la municipalité de Jérusalem – à laquelle Wadi Houmous n’appartient pas officiellement – fournit à ce quartier des services minimaux, tels que l’enlèvement des ordures, mais n’y possède aucune autorité en matière de planification et d’octroi de licences. Pourtant, l’Autorité palestinienne, sur le territoire de laquelle se trouve la majeure partie du Wadi Houmous, a des difficultés à communiquer avec les habitants qui se trouvent de l’autre côté de la barrière dans une sorte d’enclave israélienne.
En 2011, presque six ans après la construction de la barrière de sécurité, Tsahal a émis un ordre interdisant la construction dans une bande de 100 à 300 mètres des deux côtés de la barrière. Il y avait déjà 134 structures dans la zone désignée comme interdites à la construction. Depuis lors, des dizaines de structures supplémentaires ont été construites et, en juin 2019, il y en avait déjà 231. Certaines à plusieurs étages, d’autres en chantier et construites à une distance de plusieurs dizaines de mètres de la clôture et dispersées dans les zones définies comme A, B et C.
Une démolition d’habitation illégale dans le quartier de Wadi Houmous (Arab Press)
En 2016, l’armée a démoli trois bâtiments dans le quartier et annoncé son intention d’en raser 15 autres. En 2017, les résidents ont fait appel devant la Cour suprême. Ils ont affirmé que la plupart d’entre eux avaient reçu des permis de construire de l’Autorité palestinienne, qui était officiellement responsable de la zone dans laquelle les structures avaient été construites. Alors que l’affaire était en cours devant le tribunal, l’État a annoncé que quatre bâtiments ne seraient que partiellement démantelés et que les ordres de démolition de deux autres seraient annulés.
Les juges de la Cour suprême, Menahem Mazouz, Ouzy Vogelman et Isaac Amit, ont rejeté l’appel des résidents et permis à l’État de procéder aux démolitions.
Selon les juges, « le pouvoir du commandant militaire d’appliquer son autorité pour des raisons de sécurité, notamment d’imposer des restrictions à la construction en fonction des besoins de la sécurité militaire, s’applique également aux zones A et B. Il est clair qu’un permis civil délivré par les autorités de planification palestiniennes devrait obtenir une dérogation spéciale et l’approbation du commandant militaire. »
En conclusion, avant que les Européens, la France en particulier, dénoncent et condamnent des décisions de notre Cour Suprême de Justice, il serait plus sage d’étudier préalablement la complexité juridique et sécuritaire du dossier.
Nadav Shragai
Pour citer cet article
Nadav Shragai, « Constructions illégales et sauvages des Palestiniens à Jérusalem-Est », Le CAPE de Jérusalem, publié le 21 août 2019: http://jcpa-lecape.org/constructions-illegales-et-sauvages-des-palestiniens-a-jerusalem-est/