CEDH : d’un concept inventé aux jurisprudences insensées

CEDH : d’un concept inventé aux jurisprudences insensées

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Le 11 juin 2020, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour avoir violé la Liberté d’expression de militants du « Collectif Palestine 68 » qui appelaient au « Boycott désinvestissement Sanction » des produits israéliens à Mulhouse (en 2009). Les militants du collectif ont été considérés comme le faisant pour des raisons politiques. Dès lors, les juridictions françaises ne pouvaient les condamner, dans l’exercice de leur droit à l’expression, tel que prévu par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le problème soumis à la CEDH était donc celui de savoir si la revendication des boycotteurs était ou non légitime : dans l’affirmative, le boycott s’inscrivait dans la liberté d’expression. A défaut, il se serait agi de discrimination et d’incitation à la haine raciale. Or, comme le mouvement « collectif Palestine 1968 » a construit sa campagne anti-israélienne en se fondant sur l’avis de la Cour International de Justice du 9 juillet 2004 (sur « l’édification du mur sur le territoire palestinien occupé »), leur expression anti israélienne est devenue légitime.

La CEDH a donc, d’abord, rappelé les circonstances de la naissance du « Collectif Palestine 1968 », à savoir la lutte contre « l’édification du mur qu’Israël », que la « puissance occupante est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem Est, et le régime qui lui est associé », « contraires au droit international ». La CEDH a donc repris les termes du tract du Collectif, à savoir, qu’ils se sont « inspirés » de « la lutte des Sud Africains contre l’apartheid et dans l’esprit de la solidarité internationale, de la cohérence morale et de la résistance à l’injustice et à l’oppression », leur demande tendant à calquer, s’agissant d’Israël, les sanctions imposées à l’Afrique du Sud. Ils sont même réputés avoir appelé « les Israéliens scrupuleux à soutenir cet appel dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix ». En somme, le Collectif est réputé avoir demandé à Israël, qu’il honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination, qu’il se conforme aux préceptes du droit international «en mettant fin à l’occupation, et à la colonisation », qu’il reconnaisse « les droits fondamentaux des citoyens arabo‑palestiniens d’Israël à une complète égalité » et qu’il respecte, protège et favorise les droits des réfugiés palestiniens à recouvrer leurs maisons et leurs biens comme le stipule la Résolution 194 de l’ONU.

Présenté ainsi, l’appel au boycott des produits israéliens semble légitime : si le monde est parvenu à faire plier l’Afrique du Sud par son boycott, il doit en être de même avec Israël, dès lors qu’il viole le Droit international et qu’il occupe illégalement le territoire d’un autre.

Une fois encore, le problème d’Israël résulte de l’invention du concept de « territoires palestiniens occupés », devenu un principe de Droit international, sur lequel se fondent le tribunaux. Les décisions sont absurdes, mais juridiquement fondées puisque assises sur un texte de Droit « inventé ». Comme le « Collectif Palestine 68 » s’est constitué pour défendre une décision de la CIJ de 2004, il ne fait qu’agir, conformément à un droit démocratique, et, partant, ne saurait être condamné en exerçant un droit légitime.

Pour mémoire, la résolution 59/292 de l’AG de l’Onu du 6 mai 2004, a fait de la Cisjordanie le « territoire palestinien occupé depuis 1967 » (en ce compris Jérusalem Est), alors qu’il s’agit d’un concept juridique inventé, aux antipodes de la réalité juridique. Il est, néanmoins, devenu une source du Droit international alors même qu’Israël n’occupe pas un centimètre carré de la Cisjordanie.

La résolution de 2004 a fait d’Israël un occupant de la Cisjordanie, alors même que se sont les accords israélo palestiniens de paix d’Oslo qui ont fondé sa présence en Cisjordanie : ils ont prévu une présence militaire israélienne en Cisjordanie, découpé le territoire cisjordanien en 3 zones, et réservé à Israël la zone C (60 % du territoire) sur lequel il dispose de l’intégralité des prérogatives militaires et administratives. En aucun cas, il ne s’agit d’une occupation.

Ce n’est pas sans rappeler ceux qui ont décrété que la terre était plate et qu’il fallait tuer tous ceux qui soutiennent le contraire, ou encore que les Juifs devaient porter une étoile jaune, sous peine de sanction. Bien qu’il s’agisse de textes insensés, les tribunaux seraient obliger d’appliquer la règle de droit nouvelle pour fonder leur décision.

C’est exactement ce qu’à fait la Cour Internationale de Justice le 9 juillet 2004 lorsqu’elle a rendu son avis « sur la construction, par Israël, de la clôture de séparation ». Bien qu’il s’agisse d’un simple avis, suite de la résolution de l’AG de l’Onu du 6 mai 2004, la Cour a posé : « L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international ». Il suffisait donc, pour le « Collectif Palestine 68 » de s’appuyer sur ces principes présentés comme étant « juridiques » pour se procurer une légitimité, bien qu’il n’en soit rien : il n’y a jamais eu de « territoires palestiniens », et encore moins de « territoires palestiniens ocupés ». La présence israélienne est parfaitement légitime dès lors que les accords internationaux de paix en ont décidé ainsi. L’Onu s’est arrogée un rôle de législateur, en violant les règles de droit international.

Pire, les juridictions ont repris ce concept faux comme s’il s’agissait d’un principe acquis. Ainsi la Cour d’appel de Colmar (qui a pourtant infirmé la décision du Tribunal correctionnel de Mulhouse du 15 décembre 2011 relaxant les boycotteurs) a mentionné dans l’un de ses attendus «  Attendu qu’au titre de l’état de nécessité il est prétendu qu’il existe une disproportion entre le fait que les consommateurs ont été trompés sur l’origine des biens étiquetés comme provenant d’Israël alors qu’ils pouvaient en réalité avoir été produits dans les territoires occupés par l’État d’Israël »… Le concept mensonger de « territoires occupés» devient ainsi, une vérité.

De même, la Cour de Cassation qui a, le 20 octobre 2015, rejeté les pourvois formé par les boycotteurs, a indiqué que « l’exercice de la liberté d’expression, proclamée par l’article 10 de la Convention, pouvait être, en application du second alinéa de ce texte, soumis à des restrictions ou sanctions constituant, comme en l’espèce, des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui ». Implicitement, elle a admis qu’Israël occupait des territoires mais que la liberté d’expression pouvait être limitée.

La CEDH a donc sanctionné les juridictions françaises en invoquant « la liberté d’expression comme corollaire de la société démocratique », et « le droit d’appeler au boycott comme une modalité de la liberté d’expression ».

Si l’Onu n’avait pas faussement posé, en 2004, que la Cisjordanie était un « territoire palestinien occupé », la CIJ n’aurait jamais pu rendre un avis, 2 mois plus tard, fondé sur ce concept faux, et le Collectif Palestine 68 » n’aurait pu l’invoquer pour s’inventer une légitimité. De même, les juridictions de l’ordre judiciaire ne pourraient s’en approprier la thèse. En posant un principe faux, l’Onu a dévoyé le Droit international et, partant, égaré la CEDH. C’est bien navrant.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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