A la fois courageux et déterminé, bienveillant et rigoureux, le rav ‘Haïm Yaacov Rottenberg, zatsal, fut l’une des grandes figures du monde orthodoxe d’après-guerre. Celui que ses fidèles et ses élèves appelaient avec respect, le Rouv a laissé une empreinte indélébile auprès de nombreux Juifs de France et son œuvre se poursuit aujourd’hui au travers de la communauté de la rue Pavée et les institutions Emeth le-Yaacov conduites par son fils, rav Morde’haï Rottenberg et par les institutions Yad Morde’haï sous la direction de son gendre, rav Its’hak Kats. A l’occasion du trentième anniversaire de sa disparition, le 7 Eloul 5750, nous évoquons la personnalité hors du commun du Rouv.
Le rav ‘Haïm Yaacov Rottenberg, zatsal, est né en octobre 1909 (5670) à Vadowicz dans une famille dont les origines se situent à Zantz puis à Cracovie. Son père, rav Morde’haï Rottenberg, zatsal, était lui-même issu d’une famille de ‘hassidim de Zantz et de Bobov, qui était proche du « Divré Haïm ». Sa mère venait, elle, d’une tradition hongroise puisque son propre père, et donc le grand-père de rav ‘Haïm Yaacov, était le grand rabbin de Tselim ainsi que son arrière-grand-père, le rav Mena’hem Katz, qui était le grand élève du célèbre Hatam Sofer. En 1911, le rav Mordekhaï Rottenberg, qui occupe alors les fonctions de grand rabbin de Vadowicz, présente sa démission après que le conseil d’administration de la communauté a décidé d’introduire une orgue dans l’enceinte de la grande synagogue…
C’est ainsi que la famille Rottenberg choisit d’émigrer vers l’ouest et s’installe à Anvers, ville dont le rav Morde’haï est nommé dayan. Septième enfant de la famille, le jeune ‘Haïm Yaacov grandit dans une ambiance de Tora et de respect scrupuleux des mitsvot. Lorsque la première guerre mondiale éclate en 1914, les Rottenberg, qui sont alors de nationalité autrichienne, sont contraints de s’installer en Allemagne et ils y resteront jusqu’à l’armistice de 1918. De retour à Anvers, le rav Mordekhaï va consolider sa communauté en la dotant d’une casherout et d’un Bet Midrach.
Des études lithuaniennes pour une âme ‘hassidique
A 18 ans, le jeune ‘Haïm Yaacov entend pour la première fois parler du célèbre machgia’h de la yéchiva de Mir, le rav Yérou’ham Leibovitz zatsal. Il décide d’aller étudier dans ce bastion du Limoud lithuanien, dirigé alors par le Gaon rav Eliézer Yehouda Finkel zatsal.
Très vite, la forte personnalité du Rouv et sa détermination vont le faire distinguer des autres élèves. On raconte que le marché de la ville de Mir devait exceptionnellement ouvrir durant le Chabbath. Certains craignaient que les commerçants juifs de la ville soient tentés de s’y rendre, affectant ainsi la sainteté du Chabbath : « Mon père zatsal, qui n’était pourtant alors qu’un jeune élève, s’est alors adressé à une partie des Juifs de la ville dans un discours qui les impressionna, afin de les convaincre de ne pas enfreindre le Chabbath ».
Après Mir, le Rouv étudiera à la yechiva de Telze sous la direction du rav Yossef Bloch zatsal, avant de se rendre également à Brisk où il s’attachera au fameux rav de Brisk, rav Yits’hak Zeev Solovetchik zatsal, qui lui montra une affection et une estime toute particulière. Le Rouv qui était donc de « culture » hassidique sera formé au Limoud dans une approche lithuanienne : « Le rosh yechiva de Telze l’avait encouragé à concilier les deux écoles ». De retour à Anvers, le Rouv se marie et prend, comme son père avant lui, les fonctions de Dayan de la communauté orthodoxe de la ville.
La Shoah et la reconstruction à Anvers
Lorsque la Seconde guerre mondiale éclate, le Rouv se trouve donc en Belgique. Mais il va pouvoir profiter de l’extraordinaire dévouement de sa sœur Re’ha Sternbuch qui se trouve à Montreux en Suisse. Grâce au réseau de relations qu’elle va tisser, Re’ha Sternbuch et sa famille vont pouvoir sauver de la tourmente des milliers de Juifs. D’emblée, Re’ha Sternbuch obtient pour son frère et sa famille de faux passeports paraguayens. En effet, il était de notoriété publique que les nazis ne pourchassaient pas les Juifs citoyens de pays n’étant pas en conflit avec eux. Les détenteurs de passeports sud-américains sont rassemblés dans un camp à Vittel. Mais une erreur administrative va retenir le Rouv à Anvers ! Le Rouv est arrêté par la suite et détenu dans une prison de Malines en Belgique. Une seconde « erreur d’aiguillage » le conduit à être incarcéré dans la cellule des condamnés à mort de cette maison d’arrêt. Malgré l’épreuve, sa confiance en D’ reste intacte : « Le Rouv raconte qu’un matin il s’est réveillé avec, en tête, un verset dans lequel le mot ‘Tov’ (bien) figurait. La Guemara nous enseigne que dans un tel cas, le verset peut être considéré comme une prophétie. Mon père a remarqué que le mot ‘Tov’ représentait le chiffre 17. Il a alors annoncé à ses camarades de détention qu’il serait libéré le 17 Chevat, qui tombait quelques jours plus tard. De manière miraculeuse, c’est ce qui s’est produit. L’un de ces détenus, qui était alors communiste, avait été tellement impressionné par la foi en D’ de mon père qu’il déclara, à partir de ce moment, croire au Créateur ».
Le rav Haïm Yaacov Rottenberg sera à nouveau interné dans un camp quelques années et il sera à nouveau libéré grâce aux efforts de sa sœur Re’ha. Il parviendra à passer en Suisse, où il demeurera jusqu’à la Libération. Le Rouv retourne alors à Anvers où il va se consacrer avec son frère Joseph Rottenberg à la restauration de la communauté durement touchée par la Shoah. Deux ans après la fin de la guerre, le Rouv fonde un nouveau foyer avec la Rebbetsen Rivka, qui vit toujours à Paris, et qui accompagnera le Rouv durant toute sa vie avec un immense dévouement.
Il va ensuite renforcer la cacherout avec des boucheries et plus tard des restaurants casher. Il va également fonder un Beth-Din, avant d’ouvrir, dans la ville de Kapel à quelques kilomètres d’Anvers, une yéchiva qui reposera sur des élèves et sur le rav Kopelman, chlita, que le Rouv va chercher en Tchécoslovaquie.
Dans le cadre du Beth-Din, le Rouv va déployer une grande énergie pour s’occuper des nombreux dossiers de Agounot de la Shoah. Les notables juifs d’Anvers envisagent de le nommer au poste de Grand rabbin orthodoxe de la ville, mais finalement, à la suite de certaines oppositions dues probablement au caractère ferme et entier du Rouv, ce projet n’aboutit pas.
Le Rouv reste donc à Anvers et vers la fin des années 50, il se retire de la direction de la communauté pour se consacrer à l’enseignement de la Tora.
Le défi du judaïsme orthodoxe parisien
C’est en 1964, que le nom du Rav Rottenberg est avancé pour succéder au Rav Chmouel Yaacov Rubinstein, rabbin de la communauté orthodoxe de la rue Pavée.
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