« Dérekh beriyato chel adam lihiyoth nimchakh a’har réav ve’havérav » (Rambam, Hilkh. Dé’oth, 5,1).
« La nature profonde de l’individu est d’être influencé par son environnement immédiat, amis et proches ».
Comme à son habitude, le Rambam révèle en une simple phrase l’étendue de la problématique à laquelle nous sommes confrontés, et nos enfants en première ligne, et ce avec une intensité jamais égalée.
Force est de constater que depuis quelques années, il y a, par exemple, une évolution radicale de la mode pour les petites filles, les petits garçons et les adolescents.
Le vêtement d’enfant est devenu une copie du vêtement d’adulte, avec les caractéristiques actuelles de la mode : vêtements moulants et courts découvrant différentes parties du corps, etc.
Même la mode pour les bébés est différente : alors qu’auparavant, les vêtements pour petits enfants se devaient d’être avant tout pratiques et confortables, maintenant ils sont moulants.
Nos enfants ont besoin avant tout de modèles auxquels ils peuvent s’identifier
Ces changements sont, en premier lieu, liés en grande partie à l’influence de groupes de chanteurs et d’émissions télévisées. Les adolescents se calquent sur leur comportement, et donc sur leur habillement, sur les pop stars : ils rêvent souvent de devenir chanteurs, d’êtres célèbres, etc.
Il y a également l’influence des publicités, dans la presse ou par voie d’affichage, et celle des articles des magazines féminins.
La question qui se pose alors est très simple : quels sont les moyens dont nous disposons, nous les parents, afin d’aider nos enfants à ne pas devenir de nouvelles « fashion victim » (« Victime de la mode », terme forgé par un certain Oscar de la Renta) ?
Le point de contact avec l’autre réside dans ce que l’on croit être un choix commun, mais qui n’est, au fond, qu’un suivi commun
Nos enfants ont besoin avant tout de modèles auxquels ils peuvent s’identifier, et le premier modèle est bien entendu celui des parents. Dans un premier degré, nous allons retrouver cela au niveau du mimétisme des enfants par rapport au comportement des parents – on appelle cela au USA la tendance « I wanna look like Mom » (Je veux ressembler à maman) – mais bien rapidement, la démarche des enfants va être conditionnée par ceux qui vont prendre le relais des parents, à savoir les vedettes ou le groupe.
Derrière ce désir d’imitation, se cache une difficulté à assumer sa dimension spécifique face au groupe qui, lui, est dans un principe d’uniformité.
La mode représente de plus en plus une possibilité de socialisation, à travers la dimension « in ». Le point de contact avec l’autre réside dans ce que l’on croit être un choix commun, mais qui n’est au fond qu’un « suivi » commun.
Le phénomène du mouton de Panurge
Aider nos enfants à gérer la mode serait peut-être en premier lieu les aider à exister sans le poids du regard ou du commentaire de l’autre.
Le fameux « Parce que je le vaux bien » de l’Oréal (lancé dans les années 70) pourrait être utilisé pour que l’enfant prenne conscience de toutes ses qualités spécifiques qui le différencient des autres. Que ce qu’il est ne doit pas transparaître à travers son image, mais à travers ce qu’il dégage. Préférer au fond le scintillement à l’éclat.
Et même si parfois, le poids du groupe est tel qu’il ne se sent pas prêt à assumer sa différence, qu’il soit au moins capable de reconnaître que c’est un choix dicté par la mode et non pas sa propre volonté. Bien sûr, le travail devrait commencer en amont, c’est-à-dire dès l’âge où l’enfant veut exprimer ses choix et où on lui proposera alors à l’enfant de faire un « choix fermé », qui pourrait se traduire par « entre tel, tel ou tel modelé, choisis celui que tu préfères ». Il serait bon de lui demander parfois quels sont les critères qui détermineraient son stop face à la mode : par exemple, si le style préconisé évoque par exemple les officiers SS à travers leurs longs manteaux en cuir, le porterait-il ? Ou alors, que pense-t-il de la mode du keffieh qui devient au-delà du symbole, une mode, ou le fil rouge de Madonna et autres accessoires du même genre.
Leur apprendre aussi à organiser leur choix en fonction de critères qui sont la conséquence d’une réflexion menée ensemble, sur le corps, sa valeur, son exposition au regard de l’autre, ce que le vêtement veut mettre en valeur et pourquoi.
Ne pas tomber dans la mode d’une pensée, aussi séduisante soit-elle
De manière plus simple, il serait intéressant de montrer aussi aux enfants l’évolution de la mode en quelques décennies, et qu’au fond, les critères sont très subjectifs. Ce qui était considéré comme beau au niveau du corps ou de l’habit ne l’est absolument plus maintenant, et serait même considéré comme ridicule.
On ne peut bien entendu absolument pas faire passer ce message si, en tant qu’adultes, nous sommes nous aussi soumis au phénomène, même si c’est sur d’autres points que l’habit. Par exemple, au niveau du dernier modèle de téléphone portable ou autre gadget, à l’utilité parfois toute relative.
Mais au-delà du vêtement, la problématique se trouve aussi au niveau des modes de pensées, de nos regards et commentaires sur le quotidien : cette pensée des autres dont on se fait le héraut, au point qu’on finit par la prendre pour la nôtre, avec en plus un gage d’authenticité.
Ne pas tomber dans la mode d’une pensée aussi séduisante soit-elle, ne pas suivre les modes aveuglement, peut être est-ce cela être un « hébreu, ‘ivri » (cf. Beréchith Rabba 42,8, sur Avraham avinou), la racine de ce mot signifiant « qui traverse », « qui est sur l’autre berge », seul contre la pensée unique qui se cache derrière une fausse diversité. C’est dans cette capacité à s’obliger à porter un autre regard que l’enfant apprendra à porter et à vivre son regard et son histoire.