Le 8 mars dernier, journée internationale du droit des femmes, des militantes de collectifs juifs “No Silence” et “Nous vivrons” étaient venues porter la voix des Israéliennes victimes du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre dernier. Après avoir reçu l’accord des organisatrices de la manifestation, les collectifs souhaitaient que la marche se passe dans les meilleures conditions. “On était tellement fières de marcher avec l’ensemble de la communauté nationale. On voulait dénoncer les viols subis par les Israéliennes et appeler à la libération des 14 femmes encore otages du Hamas. Pourquoi nous n’aurions pas le droit de le faire ? !” s’insurge Sarah Aizenman, porte-parole du collectif “Nous vivrons”.
La cinquantaine de militantes venues porter la voix des victimes israéliennes a été très vite été prise à partie par des militantes munies du drapeau de la Palestine qui ont alors jeté des projectiles. “On a pu marcher à peine quelques minutes avant d’être exfiltrées pour notre sécurité par la police. Plusieurs d’entre nous ont été touchées et blessées par les projectiles”, “On entendait des slogans tels que ‘sales juives’, ‘nazis’, ‘Israël assassin’ sur notre passage”, raconte Mélanie Pauli-Geysse, présidente de “No Silence”. Dans les vidéos on entend des insultes, intimidations et slogans “sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes” et “Israël assassin” lancés par les autres manifestantes. En amont de la manifestation, le collectif d’extrême gauche “Urgence Palestine” s’était insurgé sur les réseaux sociaux de la venue des collectifs “Nous vivrons” et “No Silence”.
L’américaine Judith Butler, la théoricienne du genre, enseignante à l’université de Berkeley, titulaire d’une chaire de rhétorique et de littérature comparée, était l’invitée d’une table ronde à Pantin dimanche 3 mars. L’intellectuelle d’extrême-gauche a qualifié d’”acte de résistance armée” les massacres survenus le 7 octobre dernier en Israël et assure que les actes du mouvement palestinien ne sont ni “une attaque terrorist”, ni “une attaque antisémite”, mais un “soulèvement”. Cette rencontre organisée à l’initiative du “NPA” (Nouveau Parti Anticapitaliste), du média “Paroles d’Honneur”, et de deux associations juives propalestiniennes et décoloniales, le collectif “Tsedek !” et l’”UJFP” a réuni plusieurs députés de “La France Insoumise” venus écouter Judith Butler, dont Thomas Portes, Danièle Obono et Younous Omarjee. La théoricienne des gender studies était par ailleurs invitée à l’Ecole Normale Supérieure pour y donner trois conférences. Ni les viols commis le 7 octobre, ni les crimes sexuels, ni la jouissance sadique des tueurs hamasistes ne semblent troubler la féministe de Berkeley.
On reste stupéfait devant la persistance de cette vénérable institution de la République à honorer la parole de ceux et celles qui ont fait de la radicalité politique la plus intolérante, une pensée respectable : Alain Badiou, fervent admirateur des khmers rouges, Etienne Balibar, Jacques Rancière et Louis Althusser, fervents compagnons de route du communisme le plus borné autant que du propalestinisme le plus régressif. Nous pensions, à tort, que cette passion politique et que ces séductions auraient pu faire l’économie de ces aveuglements meurtriers. L’actualité nous donne tort. Les idiots utiles fourmillent dans les lieux où l’on pense.
Tous ces éléments font aujourd’hui système : l’islamo-gauchisme dont Pierre-André Taguieff avait depuis longtemps analysé les prémisses réalise aujourd’hui la fusion de deux visions du monde : un néo bolchevisme aussi woke qu’ignorant et un islamisme fanatique nourri de la pensée des Frères musulmans. Que cette mécanique fasse les belles heures de Sciences-Po ou de l’ENS n’augure rien de bon. Le soutien inconditionnel en faveur de la “cause palestinienne” constitue désormais le noyau dur de cet islamo-gauchisme. Sa double dimension à la fois islamiste et gauchiste n’a qu’un seul but stratégique : la destruction de l’État d’Israël. Tous les moyens de la délégitimation de l’État d’Israël sont utilisés pour construire ce projet. Cet islamo-gauchisme se retrouve principalement en France au sein de “LFI” ou du “NPA”, depuis que le parti de Jean-Luc Mélenchon a défilé avec le “CCIF” (Collectif Contre l’Islamophobie en France), (organisme dissous depuis pour ses liens avec la mouvance terroriste). Le “CCIF” fut, entre autres, l’initiateur des procès contre Georges Bensoussan pour “islamophobie”. Défenseur du rappeur Médine, accusé d’antisémitisme (août 2023), et militant pour la “liberté” de porter l’abaya à l’école (septembre 2023).
