Comment l’AFP a couvert la fête nationale israélienne

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Le monde compte près de 200 pays et les médias ne peuvent informer sur chaque fête nationale. Mais lorsqu’ils choisissent de le faire, on peut s’attendre à ce qu’ils parlent du pays concerné.

C’est pourtant aux couleurs palestiniennes que l’Agence France-Presse (AFP) a décidé de commémorer la fête nationale d’Israël.

Pas de drapeau israélien en vue. Qui comprend que l’article a été écrit à l’occasion de la fête nationale d’Israël ?

L’agence n’a pas dit mot des centaines de milliers d’Israéliens réunis pour célébrer l’anniversaire de leur pays – ni dans cet article, ni dans une autre dépêche qui l’aurait au moins contrebalancé…

Pourtant, nous allons le voir, la « catastrophe » n’est même pas commémorée officiellement ce jour-là par les Palestiniens eux-mêmes.

Une commémoration instaurée par Yasser Arafat

L’Etat d’Israël moderne a été établi le 14 mai 1948. Depuis sept décennies, les Israéliens ont fait de cette journée leur fête nationale, la journée de l’Indépendance « Yom haAtzmaout » qu’ils célèbrent à la date correspondant au 5 Iyar du calendrier juif – soit le 14 mai sur le calendrier grégorien en 1948, et le 9 mai en cette année 2019.

En 1998, pour les 50 ans de l’indépendance de l’Etat d’Israël, Yasser Arafat a instauré une « journée de la Nakba (catastrophe) », alléguant que la création d’Israël avait été à l’origine de l’exil forcé de 700,000 habitants arabes. La date choisie à cet effet fut le 15 mai, lendemain de l’anniversaire d’Israël – manière d’accuser Israël du « crime ».

Le 15 mai est surtout le jour où les armées des pays arabes voisins envahirent en 1948 le nouvel Etat juif en espérant le détruire… A cette époque, le leadership arabe, qui avait refusé le plan de partage de l’ONU qui prévoyait un Etat arabe aux côtés de l’Etat juif, incita les habitants arabes de la Palestine mandataire à fuir en leur promettant qu’ils pourraient revenir rapidement après que les Juifs aient été éliminés. Les choses ne se passèrent pas ainsi et ceux qui partirent ne purent revenir ; ceux qui restèrent devinrent des Arabes israéliens.

Le « Nakba day » a donc officiellement lieu le 15 mai : cette année, c’est six jours après Yom HaAtzmaout.

Mais, selon une devise qui pourrait être « le bonheur des uns fait le malheur des autres », il fallait trouver un moyen de mieux torpiller l’allégresse des Israéliens. C’est ainsi que cette « tradition palestinienne » vieille de 20 ans va désormais jusqu’à se calquer sur le calendrier juif : « La Nakba est observée le 15 mai, mais des marches commémorant les Palestiniens qui ont fui ou ont été expulsés de leurs foyers pendant la guerre d’indépendance en 1948-9 ont lieu chaque année à Yom HaAtsmaout, le jour de l’indépendance d’Israël. »

L’AFP honore la « tradition » palestinienne

En ce jour de fête pour Israël, c’est la nouvelle tradition palestinienne qui a donc été promue auprès des lecteurs français, qui apprennent que « Des milliers d’Arabes israéliens et de Palestiniens ont manifesté jeudi pour commémorer la “Nakba” » et que « Les Juifs israéliens célèbrent parallèlement jeudi le “jour de l’Indépendance” ».

« Nakba » en arabe dans le texte, alors que le terme hébreu pour le jour de l’indépendance, « Yom HaAtzmaout», n’y est pas énoncé une seule fois

A en croire l’agence, la commémoration israélienne ne serait donc qu’un écho parallèle à celle des Palestiniens. Et elle ne serait célébrée que par les « juifs israéliens » (sans majuscule, bien que les Juifs soient un peuple comme les Arabes…), les « Arabes israéliens » s’associant eux aux Palestiniens.

Yom haAtzmaout est pourtant la fête nationale de tous les Israéliens. Il est vrai que certains Arabes israéliens ont un rapport complexe avec le pays dont ils sont citoyens, mais la fête n’est pas réservée aux Juifs. Des membres de minorités – Arabes, Bédouins, Druzes… – peuvent aussi la célébrer.

L’AFP n’a pas montré ces Arabes israéliens, filmés il y a deux ans en train de fêter Yom haAtzmaout (sous-titres anglais dans les réglages, icône « roue crantée » en bas à droite) :

L’AFP a préféré se conformer à la tradition arafatienne en mettant l’accent sur les « 760.000 Palestiniens (…) poussés à l’exode (…) ou chassés de chez eux. » Or ils sont partis pour la plupart de leur propre chef en espérant revenir dans un pays débarrassé de Juifs. De plus, un nombre à peu près équivalent de Juifs ont été à la même époque chassés du monde arabe dans ce qui s’apparente à un échange de population comme d’autres régions en ont connu (Inde-Pakistan…). Privés de ces éléments de contexte, les lecteurs risquent fort de développer du ressentiment contre Israël, et contre les Juifs supposés s’être si mal comportés.

Quant aux « milliers » de manifestants arabes recensés par l’AFP, ils semblent être quelques centaines à s’être rassemblés dans un champ à Umm el Fahm, ville arabe de 50,000 habitants dans le nord d’Israël (plan large du rassemblement ici). Nul doute que les centaines de milliers d’Israéliens qui se sont adonnés aux festivités à travers le pays (souvent autour de barbecues comme le rapporte l’agence américaine concurrente Associated Press) ont été infiniment plus nombreux. Mais l’AFP avait choisi de participer à l’anti-fête…

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