Les ennemis de Trump à Washington et dans les médias aimeraient bien nous faire croire que Trump est un émotif qui agit sous l’impulsion du moment, sans réfléchir, sans consulter et sans réelle stratégie à long terme.
Ainsi, le bombardement de la base aérienne syrienne de Shayrat près de Hom d’où était partie l’horrible attaque à l’arme chimique dirigée par Assad contre sa population civile à Khan Sheikhoun, serait un de ces gestes violents et imbéciles qu’on attendrait d’un «clown» qui ne comprend rien à la géopolitique et se trouve «out of his depths» (complètement perdu) au Moyen Orient.
Gregg Roman*, le directeur du Middle East Forum, ne voit pas les choses de cette façon.
Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit ce texte de Gregg Roman, paru le 7 avril sur le site du Middle East Forum.
Préparez-vous à la Doctrine de Trump (au Moyen Orient)
Lorsque le dictateur syrien Bashar al-Assad a lancé mardi la deuxième attaque d’armes chimiques la plus meurtrière du 21ème siècle, le président Trump a sans doute trouvé le livre de chevet du président Obama concernant sa réponse à la première attaque chimique moins de quatre ans auparavant et il a résolu de faire exactement le contraire.
Il semble qu’il soit sur la bonne voie.
Lorsque les forces syriennes pro-régime ont gazé la banlieue de Damas (la Ghouta Orientale) en 2013, un an après que le président Obama ait averti Assad qu’une utilisation d’armes chimiques franchirait une «ligne rouge», l’administration Obama a passé trois semaines à se préparer à faire quelque chose.
Conscient que le public américain était généralement opposé à une action militaire, Obama a décidé d’obtenir d’abord l’autorisation du Congrès. Ne souhaitant pas agir seule, l’Administration Obama a essayé de susciter un soutien international et une participation aux attaques aériennes de représailles dirigées par les États-Unis.
Préoccupé par le fait que l’action militaire des États-Unis contre le régime d’Assad aurait pour effet de créer des attentes et annoncerait un changement de politique envers Assad, ce qui rendrait encore plus difficile les tentatives de persuader les rebelles d’assister à des pourparlers de paix négociés par les États-Unis, les responsables de l’administration Obama ont travaillé à réduire de tels espoirs. Le secrétaire d’État John Kerry a assuré au monde entier que les attaques prévues seraient extrêmement faibles.
Le résultat a été un échec légendaire.
Irrités par la portée intentionnellement négligeable des attaques aériennes prévues, les Républicains du Congrès ont retiré leur soutien. Le Parlement britannique a voté contre les frappes aériennes, alors que les alliés de l’OTAN s’y sont opposés à l’exception de la France. Les tentatives d’obtenir un appui de la Ligue arabe ont fait long feu.
Le président Obama a fini par abandonner son plan d’attaque en faveur d’un engagement d’Assad, négocié par la Russie, de démanteler son arsenal d’armes chimiques.
Non seulement l’accord n’a pas été pleinement mis en œuvre – l’utilisation d’armes chimiques à petite échelle a continué de façon intermittente jusqu’à cette semaine – mais cette situation a obligé la communauté internationale à admettre le problème et à s’occuper d’Assad pour la première fois depuis de début de la guerre civile.
Résultat, les gouvernements sunnites en sont venus à renforcer leur soutien envers les militants islamistes, ouvrant la voie à l’intervention militaire de la Russie l’année suivante.
L’ancien secrétaire à la défense d’Obama, Leon Panetta, a par la suite admis que son traitement de la crise avait « envoyé un message brouillé non seulement à Assad, non seulement aux Syriens, mais aussi au monde ».
Le président Trump semble avoir bien appris de cet échec.
Dans le sillage de l’attaque aux armes chimiques du régime syrien contre une ville rebelle dans la province d’Idlib mardi, il a agi unilatéralement, sans attendre ni demander la participation d’autres nations.
Il ne s’est pas soucié de ménager l’opinion publique en demandant l’autorisation du Congrès et il a agi rapidement, avec des frappes aériennes venant moins de trois jours plus tard.
Plutôt que d’affirmer à l’avance que les frappes ne changeraient en rien la position de Washington en Syrie, Trump a laissé entendre, au contraire, qu’une nouvelle action « visant à mettre fin au massacre et au sang versé en Syrie » et « faire échec au terrorisme de toutes sortes » serait mise en œuvre.
Bien que l’action militaire de Trump ait été aussi limitée que les attaques aériennes prévues par l’administration Obama il y a quatre ans, elle est susceptible d’être beaucoup plus efficace dans l’atteinte de ses objectifs.
En plus d’envoyer un message clair au régime d’Assad comme quoi les États-Unis n’hésiteront pas à punir l’utilisation ultérieure d’armes chimiques, l’action militaire de Trump signale sans équivoque à d’autres États qui possèdent des armes non conventionnelles que les États-Unis réagiront avec force à leur utilisation.
Le fait que l’administration Trump semblait plutôt favorable à Assad en début de semaine, montre que l’amélioration des relations avec Washington n’offrira pas de protection contre les conséquences de l’utilisation d’armes non conventionnelles.
En corrigeant l’échec honteux d’Obama contre l’attaque de Ghouta en 2013, l’action audacieuse de Trump facilitera la mise en place et l’application de lignes rouges concernant d’autres adversaires et permettra aux États-Unis de régler d’autres problèmes sans avoir à recourir à la force.
Mais voilà le pompon.
En règle générale, un président américain qui lance une action militaire unilatérale sans l’approbation des Nations Unies ou autre chose qu’une consultation pro forma avec des alliés, devrait susciter des cris d’orfraies et de vives protestations de la part de la communauté internationale – d’autant plus, diriez-vous, si l’auteur s’appelle Donald Trump.
Or, la réaction étonnamment favorable aux attaques aériennes américaines (dans la communauté internationale – voire notamment l’appui de notre ineffable Justin Trudeau) montre que le leadership audacieux et les actions décisives de Trump constituent un bon moyen de se faire des amis, pas les (sempiternelles) consultations multilatérales et les ronds de jambe diplomatiques.
traduit par Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.
* Gregg Roman est directeur du Middle East Forum, un centre de recherche dont le siège est à Philadelphie.