JTA – La plus grande chaîne de montagne du Portugal, la Serra da Estrela, est célèbre pour ses cascades à couper le souffle, ses lacs turquoises, ses vallées et ses pistes cyclables dans les bois.
En hiver, des touristes du nord de l’Europe affluent vers la Serra ensoleillée, pour déguster ses vins exquis, son renommé fromage de chèvre, et ses plats régionaux exotiques (pensez sardines panées et potage de bœuf aux baies de Guenièvre).
En plus de ces délicatesses, la Serra da Estrela est récemment devenue, incontestablement, l’endroit idéal pour découvrir la nourriture cacher, ce qui est assez troublant pour une région qui ne compte qu’une cinquantaine de Juifs.
Au début du mois, l’un des plus anciens producteurs d’huile d’olive de la Serra da Estrea, la Casa Agricola Francisco Esteves, situé dans la ville de Manteigas, a lancé un nouveau label cacher, juste à temps pour ‘Hanoukka, la Fête des lumières, qui célèbre le miracle de la fiole d’huile.
Dans la ville voisine de Covilha, sur le côté sud, se trouve Braz Queijos, l’usine de fromage, qui a obtenu en 2003, un certificat de cacherouth pour la majorité de ses produits, une première dans le Portugal des temps modernes.
Cinq ans plus tôt, un vignoble de la même ville a produit le premier vin certifié cacher du Portugal depuis des siècles. Et en 2010, la ville de Belmonte a organisé un marché cacher annuel à l’occasion de Rosh HaShana, le Nouvel An juif.
La hausse de la production alimentaire cacher s’inscrit dans la prise de conscience grandissante par le Portugal de la richesse de son histoire juive. Il devait y avoir des centaines de milliers de Juifs qui vivaient au Portugal avant 1536, quand l’église portugaise et la cour royale se sont associées à la campagne d’expulsion espagnole, aux exécutions et aux conversions forcées, dans le phénomène que l’on appelle l’Inquisition.
La tendance à la cacherouth est un moyen de « se rattacher à notre passé », selon Jose Braz, le fromager, qui n’est pas juif.
Au niveau national, le Portugal et l’Espagne ont tous deux pris des mesures extraordinaires pour se faire pardonner de l’Inquisition.
En 2015 par exemple, les deux pays ont fait entrer en vigueur des lois adoptées deux ans auparavant, permettant à 5 000 descendants de Juifs sefarades d’obtenir les nationalités espagnole et portugaise. Ces mesures étaient une première mondiale, depuis qu’Israël a adopté sa propre Loi du Retour en 1952.
Cette rectification des erreurs de l’Histoire s’est également traduite par l’investissement de millions de dollars dans les sites juifs à Madrid et à Lisbonne.
Mais certains observateurs estiment que c’est également motivé par un désir de redynamiser les économies portugaise et espagnole (6,7 % de la population active portugaise en juin 2018 était au chômage).
« La Diaspora sépharade peut être considérée comme un vivier qui a la capacité de faire profiter les économies espagnole et portugaise, dans la mesure où ce vivier peut visiter, s’installer et investir », a expliqué Michael Freund, fondateur et président de Shavei Israel, une organisation à but non lucratif qui gère des programmes de sensibilisation pour les descendants de Juifs séfarades.
Les autorités des deux pays invoquent régulièrement le tourisme quand il s’agit de dépenser des fonds publics dans la restauration et la rénovation des sites juifs.
Par exemple, le Portugal a récemment investi 8,25 millions de dollars dans le projet Rotas de Sefarad, un réseau de routes à travers le pays qui met en lumière le patrimoine séfarade, et qui « devrait permettre de renforcer le tourisme », selon les propos de Celeste Amaro, la ministre de la Culture portugais au Journal do Centro.
Mais dans la région de la Serra da Estrela, où de nombreux non-juifs ont des racines juives, les gestes à l’égard du judaïsme sont davantage d’ordre personnel que les gestes de Lisbonne, selon le rabbin Elisha Salas, le représentant de Shavei Israel au Portugal, qui est basé à Belmonte.
La municipalité organise annuellement un marché de produits cachers, sous la supervision de Salas, qui assure que les produits mis en vente par les fermiers locaux, notamment du miel, des olives et du pains, sont conformes aux exigences de la Halakha, la loi juive.
« Je n’ai pas accès à leurs documents financiers, mais je ne pense pas qu’il y ait une demande si importante de produits cachers qui rendrait la certification rentable », a-t-il dit.
« Ce qui se passe ici à Belmonte, c’est que vous avez des usines et des entreprises dirigées par des personnes qui ont des racines juives, et qui cherchent à se rapprocher du judaïsme, au moins par le biais des produits qu’ils fabriquent. »
C’est peut-être vrai, mais les opérateurs des nouveaux commerces cachers semblent refuser de s’étendre sur ce lien.
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