FIGAROVOX/TRIBUNE – Céline Pina évoque l’affaire Mohamed Tataï, du nom d’un imam toulousain appelant au meurtre des Juifs. Elle dénonce la passivité du gouvernement et des pouvoirs publics.
Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en 2015 le salon de «la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publié Silence Coupable (éd. Kero, 2016). Avec Fatiha Boutjalhat, elle est la fondatrice de Viv(r)e la République, mouvement citoyen laïque et républicain appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l’indispensable universalité de nos valeurs républicaines.
Vous ne connaissez sans doute pas Mohamed Tataï, imam de la grande mosquée de Toulouse pour qui l’appel au meurtre des Juifs au nom de l’Islam fait partie intégrante du respect des commandements divins. Pour ces faits, il est aujourd’hui au cœur d’une affaire qui illustre non seulement l’incapacité de l’État à réagir face aux manipulations des islamistes, mais témoigne de la dangereuse tentation de laisser des communautés auto-instituées juger leurs ressortissants comme s’ils vivaient sous d’autres lois que les nôtres, y compris sur le sol de France. Alors que violences antisémites et provocations islamistes ne connaissent guère de bornes (assassinat de Sarah Halimi, meurtre de Mireille Knoll, déménagements massifs des Français de confession juive de l’Est vers l’Ouest parisien, les cris de «mort aux Juifs» devenant un passage obligé de toute manifestation pro-palestinienne, Médine programmé au Bataclan venant s’essuyer les pieds dans le sang des victimes de l’idéologie qu’il défend…), c’est à Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, qu’a été confiée la gestion de la crise et le seul ministre qui s’est exprimé sur l’histoire est le ministre algérien des affaires religieuses. Notre ministre de l’Intérieur, lui, se tait et ne remet pas en place l’ingérence étrangère. Cherchez l’erreur.
L’habituelle tolérance pour des prêcheurs de haine
Pourtant, le maire de Toulouse, lui, avait réagi. Suite à la diffusion par l’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient (MEMRI) d’un prêche ouvertement haineux et antisémite, il a officiellement saisi le Préfet. S’il faut se réjouir que l’édile ait pris ses responsabilités, on peut s’interroger sur une prise de conscience si tardive qu’elle intervient alors que l’influence de cet imam est devenue telle qu’elle gêne considérablement notre gouvernement et entraîne l’immixtion d’un pouvoir étranger dans une affaire française: celui de l’Algérie. Car si la vidéo de MEMRI est très embarrassante et fait tellement scandale que le maire ne peut s’en laver les mains, ignorer que Mohamed Tataï est un imam radicalisé diffusant une idéologie demandait quand même une vraie capacité à l’aveuglement sur une longue durée.
Déjà, le fait que tous les prêches soient prononcés en arabe eût pu attirer l’attention. Rien de tel pour diffuser l’idéologie islamiste que de tenir des discours bénins aux autorités françaises dans leur langue et de se livrer à des réquisitoires enflammés à la mosquée. Le procédé est simple, voire simpliste, connu et reconnu, mais puisqu’il fonctionne, les imams radicalisés auraient tort de s’en priver.
Selon l’enquête que lui a consacré Marianne, via l’article d’Hadrien Marthoux et celle de Mohamed Sifaoui, l’imam en question est coutumier du prêche haineux et il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que l’on a affaire à un individu dont toutes les références sont celles des islamistes, modèle frère musulman. Il aime citer Youssef Al-Qaradawi, le guide des frères musulmans, un dangereux idéologue, antisémite, sexiste et homophobe qui estime que le seul dialogue possible avec les Juifs passe par «le sabre et le fusil», qu’il faut frapper les femmes si elles se montrent désobéissantes et qui appelle ouvertement à un jihad qui n’est en rien un effort de purification intérieure mais un appel au massacre de masse. La violence du langage et les appels à la haine de cet imam ne sont pas récents: hostilité envers la démocratie, réquisitoire contre l’occident et ses valeurs, haine de la France, victimisation des musulmans, ambiguïtés sur le jihad, antisémitisme…
Ces faits sont connus depuis bien longtemps et le double discours de l’imam est facile à démonter, et pourtant… Pourtant, alors qu’il vit à Toulouse depuis 1980, il refuse de s’exprimer en français, sauf rares exceptions. Il est à l’origine de la grande mosquée de Toulouse qui aurait été construite par les dons des fidèles. Tous les connaisseurs de l’économie de la construction des mosquées doivent pleurer de rire en entendant ce conte pour enfants. D’ailleurs, pour faire semblant de se soucier de crédibilité, l’Imam reconnaît quand même que quelques 300 000 euros ont pu être apportés par des États du Maghreb, Algérie et Koweït. Rien que le montage financier qui nous est ici raconté témoigne du mépris des islamistes pour notre intelligence et notre discernement. Mais comme nous accréditons n’importe quelle parole sans la soumettre au trébuchet de la raison et du contradictoire, la théorie du «plus c’est gros, plus ça passe» fonctionne.
