L’invention de la cause palestinienne par Bernard Botturi, titulaire d’un DEA de philosophie, d’un DEA de psychologie et sciences de l’éducation, d’un DEA d’histoire de l’antiquité, et d’un DESS de psychologie clinique et pathologique.
Il est l’auteur d’une traduction du Tao Tö King (le livre de la tradition du Tao et de sa sagesse), aux éditions du Cerf 1984, réédité en 1997.
Depuis les défaites arabes des guerres 1948/49, la cause palestinienne avait été définitivement enterrée et cela pour plusieurs raisons, parmi celles nous en citerons deux principales :
• ses leaders tels Hajj Amin al-Husseini étaient décriés à cause de leurs collaborations notoires avec le nazisme.
• La cause palestinienne était une menace séparatiste qui aurait pu contaminer les différents pays arabophones.
La « cause » reçut son acte de décès par l’annexion de la Cisjordanie à la Jordanie et de la Bande de Gaza à l’Égypte et surtout par la relégation des réfugiés dans des camps sordides ne vivant que par l’aide de l’ONU. Les Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés étaient dépourvus de tous droits, victimes de ségrégations multiples : interdictions professionnelles, interdictions de construire en dur, liberté de déplacement en dehors des camps plus que réduite, etc.
Depuis son accession au pouvoir en 1952, Nasser était bien plus préoccupé à construire un panarabisme politique que de s’occuper des Palestiniens qui n’étaient que des figurants de 13° zone fournissant des troupes supplétives pour mener des coups de mains sur la frontière israélienne sans pouvoir être inquiété. Mais aussi groupes incontrôlés et incontrôlables menaçant l’armistice de 1957.
Puis à partir des années 1960 le leader des pays non-alignés, du Tiers Monde va essuyer plusieurs revers :
• Échec de la République Arabe Unie qui profite à l’Irak.
• Hostilité de l’Arabie Saoudite qui n’a guère appréciée l’inclusion du Yémen au sein de la RAU.
• Méfiance de la Jordanie qui voyait dans la RAU une menace.
• Lutte de leadership avec Bourguiba qui apparaît plus sage.
À l’intérieur :
• Échec de la réforme agraire.
• Échec des diverses politiques d’industrialisation.
• Montée d’une bureaucratie corrompue.
• Croissance de l’influence des Frères Musulmans qui récupèrent à leur profit le mécontentement populaire….
• Nasser s’il veut garder sa place tant de champion du panarabisme et de leader du tiers monde se doit de se refaire une notoriété.
Cette dislocation du panarabisme ruinait le rêve de Nasser à être le leader des pays arabes, lui donnant par cela une légitimité pour être le leader du tiers monde. Face à cet effondrement du panarabisme, Nasser et ses conseillers se sont rappelés que l’antisionisme avait permis après les défaites de 1948 / 49 de masquer les divergences d’intérêts des divers pays arabes.
Certes mais comment rendre acceptable l’antisionisme ?
L’Europe garde en travers de la gorge la nationalisation du canal de Suez, est globalement pro-israélienne, depuis la Shoah est très susceptible envers toute hostilité antisémite, la Gauche sociale-démocrate voyait dans les kibboutzim l’utopie socialiste réalisée tout en respectant la démocratie, contrairement à l’aventure soviétique dont les crimes staliniens révélés par Kroutchev commençait à perdre du prestige. Enfin le petit Israël apparaissait comme le David qui avait su résister à une coalition de six pays supérieurement équipés lors de sa création. Israël, globalement, bénéficiait d’une image positive…. Dans ce contexte, il semblait périlleux de refonder le panarabisme et le leadership du tiers Monde à partir de l’antisionisme.
Dans ce contexte, Nasser sut se tourner vers des conseillers techniques spécialistes en matière de propagande : ex-nazis et soviétiques spécialistes les uns comme les autres en matière de subversion.
Les différents travaux avaient pour but premier de séparer Israël de ses soutiens naturels : la Gauche sociale démocrate et les Libéraux américains (nous excluons de la Gauche le PCF qui était et restera profondément stalinien). La Gauche était dans le combat de la décolonisation, l’émancipation des peuples, la lutte anti-impérialiste et néo-colonialiste.
