Brooklyn en première ligne face à la fièvre antisémite

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Haï – JForum

Trois semaines après l’attaque meurtrière qui a tué trois personnes dans une épicerie casher du New Jersey, l’inquiétude ne faiblit pas au sein de la communauté juive américaine. Reportage à Crown Heights, quartier loubavitch historique de Brooklyn, à New York, où chacun constate au quotidien la résurgence croissante de l’antisémitisme.

C’est un jour presque ordinaire à Crown Heights. Dans le sous-sol de la synagogue d’Eastern Parkway, artère principale de ce quartier juif orthodoxe de Brooklyn, des centaines de loubavitchs prient, discutent, mangent, lisent dans une ambiance de hall de gare.

Cette convivialité ferait presque oublier l’important dispositif de sécurité à l’extérieur de l’édifice.

Depuis l’attaque à la machette contre le domicile d’un rabbi à Monsey (banlieue de New York), qui a fait cinq blessés fin décembre, et l’assassinat de trois personnes dans une épicerie casher deux semaines plus tôt dans l’État voisin du New Jersey, la présence policière et les patrouilles de volontaires locaux ont été renforcées ici, comme dans les autres quartiers juifs de New York.

Un groupe de bénévoles non-juifs, les « Guardian Angels », reconnaissables à leur survêtement rouge, font également des rondes, remerciés par les locaux qu’ils croisent sur leur chemin. « C’est triste d’en arriver là », regrette Benjamin Garcia, l’un de ces gardes non-armés.

La situation est particulièrement préoccupante à New York, où vivent plus d’un million de Juifs. Entre le 23 décembre et le 1er janvier, treize agressions contre des membres de la communauté ont été répertoriées dans la ville, longtemps vue comme un sanctuaire. Sur l’ensemble de l’année, les crimes de haine antisémites ont atteint un record.

L’angoisse des loubavitchs de Brooklyn

Avec sa communauté loubavitch estimée à plus de 21 000 membres, particulièrement visibles à cause de leur tenue (chapeaux et manteaux noirs pour les hommes, robes et perruques pour les femmes…), Crown Heights est en première ligne.

Si les incidents antisémites ne sont pas nouveaux dans ce quartier, ils s’y multiplient. Quand ils ne subissent pas de violences physiques, les habitants sont importunés ou menacés : perruques et chapeaux arrachés, intimidations verbales, jeunes qui louent Hitler ou lancent des pierres contre les écoles juives…

Dans son cabinet médical, Yosef Hershkop, qui a vécu toute sa vie dans le quartier, s’inquiète : « 99,99 % des Juifs qui quittent la maison le matin ne vont pas avoir de problèmes. Mais plus personne ne peut dire avec certitude qu’il ne leur arrivera rien. » Certains membres de la communauté envisagent de s’armer. « Nous pourrions arriver à une situation où nous devrons avoir des gardes armés dans chaque école juive, où les Juifs se déplaceront en groupe Ceux qui pourront se l’offrir déménageront et les plus pauvres resteront dans le quartier », s’alarme Yosef.

Le précédent de 1991

Crown Heights connaît trop bien les travers de l’antisémitisme. En 1991, le quartier a été, pendant trois jours, le théâtre d’affrontements entre les communautés juive et afro-américaine locales à la suite de la mort d’un jeune Noir, renversé par le cortège de rabbi Menachem Mendel Schneerson, leader iconique des loubavitchs.

Près de trente ans plus tard, l’hostilité envers les Juifs est ravivée par l’augmentation des prix de l’immobilier. « Nous sommes tenus, à tort, pour responsables de cette situation. Or, nous en souffrons aussi. Nous sommes des boucs émissaires faciles », explique Yaakov Behrman, un natif de Crown Heights qui siège au conseil de quartier.

Ce n’est pas le seul facteur en cause : Yaakov Behrman critique aussi la décision de la ville et de l’État de New York d’assouplir les règles de remise en liberté des délinquants, les positions hostiles envers les Juifs de certains élus au Congrès et le silence des médias nationaux sur les agressions dont ils font l’objet au quotidien. « Cela a permis à un sentiment d’impunité de s’installer, croit-il. Il faut qu’on arrête d’ignorer le problème. Autrement, d’autres attaques sanglantes se produiront. »

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Des attaques contre les Juifs en augmentation

– Au début du XXe siècle, les juifs faisaient déjà l’objet d’agressions verbales et physiques outre-Atlantique. Ils étaient également exclus de certaines professions, d’universités, d’hôtels et de certains quartiers.

– Après une vague de sympathie après guerre, l’hostilité a refait surface. En 2018, l’Anti-Defamation League a recensé 1 879 crimes contre des juifs aux États-Unis : le troisième volume le plus élevé depuis le début du comptage, dans les années 1970. À chaque fois, les tueurs se réclament de la mouvance des suprémacistes blancs.

– Le 27 octobre 2018, 11 Juifs américains ont été tués dans une synagogue de Pittsburgh (Pennsylvanie), dans ce qui demeure l’acte antisémite le plus meurtrier recensé aux États-Unis.

Source: www.la-croix.com

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