Dans une tribune publiée dans le prestigieux quotidien américain, un professeur d’université attribue la chute de popularité du président français au « macronisme »: cette manie du chef de l’Etat de concentrer sa politique autour de sa personne.
Le 9 mai, au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, la presse internationale poussait un soupir de soulagement. Marine Le Pen avait été battue, et pour beaucoup, l’élection d’Emmanuel Macron était de bonne augure. Aux Etats-Unis, le New York Times y voyait notamment « un nouvel espoir pour l’Europe ». Quatre mois plus tard, presque jour pour jour, le ton a bien changé.
De ce côté de l’Atlantique, la popularité du chef de l’Etat s’effrite, forçant nos voisins à s’interroger sur les raisons de ce désamour. C’est ce qui est fait dans le New York Times. Dans une tribune publiée ce jeudi, Chris Bickerton, qui enseigne la politique européenne à l’université de Cambridge, s’attaque au président français. Et l’auteur, considéré comme pro-Brexit, n’y va pas de main morte contre l’actuel chef de l’Etat.
« Son projet politique est trop centré sur sa personnalité »
« Emmanuel Macron will be yet another failed french president », titre-t-il sa tribune, estimant qu’après tout, Emmanuel Macron sera lui aussi un « président français qui a échoué ». Dans le Times, le chercheur rappelle tout d’abord qu’il bénéficie toujours d’une certaine aura à l’étranger, notamment parce qu’il a redonné un coup de jeune à la diplomatie française « en tenant tête à Donald Trump et à Vladimir Poutine ». « En France, c’est une toute autre histoire », relève-t-il, citant les mauvais scores du Président dans les derniers sondages. Il attribue sa chute de popularité au « macronisme ».
« Son projet politique entier est bien trop concentré sur sa personnalité. Son attrait vient essentiellement de sa jeunesse, de son dynamisme, de son allure et de ses qualités oratoires », estime-t-il dans le New York Times. « Cette approche hyper-personnalisée comporte toujours le risque qu’une fois le charme rompu, il ne reste rien à ses soutiens pour l’apprécier, ce qui est exactement en train de se passer », poursuit le texte, qui évoque notamment l’épisode du Congrès de Versailles et son impact sur les Français, « irrités par ses accents monarchiques ».
« Son attitude arrogante à l’égard du pouvoir a détruit l’image anti-establishment qu’Emmanuel Macron a cultivé durant sa campagne », estime aussi l’auteur.
Ego démesuré et vide politique
Avant la présidentielle, Emmanuel Macron et son projet avaient parfois été qualifiés de « bulle ». L’auteur de cette tribune ne fait pas un constat moins sévère quatre mois après l’élection et estime que le « vide de son projet politique » est en train de se découvrir. Chris Bickerton se montre en particulier sceptique sur la réforme du code du travail menée par l’exécutif et, de manière plus générale, par la politique économique du Président.
« Toute baisse continue du chômage en France serait la bienvenue, mais l’expérience d’autres pays suggère que cela impliquerait de nouvelles formes d’inégalité. En Allemagne, la réforme du marché du travail a mené à la prolifération de « mini-jobs », un travail à temps partiel peu régulé et qui a pris la place du travail à temps plein dans certains secteurs », analyse le chercheur, qui cite aussi l’exemple britannique.
Pour Chris Bickerton, « la politique économique d’Emmanuel Macron favorise les employeurs par rapport aux salariés et ébrèche ce qui reste de l’Etat-providence français ». Reprochant au président français son « ego démesuré », il lui reconnaît cependant le mérite d’avoir profondément et pour longtemps renversé un paysage politique moribond. Mais sa conclusion est tout aussi sévère que son analyse:
« Emmanuel Macron est toujours l’enfant chéri de l’élite libérale mondiale, mais son impopularité grandissante nous donne une meilleure image de ce qu’il a à offrir. »