Mais surtout, cette grande mosquée de Toulouse est le fief personnel de Mohamed Tatai. Elle a été pensée ainsi et a vocation à amplifier l’influence et la diffusion de la pensée des islamistes. Comme le souligne l’enquête de Marianne, tout ce qui concerne les informations disponibles sur la mosquée lui est relié: il a été mis en avant et honoré lors de l’inauguration qui a eu lieu à la fin du mois de juin de cette année, donc il y a seulement quelques jours. Sur la page web de la mosquée, l’adresse de contact est à son nom. Mohamed Tatai semble plus un émir, chargé de conquérir et d’organiser les musulmans de la ville rose au service de son idéologie, qu’un imam soucieux de spiritualité.
L’aveuglement récurrent de la classe politique
Et là on ne peut que s’interroger. Lors de l’inauguration de la Grande mosquée de Toulouse, voulue et portée par ce dangereux imam, étaient présents: le maire, le représentant du Préfet, la Présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Du beau linge, censé savoir à qui ils ont affaire et auxquels il n’a pu échapper que depuis 2015, le travail réalisé par les idéologues des frères musulmans, a favorisé passage à l’acte jihadiste, suscité des violences urbaines et alimenté des revendications de séparatisme sexuel, racial, religieux… À ce niveau de responsabilité, ils ne peuvent ignorer qui est Mohamed Tataï. Et pourtant les voilà, tous soumis, en train d’applaudir à l’inauguration d’une mosquée dont on vient d’avoir un aperçu des discours qui pourraient s’y tenir. Alors si on peut être gré au maire d’avoir effectué un signalement quand le pedigree de l’imam a fini par devenir public, les protections dont il a bénéficié auparavant posent question.
Hélas, si seulement nous en étions à nous interroger sur les déficiences et aveuglement constatés à l’échelon local mais que nous puissions compter sur l’État pour nous protéger, la situation ne serait pas aussi grave. Mais le silence du gouvernement sur cette affaire est le plus terrible des aveux. Ne sont-ils même plus capables de faire respecter notre souveraineté ou n’ont-ils aucune conscience de l’ampleur des enjeux? Ainsi le ministre algérien qui s’est ingéré dans nos affaires intérieures n’a même pas été remis en place. Serions-nous devenus incapables de nous respecter nous-mêmes en tant qu’État?
L’affaire de l’imam de Toulouse est en train de montrer que oui. Alors que l’appel au meurtre des Juifs, met en cause l’avenir de la République, comme le dit justement Sacha Ghozlan, président de l’Union des étudiants juifs de France, le silence du gouvernement peut être lu comme une façon de s’en laver les mains. D’ailleurs c’est effectivement ce qu’il a fait.
En confiant le soin à Dalil Boubakeur de juger en première instance des appels au meurtre envers les Français de confession juive, c’est notre protection en tant que citoyens qui nous est refusée à tous. On est même dans l’inversion des priorités. Pour ce gouvernement, les citoyens sont musulmans ou juifs avant d’être français et il faut des instances spéciales et communautarisées pour juger ce qui relève pourtant des lois de la République. D’ailleurs la réponse ne s’est pas fait attendre et elle est conforme à ce qui était attendu: déni, refus de prendre ses responsabilités, fausses excuses et mise en accusation… de la France.
Selon le recteur de la Mosquée de Paris, il s’agirait d’un problème de contextualisation: l’imam de Toulouse est le sel de la terre et il subit une injustice, les accusations d’antisémitisme et de haine de la démocratie sont balayées d’un revers de main. Pour le ministre algérien des Affaires religieuses, tout cela prouve bien que la France ne respecte pas l’Islam. Comme il ne peut le dire sans créer un incident diplomatique, il choisit la voie de l’hypocrisie et fait parvenir son avertissement en mettant en avant les médias occidentaux qu’il appelle à «cesser leur propagande au profit de tout ce qui porte atteinte à l’islam et à ses symboles, à travers ce type d’accusation» expliquant même que la mosquée de Toulouse était connue pour sa modération.
Quant au ministre de l’Intérieur, c’est encéphalogramme plat pour le moment. Il faut dire que la plus récente communication de notre gouvernement sur ce type de dossier augure mal d’une prise de responsabilités. Les premières annonces qui ont filtré sur l’organisation de l’Islam de France montrent le poids des frères musulmans dans le dispositif et l’importance de leurs entrées auprès de ce gouvernement. Pour les islamistes, ces premières annonces consacrent leur influence et leur nouveau pouvoir. Pour le gouvernement, il faut étouffer ce que sont réellement les nouveaux partenaires qu’ils légitiment. À ce titre, faire l’impasse sur l’affaire de Toulouse a un grand intérêt.
Le Préfet ayant saisi les tribunaux, on peut espérer que l’institution juridique nous protège encore quand les politiques nous abandonnent, mais il me revient en mémoire un échange avec une amie de confession juive qui envisageait de faire son alya. Alors que je m’étonnais car Israël est bien plus menacée que la France, elle me répondit: «Oui mais au moins mon gouvernement sera là pour moi, je ne serai plus seule.» Je crois qu’elle est partie, mais aujourd’hui c’est une majorité de citoyens français qui se sentent seuls et désemparés face aux choix de leurs représentants politiques.
Source www.lefigaro.fr