C’est ainsi que Nasser va créer de toute pièce la cause palestinienne, mais une cause où bien sur les Palestiniens seront absents : le premier Congrès National Palestinien se tient le 28 mai 1964, à Jérusalem, ses membres sont soit des délégués de la Ligue Arabe, soit des Palestiniens complètement inféodés à l’Égypte, à la Syrie, à la Jordanie, ne siégeront aucun représentants des camps… Ce premier congrès valide la proposition de création de l’OLP proposée par l’Egypte lors du sommet de la Ligue Arabe qui s’est tenu au Caire en janvier 1964.
Pendant les débats la Cause Palestinienne est présentée par deux fidèles de Nasser : Yasser Arafat et Ahmad al Choukheiri / Shuqayri, deux « Palestiniens » bon teint qui se garderont bien d’évoquer de quelque manière que ce soit un Etat palestinien, le sort des réfugiés et toute allusion quelconque qui ferait planer quelque velléité de séparatisme.
La Charte Nationale de l’OLP est rédigée en juin 1964, elle sera reconnue puis officialisée lors de la conférence de la Ligue arabe d’Alexandrie en septembre 1964.
Ce n’est pas un hasard si le nouveau discours antisioniste s’ancre dans la cause palestinienne. Les Palestiniens offraient toutes les caractéristiques pour élaborer un discours délégitimant Israël : un peuple de réfugiés, de pauvres subsistant de la charité internationale via l’UNWRA. Bien évidemment, le discours de la Cause jettera un voile pudique sur les raisons de la relégation des Palestiniens, l’opinion publique – c’est bien connu – est peu soucieuse d’Histoire et est facilement malléable par les chocs émotionnels, de ce qui relève de l’affectif.
Examinons maintenant le texte de la Charte de l’OLP :
1 / L’invention du Peuple Palestinien :
Dans un premier temps la charte va inventer la notion de Peuple palestinien, alors que jusqu’à maintenant il était parlé d’Arabes vivant en Palestine, arabes aux origines diverses : syrienne, libanaise, bédouine, égyptienne, soudanaise, libyenne auxquels nous pouvons rajouter divers minorités turques, circaucasiennes, arméniennes, kurdes, druzes, berbères, grecque, maltaise, chypriote, etc. Rappelons que les divers mouvements arabes de la Palestine n’avaient pu trouver d’unité, car ils se définissaient avant tout soit comme syriens, soit comme égyptiens, soit comme bédouins mais pas comme palestiniens, seuls jusqu’en 1947 les Juifs se disaient palestiniens… Humour de l’histoire.
Donc la Charte va commencer par établir, définir le Peuple palestinien et la Palestine dans les sept premiers de ses articles :
– La Palestine est le territoire du mandat britannique et « constitue une unité territoriale indivisible ».
– « Le peuple arabe palestinien détient le droit légal sur sa patrie et déterminera son destin après avoir réussi à libérer son pays en accord avec ses vœux, de son propre gré et selon sa seule volonté. »
– L’identité palestinienne constitue une caractéristique authentique, essentielle et intrinsèque : elle est transmise des parents aux enfants.
– Le peuple palestinien désigne « les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’en 1947 », « l’identité palestinienne est une caractéristique authentique, intrinsèque et perpétuelle » et « seul le peuple palestinien a des droits légitimes sur sa patrie”.
Il est à noter que ces premières définitions sont immédiatement temporisées par :
elle (La Palestine) constitue une partie inséparable de la patrie arabe.
Le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe.
Qui permet d’étouffer à l’avance tout nationalisme particulier, ce qui est en jeu c’est la nation arabe, le peuple arabe que les Palestiniens ne se méprennent pas ! Nasser ne tient pas à ce que se répète le particularisme libanais.
