Les principaux ministres du Likoud ont été confrontés dimanche à la menace du Premier ministre Benjamin Netanyahou de se lancer dans des élections anticipées au cas où sa coalition refuserait d’annuler les réformes accordant aux médias publics une plus grande indépendance éditoriale.
La crise qui couve depuis longtemps s’est intensifiée samedi soir lorsque Netanyahou a fait marche arrière et remis en cause un accord avec le ministre des Finances Moché Kahlon visant à mettre en place une nouvelle société de radiodiffusion publique. Si Kahlon refuse d’enterrer la réforme, « nous irons aux élections », aurait affirmé Netanyahou aux ministres du Likoud réunis chez lui.
Cependant, au cours des émissions de radio du dimanche matin, les membres de haut rang de son parti ont paru tout, sauf unis sur la perspective de nouvelles élections, qui pourraient mettre en danger la coalition dirigée par le Likoud et compromettre ses 30 sièges à la Knesset.
Le ministre des Transports, Israël Katz, a rejeté cette perspective en disant à la radio que « les élections pour la prochaine Knesset ont été fixées pour novembre 2019 et il n’y a aucune raison de les faire avancer » à cause d’un désaccord sur la radiodiffusion publique.
« Il n’y a pas de désaccords dans cette coalition sur les questions principales, et vous n’allez pas aux élections au sujet d’un désaccord sur les médias », a-t-il expliqué. « L’Etat d’Israël n’a pas besoin d’élections maintenant à mon avis, et je ne pense pas que cela arrivera. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’État.”
En 2014, la Knesset a adopté de vastes réformes qui devaient abolir l’Autorité israélienne de radiodiffusion et la remplacer par une société financée par l’État officiellement appelée «Kan» et largement connue sous le nom de HaTa’agid. Bien qu’il ait appuyé la législation initiale, Netanyahou a à plusieurs reprises retardé le lancement du nouveau diffuseur et essaie maintenant de le supprimer complètement.
Considéré comme un puissant rival de Netanyahou au sein du Likoud, et s’étant déjà heurté à plusieurs reprises au Premier Ministre, Katz a déclaré que le parti n’avait pas été consulté sur la perspective d’élections anticipées sur cette question.
« Aucune décision n’a été prise au sein d’une quelconque enceinte du parti, ni par les ministres du Likoud, ni par sa faction à la Knesset, ni par les institutions du parti », a déclaré Katz, qui a ajouté qu’il s’opposerait à cette décision.
En revanche, la ministre de la Culture Miri Regev, une affidée du Premier ministre, a multiplié les apparitions dans les médias pour défendre les menaces électorales de Netanyahou, affirmant que c’est Kahlon qui avait provoqué la crise en rompant les accords de coalition qui donnaient au Premier ministre toute l’autorité sur les décisions concernant les médias.
« Un Premier ministre ne peut pas être dans une situation où les accords de coalition sont ignorés. Le Likoud a soutenu les propositions problématiques des autres partis de la coalition, les autres partis doivent faire la même chose », a-t-elle déclaré à la radio de l’armée.
«Oui, a-t-elle précisé avec son habituelle retenue, nous sommes prêts à tout faire péter sur le principe du respect des accords de coalition. »
Le président de la coalition parlementaire, David Bitan (Likoud), un autre allié de Netanyahou, a déclaré à la radio israélienne qu’il était inacceptable que d’autres politiciens de la coalition aient constamment «des exigences» et a affirmé que le Likoud gagnerait facilement de nouvelles élections, et remporterait à nouveau au moins les 30 sièges gagnés lors des dernières élections en 2015.
Sur Facebook samedi soir, Netanyahou quant à lui a écrit qu’il était devenu clair pour lui qu’il n’y avait pas de problème budgétaire qui obligeait le gouvernement à remplacer l’ancienne Autorité israélienne de radiodiffusion par une nouvelle société, et qu’il lui appartenait donc, et non pas au ministre des Finances Kahlon, de décider de son sort.
« Il ne peut y avoir de situation où le Likoud, avec 30 sièges à la Knesset, respecte chaque condition des accords de coalition des petits partis, y compris des choses avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord … mais quand il s’agit de nos conditions à l’accord, qui sont importantes pour le Likoud et pour moi, cela n’est pas respecté. Je ne saurais l’accepter », a écrit Netanyahou.
Furieux, Kahlon aurait contacté le chef de l’opposition Yitz’hak Herzog plus tard dans la soirée pour discuter de la possibilité d’introduire une motion de censure contre le gouvernement.
S’exprimant dimanche à la radio de l’Armée, Herzog a dit qu’il était prêt à aller aux élections mais préférerait établir une coalition alternative. « J’ai compté au sein de la Knesset actuelle 61 députés [sur 120] qui veulent remplacer ce Premier ministre « , a-t-il déclaré, en lançant l’idée d’une motion de censure afin de former une nouvelle coalition sans élections.
« Il y a suffisamment de voix raisonnables dans la coalition pour remplacer le Premier ministre. J’appelle Kahlon à démissionner de la coalition et à se joindre à moi « , a-t-il dit.
Netanyahou, qui était jusqu’à récemment également ministre des Communications, a longtemps manœuvré pour faire avorter la nouvelle société de radiodiffusion, se plaignant d’un manque de contrôle gouvernemental sur sa ligne éditoriale.
Kahlon, quant à lui, a lutté pour la création d’un nouveau radiodiffuseur libéré des ingérences politiques instaurées par le législateur.
Netanyahou semblait avoir cédé sur cette question jusqu’à mercredi soir, quand il a essayé de rallier les membres du parti en disant qu’il n’était pas trop tard pour empêcher sa création. Après que Kahlon ait répondu avec colère, les deux semblaient avoir résolu leur différend jeudi. Mais tout s’est à nouveau effondré avec le billet de Netanyahou sur Facebook.
Dans cette chamaillerie politicienne, la position de Natanyahou est politiquement encore très solide. Si ce n’est que sous le coup de deux enquêtes pour corruption, il pourrait être mis en examen, ce qui sonnerait le glas de son règne. C’est peut-être ce qui excite les ambitions de ses concurrents dans son propre camp.
Toujours est-il qu’en l’occurrence, il semble que les partis orthodoxes soient les seuls à avoir à cœur l’intérêt général. Ils ont fait savoir par voie de presse, qu’au vue de la situation sociale et des réformes de fond nécessaires (crise du logement, prix de la vie), des élections anticipées étaient un luxe dont le pays n’avait pas les moyens. Et au vue de la situation régionale, peut-être même un danger.