La “Une” du journal Le Monde du 4 décembre est éloquente : “Des frappes meurtrières écrasent un quartier de Gaza”. L’article, signé par la journaliste-militante Clothilde Mraffko, porte le “chapeau” suivant : “Une série de bombardements a détruit près d’une cinquantaine d’immeubles d’habitation, l’un des pires massacres depuis le début de la guerre à Gaza. L’armée israélienne a déclaré avoir éliminé un cadre du Hamas visé”. La suite de l’article est à l’avenant : Samedi 2 décembre à Chadjaya, un quartier de la ville de Gaza, l’armée israélienne a rasé un bloc entier d’habitations entier pour éliminer un cadre du Hamas, causant un carnage parmi la population. Selon la protection civile de l’enclave palestinienne, le bilan de cette opération se compte en centaines de morts, ce qui en fait, possiblement, le bombardement le plus meurtrier en près de deux mois de guerre.
Mais contrairement à ce que laisse entendre l’article du Monde, qui se fonde sur les chiffres invérifiables du Hamas, il ne s’agit ni d’un “massacre” ni d’un “carnage” (deux mots qui indiquent une intention criminelle) mais simplement de victimes collatérales d’un bombardement visant un dirigeant du Hamas. Comme l’a rappelé aujourd’hui Emmanuel Navon sur l’excellente chaîne Mosaïque, les victimes civiles tuées lors d’attaques contre des cibles militaires ne constituent aucunement un “crime de guerre”. Au contraire, c’est le fait d’utiliser sciemment des civils pour se dissimuler, comme le font systématiquement les dirigeants du Hamas, qui est proscrit par le droit de la guerre et par le droit international ! Petit rappel que devrait lire le président Macron, apparemment très mal informé sur le sujet…
Il faut ouvrir le journal pour avoir une vision un tant soit peu plus équilibrée sur le conflit : en pages intérieures, on peut ainsi lire en page de gauche un grand article intitulé “Chadjaya écrasé sous les frappes d’Israël”, et en page de droite un grand article intitulé “A Sdérot, la ville voisine de Gaza, figée dans la terreur du 7 octobre”. Au-delà du contenu même des deux articles, qui mériterait un long développement, c’est leur superposition qui interroge. Remarquons tout d’abord que le titre de l’article sur Gaza est en caractères gras, bien plus gros que celui de l’article sur Sdérot. Le premier article est précédé de quatre photos en couleur montrant les décombres d’immeubles à Gaza (il s’agit en fait d’images tirées du reportage d’un journaliste d’Al-Jazira, la chaîne qatarie pro-Hamas). L’article sur Sdérot ne comporte aucune photo.
Mais au-delà même de ces procédés journalistiques cousus de fil blanc, admettons que le parallèle entre les deux articles soit parfait. Que signifie la symétrie établie par Le Monde entre Gaza et Sdérot ? Imagine-t-on une double d’un journal français en pleine Deuxième Guerre mondiale, comportant un article consacré à Oradour sur Glane d’un côté, et un autre consacré à Dresde de l’autre ? La comparaison fait frémir… C’est pourtant précisément ce que fait Le Monde concernant la guerre à Gaza. L’objectivité journalistique selon Le Monde, c’est, comme disait Jean-Luc Godard (qui n’était pas un ami d’Israël), “cinq minutes pour Hitler (le Hamas), cinq minutes pour les Juifs”.
P. Lurçat