Cela dit, l’article 7 va sortir de son chapeau une historicisation de la Palestine :
L’existence d’une communauté palestinienne, qui a des liens d’ordre matériel, spirituel et historique avec la Palestine, constitue une donnée indiscutable. Tous les moyens d’information et d’éducation doivent être employés pour faire connaître à chaque Palestinien son pays de la manière la plus approfondie, tant matériellement que spirituellement
Nous pouvons apprécier l’expression de « donnée indiscutable » qui est pour le moins contestable pour quiconque s’est penché sur l’histoire. Cet article avec les précédents seront la base de toute une propagande inventant la Palestine et le Peuple Palestinien.
2/ La victimisation du peuple Palestinien !
L’occupation sioniste et la dispersion du peuple arabe palestinien, par suite des malheurs qui l’ont frappé, ne lui font pas perdre son identité palestinienne, ni son appartenance à la communauté palestinienne, ni ne peuvent les effacer
Les Palestiniens sont les citoyens arabes qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’en 1947, qu’ils en aient été expulsés par la suite ou qu’ils y soient restés
Les palestiniens sont frappés par le malheur de l’invasion sioniste, un peuple d’expulsés, de dispersés. Il est remarquable de souligner comment les attributs du peuple Juif sont repris, le texte reprend en miroir l’expulsion de la Judée romaine et la dispersion diasporique. Attributs qui ne peuvent qu’apitoyer les chaumières.
3 / La disqualification du sionisme :
L’entreprise sioniste est vue sous l’angle d’une vaste opération d’invasion et d’expulsion et va être accablé de tous les maux de la terre notamment par l’article 22 : « Le sionisme est un mouvement politique, organiquement lié à l’impérialisme mondial et opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde. Le sionisme est par nature fanatique et raciste. Ses objectifs sont agressifs, expansionnistes et coloniaux. Ses méthodes sont celles des fascistes et des nazis. Israël est l’instrument du mouvement sioniste. C’est une base géographique et humaine de l’impérialisme mondial qui, de ce tremplin, peut porter des coups à la nation arabe pour combattre ses aspirations à la libération, à l’unité et au progrès. Israël est une menace permanente pour la paix au Proche Orient et dans le monde entier. »
Nous voyons ici se dessiner ce qui deviendra la vulgate de la Cause palestinienne qui, depuis, ne changera pas d’un iota comme nous avons pu le constater lors des manifestations pro-palestiniennes récentes clamant haut et fort « Israël=nazisme », « Israël, état raciste », « halte à la colonisation sioniste » et autres lieux communs… dans la logique du nazisme supposé du sionisme ce sont rajouté des slogans du genre « Tsahal= génocidaire » ou « Gaza= Auschwitz », quitte à faire dans la subversion allons jusqu’au bout de sa folie.
Dans cette logique de propagande le sionisme va être ravalé au rang de force obscurantiste et ainsi qualifié de « fanatique » et « opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde ». À cela se rajoute la menace quasi apocalyptique du sionisme, « menace permanente pour la paix dans le monde »…. Israël petit Etat ne pouvait sérieusement apparaître comme La menace, aussi ce dernier ne va-t-il devenir qu’un instrument du sionisme « mondial », le terme de mondial n’est pas exprimé mais sous entendu par le fait que le sionisme est identifié à l’impérialisme… nous ne sommes pas loin des « Protocoles des Sages de Sion » qui seront repris par la charte du Hamas.
Et cela est doublé par un appel vibrant à la disparition du sionisme : « Les aspirations à la sécurité et à la paix, de même que les exigences de vérité et de justice, réclament que tous les Etats considèrent le sionisme comme un mouvement illégal, le déclarent hors la loi, et interdisent ses activités afin de préserver les relations amicales entre les peuples et de sauvegarder la fidélité des citoyens envers leurs patries respectives » (cf. art.23).
Discours curieux, faisant du sionisme un ennemi de la paix, de la sécurité, de la vérité, de la justice, donc un mouvement belliciste, agressif, menteur, inique… nous retrouvons là les accusations classiques de l’antijudaïsme… pire le sionisme est stigmatisé comme portant atteinte à l’amitié entre les peuples, et agissant de façon occulte pour détourner les citoyens des états pour en faire des agents du sionisme… Nous pointons ici en filigrane la théorie du complot juif… mais énoncé de telle manière que les lecteurs hâtifs n’y voient que du feu… Pourtant cette théorie fleurit maintenant un peu partout, même en France un « humoriste » a fondé un parti « antisioniste »… nous pouvons nous demander si la ré-émergence du complot sioniste aurait pu s’exprimer sans le poison savamment distillé par les discours de la Cause palestinienne ?
