Le Hamas part du principe qu’une proposition américaine finale se fera inévitablement aux dépens d’Israël. La pression principale pour parvenir à un accord est déjà exercée sur les dirigeants israéliens. Le Hamas n’encourt aucune conséquence s’il prolonge le processus et, tant qu’il détient des otages, il peut toujours reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées.
Par Meir Ben Shabbat (notre photo)
Alors que les responsables israéliens continuent de débattre de la décision du cabinet de s’opposer au retrait des forces de Tsahal du corridor de Philadelphie, Khalil al-Hayya, le chef adjoint du Hamas à Gaza, a réitéré que cette question n’était qu’une des nombreuses exigences que son groupe avait avancées comme conditions à un accord. « Nous soulignons que tout accord doit comprendre une cessation totale des hostilités, un retrait complet de la bande de Gaza, y compris du corridor de Philadelphie et du passage de Rafah, le retour sans entrave des personnes déplacées dans leurs foyers, l’aide et les secours aux Palestiniens, la reconstruction de Gaza et un échange de prisonniers », a déclaré al-Hayya.
Cette position n’est pas nouvelle. Ce qui ressort de sa présentation, c’est l’assurance affichée par le haut responsable du Hamas, au cours d’une semaine où lui et ses associés étaient censés être sur le qui-vive, craignant les répercussions de la mort de six otages. Cependant, la réaction à cette situation en Israël et aux États-Unis a provoqué une réaction opposée de leur part. De leur point de vue, non seulement ils ont évité les conséquences de cet acte odieux, mais ils ont également réussi à faire monter les tensions et les désaccords internes en Israël, tout en poussant Washington à envisager de présenter un cadre défini comme une « offre finale, sans marge de négociation » (« à prendre ou à laisser »). Ils ont rapidement capitalisé sur l’indignation publique suscitée par la mort des otages en lançant une campagne médiatique avertissant que ce serait le résultat de la pression militaire israélienne, tout en adoptant une position ferme sur leurs exigences de négociation.
Le Hamas part du principe qu’une proposition américaine finale se fera inévitablement aux dépens d’Israël. La pression principale pour parvenir à un accord est déjà exercée sur les dirigeants israéliens. Le Hamas n’encourt aucune conséquence s’il prolonge le processus et, tant qu’il détient des otages, il peut toujours reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées.
Le président Joe Biden a promis que le Hamas assumerait les conséquences de la mort des otages. On peut au moins s’attendre à ce qu’il ne récompense pas le Hamas. Faire pression sur le gouvernement israélien pour qu’il cède aux exigences du Hamas équivaudrait à récompenser le groupe terroriste. Au contraire, la démarche logique serait que les États-Unis soutiennent la position justifiée d’Israël. Un tel soutien pourrait même contribuer à faire avancer les négociations.
Il est temps que les États-Unis fassent jouer pleinement leur influence sur le Hamas. Une approche consisterait à exiger le départ des dirigeants du groupe du Qatar. Washington devrait exiger cela de Doha. Ces dirigeants portent la même responsabilité que ceux basés à Gaza pour l’attentat terroriste du 7 octobre et les crimes de guerre qui ont suivi. Ce sont les mêmes dirigeants qui exhortent actuellement leurs agents en Cisjordanie à commettre des attentats suicides. Exiger l’expulsion des dirigeants du Hamas du Qatar et imposer des sanctions personnelles à ses membres est le minimum que l’on attend des États-Unis. Israël trouvera les moyens de demander des comptes aux meneurs.
Du point de vue d’Israël, ses prochaines actions à Gaza devraient servir trois objectifs : dégrader encore davantage les capacités militaires restantes du Hamas, affaiblir sa capacité à gouverner et accroître la pression pour faciliter la libération des otages. Pour atteindre ces objectifs, le Hamas doit être entièrement privé de tout contrôle sur les approvisionnements entrant dans Gaza. C’est la bouée de sauvetage du groupe et le principal moyen de maintenir son autorité. Il serait également judicieux d’envisager de diviser davantage la bande de Gaza au-delà des partitions actuelles.
Une autre stratégie qui mérite d’être explorée est celle proposée par l’ancien chef du Conseil de sécurité nationale, le major-général (retraité) Giora Eiland: évacuer les habitants du nord de Gaza, en faire une zone militaire et interrompre l’approvisionnement de la région. Les inconvénients de cette proposition résident dans l’opposition qu’elle risque de rencontrer de la part des États-Unis et de la communauté internationale, ainsi que dans les forces importantes nécessaires à sa mise en œuvre. Naturellement, elle pourrait être mise en œuvre dans d’autres zones à des degrés divers. Néanmoins, ses nombreux avantages méritent d’être sérieusement discutés.
Meir Ben Shabbat est le directeur de l’Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste, à Jérusalem. Il a été conseiller à la sécurité nationale d’Israël et chef du Conseil de sécurité nationale entre 2017 et 2021, et avant cela pendant 30 ans au sein du Service de sécurité générale (l’agence de sécurité Shin Bet ou « Shabak »).