Il est rare de disposer d’un testament rédigé par un Juif languedocien au Moyen-âge, ce qui fait tout le prix du document laissé par le carcassonnais Isaac Medici à l’orée du XIVe siècle. La rédaction de ce texte nous éclaire sur de nombreux points concernant les relations entre chrétiens et Juifs à cette époque.
Le testateur choisit d’être enterré dans le cimetière juif, et lègue une série de dons à ses enfants, mais aussi à la synagogue : ces deux faits conduit à supposer la présence d’une communauté locale assez importante. En dehors de ces clauses, le testament, sur lequel figurent quatre témoins juifs et deux chrétiens, ne se distingue pas dans sa forme de celui des chrétiens, ce qui tend à prouver que le même droit privé régissait les membres des deux religions.
D’une façon générale, les relations entre ces dernières paraissent caractérisées par une collaboration constante, surtout dans le domaine des affaires. Dans d’autres actes, on voit des chrétiens prêter sans complexe à d’autres chrétiens par l’intermédiaire des Juifs, afin de contourner l’interdiction par l’Eglise du prêt à intérêt !
Dans le même esprit, quand, en 1306, Philippe IV le Bel décida d’expulser les Juifs de son royaume pour confisquer leurs biens et rétablir ainsi ses finances, cette mesure concerna le Languedoc, mais non la Provence, terre d’Empire., Les descendants d’Abraham se réfugièrent alors de l’autre côté du Rhône, en laissant sur place toutes leurs propriétés. Il arriva toutefois que dans un ménage l’un des membres se convertisse au christianisme afin de pouvoir revenir en Languedoc récupérer une partie de la fortune commune.
Bien que ladite expulsion soit imminente, lorsqu’il rédige son acte notre testateur ne manifeste aucune inquiétude, ce qui contredit la représentation habituelle de Juifs humbles et effacés si bien que leur situation semble en général très supportable, malgré des variations dans le temps et des différences entre les régions. On voit comment un tel document permet de nuancer maintes idées préconçues.
Aubenas (R.), A propos du testament d’un juif carcassonnais de 1305, Carcassonne et sa région, CNRS, 1970.
Source www.ladepeche.fr