4 / Dissocier le sionisme du judaïsme :
Les porte paroles historiques des arabes palestiniens (Hadj Amine el-Husseini ou Ahmad Choukeiry) s’étaient fait connaître par leurs sympathies pro-nazies et un anti-judaïsme virulent qui les avaient disqualifiés aux yeux de l’opinion occidentale ; la question demeurait comment légitimer la lutte contre Israël sans apparaître anti-juifs ? Tout simplement en créant un nouvel argument dissociant judaïsme et sionisme : « L’affirmation selon laquelle des liens historiques ou spirituels unissent les Juifs à la Palestine n’est pas conforme aux faits historiques et ne répond pas aux conditions requises pour constituer un Etat. Le judaïsme est une religion révélée. Ce n’est pas une nationalité particulière. Les Juifs ne forment pas un peuple avec son identité distincte, mais sont citoyens des Etats auxquels ils appartiennent ».
Cet argument permet de pouvoir se dire farouchement antisioniste tout en se défendant de faire de l’anti-judaïsme, car il va de soi dorénavant judaïsme et sionisme non seulement sont différents, mais opposés. Tour de passe-passe consistant à définir le Judaïsme et le Sionisme à la place des Juifs, tout en se dédouanant à moindre frais de tout anti-judaïsme auprès d’une opinion occidentale très susceptible depuis la Shoah…
5 / La dé-légitimation d’Israël :
Israël étant mis du côté des impérialistes, colonialistes, des forces d’oppressions il est tout naturel de proclamer :
• Article 19 : Le partage de la Palestine en 1947 et l’établissement de l’État d’Israël sont entièrement illégaux, quel que soit le temps écoulé depuis lors, parce qu’ils sont contraires à la volonté du peuple palestinien et à son droit naturel sur sa patrie et en contradiction avec les principes contenus dans la charte des Nations unies, particulièrement en ce qui concerne le droit à l’autodétermination.
• Article 20 : La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle sont nuls et non avenus. Les prétentions fondées sur les liens historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et avec une juste conception des éléments constitutifs d’un État. Le judaïsme, étant une religion, ne saurait constituer une nationalité indépendante. De même, les Juifs ne forment pas une nation unique dotée d’une identité propre, mais ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent.
• Article 21 : S’exprimant par révolution armée palestinienne, le peuple arabe palestinien rejette toute solution de remplacement à la libération intégrale de la Palestine et toute proposition visant à la liquidation du problème palestinien ou à son internationalisation.
Il est curieux que ces articles à l’époque n’aient point soulevés de vives protestations au sein de l’ONU, car s’il existe un pays fondé par le droit international c’est bien Israël, rappelons les deux étapes clés :
– Sous les auspices de la SDN, la Conférence de San Remo en avril 1920, dans l’article 22, reconnaît la création d’un « Home national » pour le peuple juif. Article 22 qui sera repris dans les articles 94 & 95 du traité de paix dit traité de Sèvres le 10 août 1920. Où il est dit : « le mandataire (GB) sera responsable de la mise en exécution de la déclaration originale faite le 2 novembre 1917 (Déclaration Balfour) par le gouvernement britannique et adoptée par autres puissances alliées, en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, étant bien entendu que rien ne sera fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non-juives en Palestine »
Puis le 29 novembre 1947, l’ONU vote la résolution 181 partageant la Palestine mandataire, permettant la création de l’Etat d’Israël qui devient membre officiel de l’ONU le 11 mai 1949.
Notons au passage comment la Ligue Arabe, puis l’OCI qui n’arrêtent point de crier « Israël pays voyou » au prétexte qu’Israël n’applique point les diverses résolutions de l’ONU depuis 1967, sont les premiers à enfreindre le droit international par leur refus entêté des décisions de la SDN puis de l’ONU légitimant à la fois le sionisme et Israël.
