C’est le temple parisien du politiquement correct. Chaque année, la cérémonie des César offre l’opportunité à une petite caste de privilégiés de faire étalage de sa vertu progressiste. On garde encore en mémoire les sketchs d’Adèle Haenel et Aïssa Maïga qui, chacune dans son genre, avaient marqué l’édition 2020. Sans atteindre ces sommets de militantisme woke, on peut dire que la cérémonie 2024 n’a pas démérité. Outre la dénonciation des violences faites aux femmes qui aura servi de fil rouge avec, en point d’orgue, le discours larmoyant de Judith Godrèche, le soutien à Gaza a été l’autre figure imposée de la soirée. Ils ont été trois à s’y essayer.
Première à se lancer, la lauréate du prix du meilleur court-métrage, Gala Hernandez, a exhorté la France à « s’engager concrètement dans des situations telles que celle vécue par le peuple palestinien aujourd’hui ». Arieh Worthalter, sacré Meilleur acteur, lui a rapidement emboîté le pas, lançant à son tour un appel à un cessez-le-feu à Gaza, « parce que la vie le demande ». Mais la palme revient à une certaine Kaouther Ben Hania, de loin la plus vindicative sur le sujet. « Dire aujourd’hui « Arrêtez de tuer des enfants » devient une revendication radicale. C’est complètement hallucinant, s’indigna-t-elle devant une salle conquise. On ne va pas se taire. On ne va pas se faire intimider. Il faut que le massacre cesse. Il faut que l’on utilise notre notoriété parce que ce qui arrive là-bas est tellement horrible. Personne ne pouvait dire « je ne savais pas ». C’est le premier massacre en livestream, en direct sur nos téléphones. Nous le savons et il faut que ça s’arrête. »
La réalisatrice tunisienne semble l’ignorer, mais d’autres guerres se déroulent en « livestream ». Si elle le souhaite, elle peut suivre en direct les horreurs commises dans le Haut-Karabagh, le massacre des chrétiens au Nigéria, ou encore les attaques de civils par des migrants comoriens à Mayotte. Mais, allez savoir pourquoi, ces massacres-là n’indignent pas la scénariste. Comme toujours avec une certaine frange de la population, les conflits ne sont bons à dénoncer que lorsqu’il y a des Juifs à inculper.
L’invisibilisation de la souffrance juive
Le discours convenu et tristement consensuel de Kaouther Ben Hania s’inscrit en réalité dans une vaste entreprise d’inversion du récit médiatique. On dirait que tout est fait pour effacer des mémoires le pogrom du 7 octobre. À aucun moment, cet événement historique – qui est la cause des affrontements actuels à Gaza – n’aura été évoqué lors de la cérémonie. Pas une seule fois au cours de cette soirée pourtant largement dédiée à la lutte contre les violences sexuelles il n’aura été fait mention des sévices infligés aux femmes israéliennes par les terroristes islamistes. Le mot « massacre » lui-même a été récupéré et ne sert plus désormais qu’à décrire le sort des Palestiniens. Par ce tour de passe-passe, les victimes juives sont invisibilisées et la responsabilité du Hamas est occultée.
Comme pour parachever l’obscénité de la séquence, il avait été décidé de décerner un César d’honneur à Agnès Jaoui. Elle dont certains proches ont été tués et pris en otages le 7 octobre par le Hamas a ainsi du attendre la fin du laïus anti-Israël de la scénariste tunisienne pour pouvoir récupérer son prix. Mais contrairement à ses confrères, la réalisatrice française n’a pas profité de sa montée sur scène pour évoquer son cas personnel, ni pour partager ses états d’âme. Sans doute savait elle que cette souffrance n’émouvrait que modérément les artistes en présence.