Caricature de Macron : « On peut être stupide sans forcément être antisémite »

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Gilles-William Goldnadel revient sur la polémique suscitée par la caricature des Républicains à l’égard d’Emmanuel Macron. Il dénonce le « faux antiracisme » d’une certaine presse, qui semble particulièrement prompte à s’indigner lorsqu’il s’agit de s’opposer à la droite.

J’ai toujours pensé que l’antisémitisme rendait fou. Il est même fait pour cela. Les Juifs comme les autres. À l’heure antisioniste où l’insulte la plus répandue à leur endroit consiste à les traiter de «nazis», calme et sang-froid sont des qualités requises pour ne pas sombrer dans la paranoïa.

Je pense également aujourd’hui que l’antiracisme devenu fou a contribué à rendre névrotique la collectivité humaine, à commencer par sa société médiatique.

L’énième polémique autour de la question juive aura été alimentée par une caricature d’Emmanuel Macron postée sur le compte Twitter des Républicains. On voit l’ancien banquier et ministre des finances, un haut de forme sur le chef, un cigare dans la bouche taillé avec une faucille, et le nez proéminent.

D’aucuns ont cru devoir y dénoncer haut et fort des stéréotypes antisémites de triste mémoire, jusqu’à François Fillon lui-même qui s’est senti dans l’obligation de faire, une nouvelle fois, amende honorable.

C’est ainsi, notamment, que Le Monde, rarement en reste d’une condamnation de l’antisémitisme classique, réel ou imaginaire, lorsqu’il émane de la droite, a vu dans le dessin incriminé la reprise «des codes de l’iconographie antisémite».

Disons-le d’emblée : je n’aime pas cette caricature que les Républicains ont décidé de retirer de leur site après protestations, parce que je la trouve stupide et vulgaire. Je ne trouve pas critiquable d’avoir été banquier ou d’être lié aux milieux financiers. Et il ne me paraît pas au surplus que les Républicains ou leur chef soient les mieux placés pour donner des leçons d’indépendance à l’égard de la haute banque ou du grand patronat.

Mais une caricature n’est pas toujours intelligente, et elle n’est pas, par essence, juste et modérée. En outre, on a le droit d’être stupide sans être obligatoirement antisémite. Encore que ces deux improbables qualités ne soient pas forcément incompatibles.

La France est un pays latin de tradition catholique ou l’argent et la finance n’ont jamais eu bonne presse. La religion marxiste n’a pas amélioré leur image.

Depuis que l’affiche politique existe, les mouvements d’extrême gauche (parti communiste, Ligue communiste révolutionnaire, Lutte ouvrière) ont toujours abusé dans leurs codes iconographiques du chapeau haut-de-forme, du pantalon rayé et du cigare pour figurer le patron exploiteur ou le mercanti. On n’y avait vu aucune connotation antisémite obligatoire.

Jusqu’à notre président de la république encore en place, qui déclarait être «l’ennemi de la finance». D’aucuns y avaient décelé la marque de la démagogie et d’une certaine ineptie politique, mais pas à notre connaissance de la haine des juifs, associés pourtant depuis des lustres à cet objet de la détestation présidentielle.

Pardon d’entrer dans les détails, mais la folie des temps l’exige : le caricaturé Macron n’est pas juif, que je sache, et est doté d’un appendice nasal relativement proéminent qui peut faire le bonheur du caricaturiste, sans affecter outre mesure un physique que l’on s’accorde à trouver agréable.

Je n’ignore pas que l’on puisse faire de l’antisémitisme sans juif, mais on reconnaîtra que lorsque M. Mélenchon associe automatiquement Pierre Moscovici à la finance internationale, le soupçon d’antisémitisme est moins spéculatif.

Or même à l’Insoumis autoproclamé, j’accorderai le bénéfice du doute, s’agissant d’une volonté délibérée de flétrir les origines du commissaire européen, dans l’incapacité dans laquelle je me trouve et ne me veut placer d’explorer les méandres de son inconscient.

Mais revenons à nos caricatures. Un esprit chagrin aurait pu également trouver dans la caricature d’Éric Zemmour ornant la couverture de Libération du dimanche 12 octobre 2014, et le représentant avec un «type» sémitique quasi stéréotypé – oreilles basses et nez busqué – des relents de la presse antisémite de la grande époque. Mais je n’ai pas l’esprit chagrin, encore moins celui du procès d’intention.

Regardons davantage encore les caricatures consacrées à Emmanuel Macron: celle de Charlie hebdo numéro 1210: cigare-stylo Mont-Blanc dans la bouche. Celle de l‘Obs du 27 aout 2014: chapeau haut-de-forme, costume rayé, cigare fumant et très grand nez busqué. Aucune polémique sur un quelconque antisémitisme n’a été enregistrée, fort heureusement à mon avis.

Mais le plus farce est pour la fin: ainsi Le Monde a détecté dans la caricature des Républicains «les codes iconographiques de l’antisémitisme»

Plantu, dans le Monde

Manifestement, le journal vespéral était moins regardant à l’égard de son propre dessinateur Plantu, lorsque celui-ci, dans son édition du 28 aout 2014, faisait un sort caricaturalement cruel à M. Macron. Légende: « C’est bien toi qui avais dit « mon véritable adversaire c’est la finance? »» questionne François Hollande à son double qui lui répond : «Oui mais ça c’était avant». Dessin d’illustration: l’ancien ministre des finances, gros cigare à la bouche, nez proéminent, chapeau haut-de-forme, avec en prime, sur son épaule un Picsou à l’avarice aussi légendaire que celle que l’on prêtait sans barguigner à un certain peuple qualifié d’usurier.

Il ne semble donc pas qu’à l’époque, Le Monde avait vu dans cette caricature un code iconographique particulier.

J’aurais remercié le journal du soir de sa bienveillante sollicitude, si sa vigilance, à l’instar de la presse de gauche «antiraciste», n’était décidément particulière et sélective.

Plantu caricature antisémite

Et c’est exactement ici où le faux antiracisme devenu fou rend la société névrotique. Faux antiracisme qui, tandis qu’il instruit des procès d’intention auxquels les accusés ne peuvent pas répondre, ferme délibérément les yeux devant le racisme aveuglant d’un Mehdi Meklat qui regrette Adolf Hitler ou d’une jeune actrice orientale et césarisée qui qualifie le rap de «musique de sale naigre».

Sans doute parce que dans leur code de détection de l’antisémite et du racisme, ces racistes et ces antisémites- là ne sauraient être répertoriés. Sous peine d’être taxé de raciste ou islamophobe comme Georges Bensoussan.

Trahison du clergé antiraciste devenu aveugle à force d’avoir cherché une paille souvent imaginaire dans la meule détestée, et n’a pas voulu voir la poutre qui lui creva les yeux.

Ce faux antiracisme obsessionnel est aujourd’hui le vecteur principal du racisme authentique. Sa sollicitude est bien plus suspecte que la plus stupide des caricatures.

© Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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