Une pétition signée par une poignée d’intellectuels musulmans de langue française déplore que le slogan « Not in my name » n’ait pas suffisamment retenti lorsque la barbarie a frappé Israël. Leur texte est courageux et révélateur : aux yeux de la majorité des musulmans, en France et ailleurs, la barbarie du Hamas n’est pas condamnable. Ce constat terrible, qu’on préfère souvent passer pudiquement sous silence (à l’instar du rabbin Haïm Korsia), a des explications multiples, tant sociopolitiques que culturelles. Mais la première explication tient au fait très simple que les exactions du Hamas s’inscrivent dans une longue tradition, que l’islam n’a jamais été capable de répudier : la tradition du djihad.
Comme l’explique l’historienne Bat Ye’or dans une récente interview, « l’agression du Hamas contre l’Etat d’Israël et ses civils » est « un acte s’inscrivant dans la tradition juridique djihadiste, son éthique, sa stratégie et ses tactiques. L’histoire des conquêtes islamiques sur trois continents regorge de tels récits ». Ce constat d’une historienne qui a consacré sa vie à l’étude du djihad et de son pendant, la dhimmitude, est tellement aveuglant qu’on préfère généralement s’en détourner, pour se persuader qu’il existe une autre « version » de l’islam, qu’on dénomme tantôt « islam quiétiste », « islam spirituel » ou « islam des lumières ». Mais cela relève malheureusement de l’auto-intoxication, car cet autre islam n’existe le plus souvent que dans l’imagination des Occidentaux.
Si la barbarie du Hamas (similaire à celle de l’Etat islamique et des autres mouvements djihadistes contemporains) n’est pas condamnée par les représentants officiels de l’islam, en France et dans le monde, c’est pour la raison à la fois simple et profonde, que cette barbarie ne constitue pas un « écart », une transgression ou une violation des principes de l’islam. Elle constitue tout au plus l’application la plus rigoriste et la plus sanguinaire des principes du djihad, tels qu’ils ont été codifiés et appliqués pendant des siècles de conquête musulmane.
C’est ce qui rend le combat contre le Hamas si difficile : les terroristes du Hamas se fondent en effet dans la population de Gaza comme un « poisson dans l’eau », pour reprendre l’image du président Mao Zedong. Ils sont chez eux à Gaza, et leurs exactions sont acceptées comme conformes à la culture ambiante. Les civils de Gaza qui ont pris part aux viols, aux tueries et aux actes barbares commis le 7 octobre dans les kibboutz frontaliers de Gaza n’étaient pas entraînés, ou appelés en renfort par le Hamas : ils se sont joints spontanément à la « razzia » contre l’ennemi juif.
Le Hamas parle le langage de l’islam
Le Hamas n’est pas seulement au pouvoir à Gaza depuis le retrait désastreux orchestré par Ariel Sharon en 2005, il est également présent en Judée-Samarie. Mais sa présence ne repose pas seulement sur la domination politique et sur la terreur qu’il exerce régulièrement contre ses opposants. Elle s’appuie également sur la porosité entre son discours et les thématiques de l’islam traditionnel. Le Hamas parle le langage de l’islam, celui que tous les musulmans pratiquants dans le monde entier connaissent et dans lequel ils ont grandi.
Nous en donnerons un seul exemple : celui du Hadith de la pierre et de l’arbre. Ce hadith (dire attribué au prophète) est cité à l’article 7 de la Charte du Hamas. « L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le ! »
Ce hadith a été récemment invoqué par l’imam de Beaucaire, petite ville du département du Gard, dans le sud de la France. Lorsque l’imam a été inculpé et poursuivi devant le tribunal correctionnel, il a déclaré pour sa défense : « C’est le récit de ce qui va se passer à la fin des temps ». Cette réponse exprime en toute simplicité ce que pensent des millions de musulmans à travers le monde. Elle signifie que la guerre contre le Hamas n’est pas seulement une guerre contre le terrorisme, ou contre un territoire (Gaza) : elle est aussi, comme l’ont bien compris les amis d’Israël dans le monde, une guerre de civilisation. C’est ce qui la rend difficile et longue. Mais « le peuple éternel n’a pas peur d’un long chemin ». Jusqu’à la victoire ! Ad hanitsa’hon!
P. Lurçat