Les accusations de colonialisme, d’apartheid et de génocide sont les mots clefs de cette stratégie. Aucune surprise donc à voir défiler “LFI” aux côtés du mouvement “BDS Boycott-Sanctions-Désinvestissement” (avril 2017) et c’est ainsi que l’attaque pogromiste lancée par le Hamas le 7 octobre 2023 en territoire israélien, a été saluée par “LFI”. Le mouvement terroriste, branche palestinienne des Frères musulmans, étant qualifié de “mouvement de résistance”.
L’intégration dans la liste “LFI” pour les élections européennes de juin prochain de la propagandiste Rima Hassan n’est donc qu’une confirmation supplémentaire des positions les plus radicales du soutien à la Palestine. LFI est bien devenue le premier parti islamo-gauchiste français. Que cette jeune femme professe une haine d’Israël particulièrement virulente ne trouble pas la direction de “LFI”. La présidente de l’association “Urgence-Palestine” n’hésite pas en effet à s’inspirer de l’argumentaire complotiste des “Protocoles des sages de Sion” pour conforter ses prises de positions.
Le discours antisioniste procède par reversement des rôles : il serait légitime d’exterminer les Juifs puisque ceux-ci auraient planifié le génocide des Arabes. La “nakba” qui s’inscrit en miroir de la “Shoah” constitue l’ossature du narratif palestiniste. Que le mufti de Jérusalem, Amine el Husseini, ait été complice des nazis passe à la trappe de l’histoire. On se trouve ainsi devant un reversement de l’histoire : après le 7 octobre, les Israéliens feraient subir aux Gazaouis ce que les juifs ont réellement subi sous le nazisme. Ce qu’Edgar Morin écrivait déjà en 2002 retrouve aujourd’hui toute son actualité. Le déni des massacres du 7 octobre autant que le déni de l’intention génocidaire du Hamas est l’autre face de ce discours.
Cette pensée politique si soucieuse de justice à l’égard des Palestiniens n’a jamais bronché devant les massacres d’autres arabes et d’autres palestiniens commis par le régime de Bachar Assad, ni devant le gazage des populations yézidies en 2013. Trois cent mille morts dans la répression des printemps arabes en Syrie n’émeuvent guère ni les Palestiniens ni leurs soutiens progressistes. Les cruautés arabo-arabes ou islamo-islamistes sont tolérées dès lors qu’elles restent une affaire de famille. Bachar Assad a ainsi réintégré le giron de la Ligue arabe en 2023. En Tunisie, en Iran, c’est grâce à une surenchère obsessionnelle de haine d’Israël que se livrent les pouvoirs. Même la pénurie de pluie et la sècheresse qui accablent ces régions auraient pour responsable un “complot sioniste” capable de détourner les nuages.
C’est au cœur de cette Propalestine fantasmagorique que prospère ainsi l’antisémitisme politique contemporain le plus largement répandu aujourd’hui dans les sociétés arabes, mais aussi en France dans les rangs de la jeunesse issue de l’immigration arabo-musulmane. C’est même ce qui constitue le plus souvent son socle identitaire. Quand “LFI” se joint sans état d’âme à des manifestations dans lesquelles des banderoles affichent un signe = entre la svastika et l’étoile de David, le parti de Mélenchon cautionne des symboles inspirés par Drumont et Doriot. Cette mise en équivalence restera comme un des marqueurs symboliques les plus abjects de notre sombre temps.
En partageant la haine des islamistes à l’égard des Juifs, “LFI” a réalisé une mutation par rapport à l’antisémitisme de gauche historique sur le lien des Juifs et de l’argent, les présentant comme le fer de lance du capitalisme. Désormais ce n’est plus l’émancipation du prolétariat qui est à l’ordre du jour, mais la défense “des dominés, des discriminés, des indigènes dans la République” contre “les colons, les blancs, les dominants”. Cette gauche qui défend les revendications de l’islam politique sans se soucier de leur caractère anti-démocratique, antirépublicain autant que contre les femmes, communie dans la défense du Palestinien, nouvelle figure emblématique des nouveaux “damnés de la terre”. Ce qui a été initié par Dieudonné ou Houria Bouteldja triomphe aujourd’hui à Sciences Po, à l’École Normale Supérieure et dans les rues de Paris pour libérer “la Palestine de la rivière à la mer”.
Pour la France, c’est un désastre majeur. C’est au nom de la même idéologie qu’il y a eu le massacre du Bataclan en 2015 et celui du 7 octobre 2023 en Israël.
Ne pas le comprendre est suicidaire.