Par Gilles-William Goldnadel pour Dreuz.info
Aucun candidat de gauche ne s’est qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. L’avocat voit dans cette droitisation de l’opinion le signe que les médias de gauche exercent désormais leur influence sur le peuple seulement de manière résiduelle.
Je voudrais partager avec mes lecteurs cette intuition que je nourris depuis longtemps du fruit de mes observations. Je tiens les opinions politiques issues de la psychologie des passions plutôt que de la raison. La colère en est une.
L’un des faits sociologiques les plus remarquables des dernières années se caractérise par la droitisation de l’opinion. Le résultat du premier tour des élections présidentielles ne fait que le confirmer. Cette droitisation n’a d’égale, dans un contraste saisissant, qu’un monde journalistique toujours largement dominé par la gauche, à l’instar du monde universitaire ou artistique. L’audiovisuel de service public étant particulièrement représentatif de cet état de fait peu disposé au partage équitable. Ce contraste montre que les médias exercent, désormais, leur influence sur le peuple uniquement de manière résiduelle.
Plusieurs explications se conjuguent. La puissance des réseaux sociaux, et notamment ce que le pouvoir médiatique nomme par un vocable aussi méprisant que significatif la «fachosphère», que j’ai rebaptisée la «fâcheuse sphère», et qui a réussi à fendre le monopole médiatique et principalement son pouvoir d’occultation de la réalité qui le dérange et inversement de la focalisation sur les faits qui l’arrangent. La folie de certaines constructions idéologiques («wokisme», racialisme, théories du genre, islamo-gauchisme, etc.) qui affolent littéralement un peuple ancré dans le réel et qui l’ont persuadé avec quelques raisons que le monde en devenir tenait de l’asile ou du camp de rééducation.
Mais il est une explication complémentaire et apparemment paradoxale que je tiens à envisager dans cette chronique.
Un peuple conscient des dangers identitaires et sécuritaires qui le guettent de par une immigration massive irrésistible et excédé par des médias idéologisés qui demeurent dans le déni, quand ce n’est dans le mépris. Des médias sans plus de compas fiables, devenus de ce fait impopulaires pour un peuple déboussolé. Cette perte de crédibilité professionnelle associée à une défiance morale expliquerait cette perte d’influence doublée d’un effet révulsif.
Trois exemples subjectifs tirés de mon observation personnelle subjective de la semaine écoulée et qui ont causé ma propre irritation tempérée par l’habitude et la résignation :
L’affaire Jeremy Cohen, d’abord, dont j’assiste la famille endeuillée. Une partie de la presse a considéré que les déclarations de responsables politiques tenaient de la «récupération». C’est ainsi que recevant Marine Le Pen lundi, qui avait exprimé son émotion, Mme Salamé la questionnait sur une éventuelle «instrumentalisation». Même remarque du préposé à la revue de presse, M. Askolovitch, évoquant cette «récupération», s’agissant d’un article publié par Éric Zemmour dans Valeurs Actuelles après que le père de la victime a demandé à le rencontrer pour l’aider. Ainsi, pour une partie de la presse – curieusement rejointe par le candidat-président qui avait allégué pour sa part une «manipulation» – il ne faudrait évoquer par temps électoraux la mort d’un jeune Juif agressé par la «racaille» et immédiatement après écrasé par un tramway. Le tout dans le cadre d’une passivité policière telle que la famille dut se substituer aux enquêteurs défaillants pour empêcher la déperdition définitive des preuves.
Je songe à la pauvre Sarah Halimi (dont j’assistais également la famille) et dont la torture suivie d’assassinat par l’islamiste Traoré, malgré la présence de la police, fut occultée opportunément jusqu’au scrutin du second tour des précédentes élections présidentielles. Certains esprits chagrins craignant sans doute que de telles révélations ne favorisent une candidate plutôt qu’un candidat.
Quoi qu’il en soit, on constatera que lorsque, par exemple, certains importent l’affaire américaine George Floyd sur le terrain médiatique français, sans crainte de racialisme ni de génuflexions, nul ne diligente un procès en indécente instrumentalisation. La famille de Jeremy Cohen aura, au contraire, tenu à demeurer prudente, dans l’état actuel des investigations, quant à l’hypothèse antisémite.
Second exemple: le refus médiatique systématique sinon systémique de considérer comme terroriste toute attaque de civils en Israël. Les assassins islamistes étant considérés plus délicatement comme des «assaillants».
Enfin, et pour finir, on remarquera cet éditorial du Monde de samedi qui «au nom des valeurs républicaines et de l’intérêt national» recommandait de ne voter ni Le Pen ni Zemmour. On notera surtout que le même journal se gardait bien, au nom des mêmes valeurs, de mettre symétriquement en garde contre un éventuel extrémisme du candidat pro-castriste Mélenchon. Difficile de ne pas constater ici l’esprit d’asymétrie et le tropisme idéologique d’un journal de gauche, jadis modéré, mais incarnant parfaitement un certain extrémisme médiatique contemporain éloigné du peuple.
Déjà, avec la même cohérence idéologique, Le Monde avait publié vainement un éditorial soutenant Jeremy Corbyn contre un Boris Johnson taxé de populiste. Le favori du Monde fut sèchement battu. M. Mélenchon mit étrangement cette défaite sur le dos du Grand rabbin d’Angleterre. Quelques semaines plus tard, le poulain anglais du Monde et de M. Mélenchon réunis fut mis au ban de son parti travailliste pour cause d’antisémitisme virulent.
Dimanche, le «populiste» Johnson était à Kiev, aux côtés de Zelensky, pour lui apporter aide économique et armement. Allez vous étonner ensuite qu’une certaine presse n’imprime plus comme avant.