6/ Légitimer le terrorisme :
Israël pays néo-colonialiste, agent de l’impérialisme devient tout naturellement un ennemi que l’on peut combattre de façon juste, puisque combattre Israël c’est libérer un peuple opprimé qui a droit comme tous les autres à l’autodétermination et à la souveraineté sur son sol dont il a été injustement dépouillé.
Les Palestiniens étant trop faible sont habilités à pratiquer le terrorisme, « arme des pauvres opprimés » (c’est bien connu, ben voyons… Gandhi n’y avait pas pensé, tiens !) :
• Article 9 : La lutte armée est la seule voie menant à la libération de la Palestine. Il s’agit donc d’une stratégie d’ensemble et non d’une simple phase tactique. Le peuple arabe palestinien affirme sa détermination absolue et sa ferme résolution de poursuivre la lutte armée et de préparer une révolution populaire afin de libérer son pays et d’y revenir. Il affirme également son droit à avoir une vie normale en Palestine, ainsi que son droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur ce pays.
• Article 10 : L’action des commandos constitue le centre de la guerre de libération populaire palestinienne, ce qui exige d’en élever le degré, d’en élargir l’action et de mobiliser tout le potentiel palestinien en hommes et en connaissances, en l’organisant et en l’entraînant dans la révolution palestinienne armée. Cela suppose aussi la réalisation de l’unité en vue de la lutte nationale parmi les divers groupements du peuple palestinien, ainsi qu’entre le peuple palestinien et les masses arabes afin d’assurer la continuation de la révolution, son progrès et sa victoire.
Tous ces discours incendiaires ne seront malheureusement pas pris en considération par l’opinion occidentale qui nourrissait envers les pays arabes des sentiments oscillant entre le mépris plus ou moins raciste et la condescendance bienveillante….
7 / Un discours refondant le panarabisme :
La Palestine est trop petite pour mener à bien son « juste » combat, aussi devient-il légitime de la soutenir et de combattre à ses côtés. Les articles 12 à 15 vont étroitement lier la Cause palestinienne à la cause pan-arabe en général.
L’article 13 proclame que “l’unité arabe et la libération de la Palestine sont deux objectifs complémentaires. Chacun d’eux conduit à la réalisation de l’autre. L’unité arabe mènera à la Libération de la Palestine, et la libération de la Palestine conduira à l’unité arabe. Œuvrer en faveur de l’une revient à agir pour la réalisation des deux. »
L’article 14 : « Le destin de la nation arabe, et à vrai dire l’existence même des arabes, dépend du destin de la cause palestinienne. »
L’article 15 : « La libération de la Palestine est une obligation nationale pour les arabes »
Ces divers articles, par delà leur côté surprenant, car on ne voit guère le lien qui pourrait exister entre le destin de la Palestine et celui du monde arabe, préfigurent de ce qui va devenir effectivement un des fondamentaux du panarabisme, puis plus tard du panislamisme. Ce lien entre la libération du monde arabe et celui de la Palestine ce discours ne situe-t-il pas l’ensemble du monde arabe dans une position d’opprimé ? Et donc légitime tous les conflits et refus.
8 / Un discours séduisant
La vision flamboyante d’un combat quasi cosmique, entre d’une part les forces de libération, de progrès, de justice et de paix, représentées par la Cause palestinienne, puis d’autre part les forces fanatiques et racistes de l’impérialisme mondial expansionniste et colonialiste, va servir de tremplin à toute une propagande internationale, notamment auprès des diverses opinions de gauche, d’abord dans les milieux de l’extrême gauche anti-impérialiste, puis dans les milieux tiers-mondiste sensibles aux nouvelles formes de néo-colonialisme, enfin dans une gauche traditionnelle auprès de laquelle la Cause palestinienne s’est présentée comme résistance de progrès face au colonialisme, au racisme et au fanatisme qui bien entendu sont fascistes et nazis.
