Congrès du FN : «Marine Le Pen s’enferme dans une logique de perdante»

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FIGAROVOX/ANALYSE – Arnaud Benedetti juge avec sévérité la tentative esquissée ce week-end par Marine Le Pen de changer le destin de son parti. Selon lui, un changement de nom n’y suffira pas, et qu’il s’agisse d’un Front ou d’un Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen doit revoir sa stratégie de communication.


Arnaud Benedetti est professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne, coauteur de Communiquer, c’est vivre (entretiens avec Dominique Wolton, éd. Cherche-Midi, 2016), et auteur de La fin de la Com’ (éditions du Cerf, 2017).


C’est à une opération de transsubstantiation que s’est efforcée de se livrer Marine le Pen lors du congrès du FN. Un triple enjeu irriguait quelque part ce moment: recréditer en légitimité une présidente indéniablement cabossée par l’élection de 2017 et le débat raté de l’entre-deux-tours qui n’en finit pas d’éroder sa réputation ; parachever le processus de dédiabolisation entamé depuis que le fondateur du Front a transmis les rênes du mouvement à sa fille ; consolider des positions que la stratégie de Laurent Wauquiez à la tête des républicains vise à reconquérir par une contrebande idéologique décomplexée.

Depuis le désastre communicant de sa confrontation télévisée avec Emmanuel Macron, la marque mariniste qui devait beaucoup à sa com’ est assiégée par le soupçon quant à sa compétence, son professionnalisme, son aptitude à diriger. Tout dans le congrès visait à freiner cette démonétisation et à permettre un rebond. La spirale mécanique du doute ne s’est vraisemblablement pas enrayée. Le problème en la matière n’est pas tant le nom du mouvement que la capacité présumée de sa cheffe à conduire son parti. Au demeurant, la refondation de la vieille maison a laissé entrevoir bien des manquements au professionnalisme que l’on est en droit d’attendre d’une formation qui aspire à conquérir et à exercer le pouvoir. Le recours au nom de «Rassemblement National» que des esprits mal intentionnés ne manqueront pas d’associer à une formation collaborationniste de l’occupation traduit le déficit de culture historique au mieux, l’absence de vista au pire, de l’actuel état-major frontiste. À cet impair se surajoute un dépôt incertain et déjà contesté de l’appellation proposée à des militants dont près de la moitié ont par ailleurs marqué un attachement à la marque historique .

En changeant de nom, les cadres dirigeants du parti imaginaient sans doute que la magie opérerait.

La dédiabolisation, cristallisée en son temps avec le meurtre symbolique du père, nourrissait la stratégie communicante d’un congrès dont le but était de solder la vieille histoire sulfureuse. En changeant de nom, les cadres dirigeants du parti imaginaient sans doute que la magie opérerait. Or une transformation de l’identité n’a de sens que lorsqu’elle prend sa source dans un processus volontairement maîtrisé et non dicté par les circonstances. C’est bien parce que le Front traverse une crise existentielle et subit de plein fouet la délégitimation de son leader qu’il entame sous pression cette mue. La mécanique traduit bien plus une fuite en avant dans le déni qu’une reconstruction. Tout concourt à brouiller la refondation annoncée et à en faire une entreprise désespérée de sauvetage exclusivement destinée à éviter le naufrage du marinisme. Ainsi, la venue surprise de Steve Bannon, outre qu’elle brouille aux yeux de la bien-pensance le message dédiabolisant, trahit surtout la volonté de créer l’événement au regard d’une concurrence interne qui ne dit pas son nom mais qui demeure ancrée dans bien des têtes: Bannon au congrès n’est rien d’autre que la réponse subliminale de Marine à Marion… Un geste qui dit tout de l’inconscient de rivalité qui submerge l’imaginaire immédiat de la Présidente du futur ex-FN… Limite d’une dédiabolisation dont on mesure sans se l’avouer qu’elle banalise, au point de l’affadir, l’attractivité de l’enseigne. Tout se passe enfin comme si la rénovation ne se faisait qu’à moitié, au forceps d’un héritage mal assumé: étrange communication en effet que celle qui se déleste du nom mais qui conserve le visuel, cette flamme qui fascine et inquiète à la fois, cote mal taillée d’une transformation qui ne parvient pas à s’assumer totalement.

À vrai dire, Marine le Pen a renforcé, bien plus qu’elle ne les a dissipées, bien des ambiguïtés qui l’enveloppent depuis son échec de 2017. Son discours, ode aux fondamentaux du FN après la parenthèse post-moderne susurrée par son ex-conseiller déchu, Philippot, dit aussi une déshérence, celle des convictions et une psychologie, hésitante, cassée par le Waterloo communicant du printemps 2017. Cette communication reflète d’abord un enfermement dans une image de perdante. Comme si désormais l’enlisement guettait entre un Wauquiez conquérant et une Marion à l’affût. On ne change pas un destin en changeant de nom…

Source www.lefigaro.fr

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