Par Daniel HOROWITZ – Temps et Contretemps
Naftali Bennett fut un combattant d’élite de Tsahal et en est sorti officier de réserve au grade de major. Après l’armée, il a fait carrière dans l’industrie des technologies de pointe. Ensuite il est entré en politique dans le parti Likoud aux côtés de Netanyahou. En 2012 il a créé son propre parti dans le but de se positionner idéologiquement à la droite du Likoud, tout lui restant proche.
Yaïr Lapid a été journaliste, chroniqueur, écrivain, et animateur de télévision. Ce surdoué de la communication, charismatique et consensuel, jouissait à l’époque d’une grande popularité. Il avait d’ailleurs été suivi à la trace par les médias dès son plus jeune âge, étant le fils d’une écrivaine réputée [1] et d’un père ministre [2]. Il est entré en politique il y une dizaine d’années, annonçant d’emblée qu’il aspirait aux plus hautes fonctions.
Lors de la campagne électorale de 2021, Bennett s’adressait au pays dans les termes suivants [3] : «Regardez-moi bien en face et écoutez ce que je dis : je ne contribuerai en aucune manière, à aucune condition, dans quelque configuration que ce soit, à un gouvernement où Lapid serait premier ministre, que ce soit de manière conventionnelle ou par rotation. Il est hors de question d’intégrer cet homme dans ma coalition simplement du fait qu’il s’agit d’un gauchiste. Quiconque prétend autre chose ment. Il ne faut pas croire à la rumeur qui circule, selon laquelle je m’apprêterais à former une coalisation avec Lapid ; c’est de la foutaise. Quant à Meretz, j’exclue évidemment la participation de ce parti parce qu’il s’oppose au principe même d’un État juif et démocratique. Je m’engage donc à ne jamais soutenir une constellation autre qu’un gouvernement ancré à droite. Quant à mon rival Netanyahou, je le mets en demeure de s’engager à ne pas chercher à séduire l’électorat arabe en s’alliant avec le parti Ra’am [4]».
Le 13 juin 2021, Bennett remporte les élections. Il forme un gouvernement dont lui et Lapid assureront la fonction de premier ministre par rotation. La coalition de Bennett intègre Ra’am (proche des Frères Musulmans) ainsi que des formations traditionnellement hostiles à la droite, dont Meretz (extrême gauche) et Avoda (socialiste). Son gouvernement s’autoproclame d’union nationale alors qu’il n’a qu’un seul député d’avance sur l’opposition.
Bennett s’en explique en disant qu’il est conscient que sa décision est impopulaire, mais qu’il l’assume dans l’intérêt supérieur de la nation. Il admet que sa coalition est hétérogène et qu’elle pourrait être difficile à gérer, mais que tout doit être tenté pour mettre fin aux élections à répétition. Il pense ainsi atteindre son objectif de disposer d’un gouvernement stable et durable pour quatre ans. À noter qu’il a exigé d’être Premier Ministre avant de passer la main à Lapid, pourtant à la tête d’une formation qui dispose près de trois fois plus de députés que lui.
Le seul argument consistant que Bennett avait pu avancer pour justifier sa désertion idéologique et le reniement de ses principes avait été que cela devait garantir une stabilité et une durabilité à son gouvernement hybride. Mais très tôt des lézardes sont apparues. Au bout de quelque temps, des membres de la coalition se sont mis à être de plus en plus critiques. Plusieurs députés ont fini par retirer leur soutien, et le gouvernement est tombé au bout d’à peine un an, conséquence inévitable de son inconséquence.
Ce qui se profile maintenant, c’est que l’électorat de droite, déçu par la vaine volte-face de ses représentants sans rien en échange, pourrait cette fois-ci plébisciter le retour de Netanyahou sur base d’une majorité plus confortable que jamais.
Bennett et Lapid sont des personnalités respectables et des patriotes au-dessus de tout soupçon. Cependant ils ont peut-être vocation à déployer leurs talents dans la société civile plutôt que dans le monde politique.
[1] Shoulamit Lapid
[2] Tommy Lapid.
[3] Les sources de ces propos peuvent être identifiées au moyen des vidéos
[4] Le parti Ra’am est un parti arabe proche des Frères Musulmans.
NDLR : Peut-être leur manque-t-il également un certain sens de la retenue face aux intérêts personnels et politiques auxquels ils se sont confrontés, les amenant à tout rompre pour pouvoir conserver leurs postes. Et nous n’avons pas parlé de leur respect face au monde de la Tora dans le pays…