Propagande qui a réussi à séparer Israël, état de nature sociale-démocrate depuis le Bund, des gauches traditionnelles de l’Europe. Propagande qui braque le regard des progressistes sur la seule condition faite par Israël aux Palestiniens, en grossissant la moindre bavure, tout en négligeant une approche globale de la condition des réfugiés palestiniens, notamment dans les pays arabes… les massacres de palestiniens commis par des arabes tels que ceux de Bordj et Barajneh, Tal el Zaatar, Dbayé, Tripoli, la Quarantaine, et récemment Nar El Bared ne mobiliseront guère les foules, voire ne seront étudiés et commentés que par les seuls spécialistes du conflit.
Ne parlons pas de la divine supercherie de Sabra et Chatila, qui à force d’intox a réussi à faire croire que le massacre est le fait de Tsahal. Répétons que la tragédie de Sabra et Chatila qui a fait 900 morts civils a été organisée par les phalanges arabo-chrétiennes du Liban. Le tort de Tsahal a été de ne pas garantir la sécurité du camp (tel que cela est prévu au titre de la IV° convention de Genève). Faute lourde qui a suscité une tempête d’indignation en Israël (400 000 manifestants), entraînant le limogeage du chef d’Etat major Raphaël Eytan, la démission du directeur des renseignements militaires, Yehoshua Saguy et du ministre de la défense Ariel Sharon. Tandis que du côté arabe les responsable directs n’ont jamais été inquiétés de quelque manière que ce soit, mieux, l’organisateur du massacre Elie Hobeika sera plusieurs fois ministre au sein de divers gouvernements libanais…
Mais pour les Arabes massacrer du Palestinien n’est pas grave…. ce ne sont que des faire-valoir.
9 / La subversion
Mais au-delà de tout cela le discours vise à miner les fondements du sionisme et décrédibiliser ses valeurs fondatrices. Rappelons que le sionisme historique de Ben-Gourion et Weizmann est fondamentalement démocratique et laïc, d’inspiration socialiste, voire marxiste dans certaines de ses composantes (Palma’h), que le sionisme s’inscrit dans le mouvement de l’émancipation des peuples et a toujours eu une aversion envers les différentes formes d’impérialisme ou de néo-colonialisme ; aversion dont feront les frais les Britanniques de la Palestine mandataire.
Le discours de la Charte fut et garde sa force de persuasion qui a réussi par la répétition de mensonges financés par le lobby des pays producteurs de pétrole à disqualifier le sionisme, à semer la culpabilité parmi les Juifs d’Israël et de la Diaspora, l’angoisse quant à une nouvelle Shoah…. Comportements qui inhibent les réactions, d’où un discours sioniste qui se jouent trop souvent sur les registres de la défense agressive ou de la justification.
Il est temps de redresser la tête, car l’un des objectifs de la Cause est, à défaut de remporter la victoire par les armes, de la remporter par la guerre des consciences.
Nous n’avons pas à nous justifier, ni à nous défendre sur un mode réactif…. Car à ce jeu nous sommes amenés à dire des mensonges pieux, des demi-vérités, des approximations historiques et on ne détruit pas un mensonge par un autre mensonge. Nous n’avons pas à rougir de notre histoire, car devant le tribunal de l’Histoire, c’est bien Nasser et son chien de garde Arafat qui ont des comptes à rendre.
Il est temps de nous affirmer calmement sans haine, ni émotions à partir des faits :
Ne nous y trompons pas la conversion à la cause palestinienne, les revirements de l’opinion, les reniements de nos soutiens naturels (les démocrates et socio-démocrates) ne sont pas solidement ancrés…. Nous avons davantage à faire avec une opinion de surface, de conformisme qu’à des convictions profondes (je mets bien sûr de côté les idéologues indécrottables de CAPJO, et autres gauchistes radicaux),
il suffit de s’affirmer calmement, de questionner, de désarçonner par des faits et nous pourrons rallier les « braves gens », les « honnêtes gens » qui D’ merci sont plus nombreux que les canailles et les naïfs thuriféraires de la Cause.
Bernard Botturi – blogs.mediapart.fr